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La Turquie serait-elle devenue la Sage-Femme de l'Enfantement d'un Etat Kurde ?

 

Par Pr Ofra Bengio, responsable du Programme d'Etudes Kurdes au Centre Moshe Dayan, université de Tel Aviv et auteur de "Les Kurdes d'Irak: construire un état dans l'Etat"

Article paru dans le Jerusalem Post du 13 juin 2012

Traduction résumée par Albert Soued écrivain http://soued.chez.com pour www.nuitdorient.com  

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Pourquoi la Turquie, qui persécute sa minorité kurde, et toujours très nationaliste, a-t-elle des relations amicales et étroites avec la province kurde d'Irak ? Comment expliquer ce paradoxe ? Il y a 3 raisons:

1. Depuis la guerre du Golfe en 1991, la Turquie s'est rapprochée du Gouvernement Régional du Kurdistan irakien (GRK), pour des raisons pragmatiques. Saddam Hussein avait sauvagement écrasé la rébellion kurde et 1 million de réfugiés se trouvaient aux frontières de la Turquie. Pour éviter que ces réfugiés n'envahissent son territoire, la Turquie a participé au programme des Alliés "Provide Comfort" qui avait pour but de réinstaller les kurdes chez eux au Kurdistan d'Irak. Depuis, la Turquie en a tiré un profit économique, puisque plus de 900 sociétés turques sont installées au GRK en 2012, mettant cette région kurde sous son influence culturelle et sociale. 7% des exportations turques partent au GRK. Ceci explique aussi l'accord conclu très récemment pour construire un pipeline de gaz et de pétrole des champs kurdes vers la Turquie, devenue l'ouverture du GRK vers l'Occident.

2. La Turquie espérait que le GRK puisse être un médiateur dans ses relations difficiles avec le PKK, le parti "kurde et turc" qui ne cesse ses attentats contre l'état, et contenir cette force récalcitrante. Cet espoir est vain à ce jour.

3. Mais ce sont surtout des considérations géostratégiques régionales qui ont incité la Turquie à courtiser le GRK. La base de cette alliance de fait serait la haine séculaire entre les sunnites et les shiites. Et les kurdes sont des sunnites. Et nous sommes devant une stratégie d'affrontement global au Moyen Orient, d'autant plus que le nouvel Irak à majorité shiite s'est rapproché de l'Iran, avec le 1er ministre Maliki. Il faut savoir aussi que sur le plan personnel Erdogan et Maliki ne s'entendent pas. Ledit "printemps arabe" et la guerre des dirigeants alaouites contre les sunnites en Syrie a contribué à créer un flot de réfugiés syriens se déversant en Turquie, notamment des kurdes sunnites.

Aujourd'hui la Turquie préfère Massou'd Barzani et le GRK au gouvernement central d'Irak. Pour la Turquie, Barzani n'est plus un "chef de tribu", mais un honorable président qu'on reçoit avec faste.

Cette alliance de fait va-t-elle contenir le désir d'indépendance des kurdes de Syrie et de Turquie ? Le génie kurde est sorti de la bouteille et n'est pas prêt à y rentrer?

 

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