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Où en est Bahrein ?

 

Par Aymen Jawad Al-Tamimi, membre de l'Institut Middle East Forum

The American Spectator -  19/10/11
http://www.meforum.org/3073/assessing-bahrain

Traduit par Albert Soued, écrivain http://soued.chez.com pour www.nuitdorient.com  

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Les critiques ont souvent accusé les nations occidentales, et les Etats-Unis en particulier, d'être hypocrites dans leur politique à l'égard de Bahrein. Est-ce juste ? En fait personne n'a donné une vue d'ensemble de ce qui se passe dans l'île. Qui sont les protestataires shiites ? Quel est l'enjeu ? Et surtout quel pouvoir extérieur pourrait modifier la donne ?

 

La majorité shiite de Bahrein, gouvernée par une minorité sunnite depuis l'arrivée au pouvoir de la dynastie des Khalifa, il y a environ 2 siècles, se plaint depuis longtemps et à bon escient de discrimination. Alors que Bahrein a commencé à adopter au début de ce siècle des réformes démocratiques, ces réformes ont petit à petit été inversées, du fait des préoccupations du gouvernement vis à vis de l'Iran qui chercherait à tirer avantage d'une plus grande liberté sur l'île.

En effet en 2010, le groupe de réflexion américain des Droits de l'Homme "Freedom House" a déclassé Bahrein de "partiellement libre" à "pas libre", citant entre autres choses "le harcèlement des chefs de l'opposition politique" et "la discrimination sectaire qui s'accentue".

Aujourd'hui, l'anxiété des gouvernants vis-à-vis des desseins de l'Iran n'est pas totalement injustifiée. Il faut savoir qu'à plusieurs reprises, l'Iran a revendiqué l'île – notamment en 2005 – la considérant comme la 14ème province, depuis que le shah Mohamed Reza Pahlevi avait en novembre 1957 fait une déclaration de statut dans ce sens.

 

Depuis que les protestations ont commencé, il était clair qu'il y avait nombre de manifestants islamistes shiites parmi elles, notamment le mouvement "al Haq" mené par Hassan Moushalma, qui se distingue des autres mouvements shiites comme "al Wefaq", dont le but est de garder la dynastie des al Khilafa comme monarchie constitutionnelle, avec des pouvoirs limités, mais pas de subordonner l'île aux intérêts iraniens.

Le régime a fait l'erreur de considérer les protestataires comme un bloc monolithique, assujetti au plan iranien d'annexion du pays. Il aurait dû trouver un compromis avec l'opposition dominante et porter devant la justice des éléments comme Hassan Moushalma. Au lieu de jeter en prison et torturer les manifestants d'"al Wefaq" et même des laïques socio-démocrates de "al Waad". Dans ce dernier cas, on note que son chef, Ibrahim Sharif un sunnite, est en prison. Pourtant al Waad a mis en garde les protestataires contre une possible ingérence des Iraniens dans les rassemblements.

En attendant, un groupe d'une vingtaine de médecins et infirmiers qui ont soigné des manifestants frappés brutalement par la police a été accusé de complot et de tentative de renverser le gouvernement. Des responsables ont annoncé leur intention de faire un procès civil plutôt que militaire, mais on se demande si le verdict sera différent.

Il est malheureux que le régime se soit piégé lui-même dans ce cercle vicieux, en mettant en avant ces extrémistes qui recherchent le complet démantèlement de la monarchie et du gouvernement qui lui est associé. Plus la répression se poursuit plus la fenêtre d'opportunité pour un compromis raisonnable se ferme définitivement.

Il faudrait ici pointer du doigt l'Arabie Saoudite et le Conseil de Coopération du Golfe (CCG), qui ont aussi considéré ces manifestations comme un complot de l'Iran et ont déployé des milliers de soldats, "Remparts de la Péninsule" – troupes d'Arabie, Qatar, Koweit, Emirats – pour aider à réprimer ces protestataires. De plus, l'Arabie a cherché à recruter ailleurs, parmi les nations sunnites, hors péninsule.

Ainsi, comme l'a rapporté l'Institut "Middle East Media Research", en geste de retour pour les promesses d'aide financière apportée à l'économie pakistanaise, des sociétés privées de sécurité ont recruté des milliers de soldats pakistanais démobilisés pour aider le gouvernement de Bahrein. De même la Malaisie a promis d'envoyer des contingents complémentaires si nécessaire.

Il faut savoir que les choix stratégiques faits par le gouvernement de Bahrein sont conditionnés par l'attitude de l'Arabie saoudite et par celle du CCG. Les Etats-Unis ne souhaitent pas qu'un Moushalma vienne au pouvoir à Bahrein, d'autant que la 5ème Flotte américaine est basée dans l'île. Cette présence est vitale pour empêcher l'hégémonie iranienne sur les eaux du Golfe, encore plus si l'Iran parvient au nucléaire, régnant alors en maître sur la voie-goulot maritime par où passe la majeure partie du pétrole mondial.

L'Occident n'aime pas trop le statu quo à Bahrein, mais, dans son intérêt, il est prêt à la patience; de plus il n'a pas les moyens de convaincre le gouvernement de Bahrein et ses protecteurs, l'Arabie et le CCG, qu'un compromis politique est envisageable et même nécessaire. Les autres options sont sérieusement limitées.

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