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Obama et le Ku Klux Klan

 

Par Jean-Pierre Bensimon,

Pour Objectif-info, le 18 novembre 2010

http://www.objectif-info.com/index.php?id=1507

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Les contrats d'armement qu'Obama est en train de conclure avec l'Arabie Saoudite et certains états du Golfe vont donner une nouvelle dimension à un courant dévastateur de l'Islam.

Bernard Lewis, le très savant orientaliste américain, avait des facilités étonnantes en matière de pédagogie. On lui doit par exemple une fameuse analogie qui mettait en pièces l'obsession accusatrice d'Edward Saïd à propos de ce qu'il appelait "l'Orientalisme". A cette époque, les élites occidentales faisaient étrangement leur petit lait de ses procès. Saïd prétendait que tout ce qui avait été écrit par l'Occident sur l'Orient, tout, suintait l’impérialisme et le colonialisme, l’agressivité, la volonté d’assujettir, l'arrogance, etc. Lewis le ridiculisa en comparant sa démarche à celle de Grecs qui partiraient en guerre contre l’Hellénisme, entendu comme un complot ourdi par l’Europe et l’Amérique pour dénigrer leur patrimoine national et asservir la Grèce.

 

On doit à Bernard Lewis une autre parabole, cette fois pour faire comprendre à ses compatriotes américains l'image contemporaine tout à fait terrifiante de l'Islam. Imaginez, leur dit-il, que le Ku Klux Klan ait pris le contrôle absolu du Texas et de ses ressources pétrolières; qu'il utilise ses revenus pétroliers pour mettre sur pied un réseau mondial d'enseignement, dans l'ensemble de la Chrétienté, de sa mouture très particulière du christianisme ; et vous aurez une pale idée de ce qui se passe dans le monde musulman moderne. Lewis évoquait évidemment le rôle de l'Arabie saoudite. Pour sa part, dans ses multiples mutations, le Ku Klux Klan né après la défaite du Sud dans la guerre de sécession, mâtinait obstinément son protestantisme d'une doctrine de la supériorité de la race blanche justifiant les expressions les plus hideuses du racisme. Il n'eut ni pouvoir ni argent, et il a aujourd'hui quasiment disparu. Cette idéologie demeura confinée et impuissante.

 

Il n'en n'est pas de même de l'Arabie saoudite. Au milieu du 18ème siécle, un peu avant la Révolution française, alors que les Lumières commençaient à triompher en Europe, un doctrinaire moyen-oriental, Mohammad Abdel Wahhab, s'alliait à un prince ambitieux, Mohammad Ibn Saoud Ibn Mohammad. Ils mariaient alors leurs enfants et entreprenaient de conquérir le pays. Surtout, ils imposaient par l'épée leur vision impitoyable d'un islam "authentique." La traque dévoyée des pratiques idolâtres, leur marque de fabrique, les a autorisés jusqu'à aujourd'hui, aussi bien à détruire les sites archéologiques de l'Islam primitif (ils auraient rasé récemment 95% des constructions plus que millénaires), qu'à condamner à la peine de mort quiconque prétendrait que la terre n'est pas plate, ou à interdire tout acte social à une femme indépendamment de son tuteur masculin.

 

Pour conserver le pouvoir, les princes saoudiens, étrillés par les Ottomans et leur bras armé égyptien, surent miser sur le bon cheval et passer une alliance avec les Anglais en 1915, puis avec les Américains en 1945. Un peu avant la seconde guerre mondiale, on avait découvert d'immenses champs pétroliers rémunérateurs qui leur assureront pour longtemps encore d'énormes ressources financières. Et ces théocrates rigoristes ont alloué depuis des décennies une bonne part de ce pactole providentiel à l'exportation de leur version très locale de l'islam, une culture de la haine durcie par sa convergence avec les préceptes d'Hassan al Banna et de Sayed al Qotb. Leur religion, transformée par leurs soins en un obscurantisme fanatique, totalitaire et violent, torture aujourd'hui les nations et les sociétés aux quatre coins de la planète. Le conflit de civilisations de nos jours est inséparable de l'explosion idéologique mondiale d'un Ku Klux Klan saoudien cousu de dollars.

 

C'est cet univers qu'Obama, président frais émoulu, a entrepris de séduire, inaugurant sa démarche par une prosternation publique devant le roi Abdallah, le fameux "bow" en anglais, qui restera associé à son nom dans les annales de la débandade contemporaine des Etats-Unis et de l'Occident.

 

Ces dernières semaines, le problème est en train de changer de nature. Jusqu'à présent les Saoudiens avaient à leur disposition une doctrine, des imams et une police religieuse, les Moutawas, pour la prêcher, et une montagne de dollars, le but étant d'extrémiser les musulmans d'Asie, d'Afrique et d'Europe. Et voici qu'Obama vient de proposer de doter en plus "ce bastion de la démocratie et de l'humanisme" d'une quantité invraisemblable d'armements les plus sophistiqués de notre époque.

 

Obama et son administration ont préparé un premier contrat de 60 milliards de dollars, le plus important jamais conclu par la première puissance mondiale. Il porte sur des bombardiers F 15, des hélicoptères d'attaque Blackhawk et Apache, un système radar avancé, des bombes à guidage laser et à guidage par satellite, et des missiles Harpoon et Sidewinder. En outre 70 autres avions de combat seront mis à niveau. Ce contrat renforce radicalement le potentiel offensif saoudien: pire encore, par son importance, il est en mesure d'introduire dans ce pays une culture militaire de la haute technologie et une catégorie sociale nouvelle formée de spécialistes de la mise en œuvre de ces armes sophistiquées.

 

Ce n'est pas tout : un contrat supplémentaire de 30 milliards de dollars, rien moins, portant sur les technologies navales est en préparation, toujours avec les saoudiens. Pour compléter le tableau, il faut aussi inclure dans ces opérations les contrats passés simultanément avec d'autres pays du Golfe (Emirats Arabes Unis, Koweit, Oman) pour des avions de combat, des missiles Patriot, des hélicoptères d'attaque, à hauteur de 13 milliards de dollars.

 

Ainsi toutes les cartes qui sous-tendent les équilibres stratégiques du Golfe et du Moyen Orient sont en train d'être rebattues par Obama au profit du régime saoudien. Son administration justifie cette énorme vague d'armement des pays arabes par la menace iranienne. C'est un aspect des choses. Pour de nombreux observateurs, l'aspect économique est prioritaire, les contrats se traduisant automatiquement par des commandes à l'industrie militaire des Etats-Unis.

 

Cependant, quand on a à l'esprit des témoignages ininterrompus d'Obama, d'amitié, de considération, de respect envers l'islam, qui confinent à l'allégeance voire à la sidération, on ne peut pas exclure non plus l'existence d'un paramètre idéologique personnel dans cette volonté de redistribuer des rapports de force. D'autant que les bénéficiaires de ces arsenaux sont parmi les ennemis les plus déterminés de l'état hébreu.

 

Mais voilà, Obama n'est pas l'Amérique. Le président sortant de la commission des affaires étrangères de la Chambre des Représentants, le démocrate Howard Berman, et la future présidente de cette commission, la républicaine Ileana Ris-Lehtinen, ont rédigé une lettre demandant à Hillary Clinton et à Robert Gates des éclaircissements sur ce dispositif : "nous soulevons une série de questions stratégiques sur l'impact de ventes d'armes de cette importance sur les intérêts nationaux de sécurité des Etats-Unis et de nos alliés". Vendredi dernier cette lettre recueillait déjà les signatures de 198 parlementaires. De son coté, la Maison Blanche estimait quand même qu'elle obtiendrait l'accord du Congrès.

 

La vraie question est de savoir si l'Amérique d'Obama pourvoira d'un arsenal de pointe le méga Ku Klux Klan saoudien.