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Israël et le Problème des Druzes de Syrie

 

Par Stéphane Juffa

Metula News Agency – 15/6/15

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Cette milice définit son combat comme un djihad, mais en termes exclusivement défensifs, contrairement aux autres forces participant à la Guerre Civile. Sa devise est : "Quiconque commet une agression contre la terre druze du Djébel, sans distinction pour son affiliation, souffrira des conséquences de son acte des mains de l’Armée des monothéistes, qui n’ont pas peur de se battre pour la défense de leur peuple"

 

Tout au long de leur histoire, les Druzes ont démontré qu’ils étaient de redoutables guerriers ; à plusieurs reprises, ils ont eu la possibilité d’occuper Damas et de gouverner le pays tout entier. C’est d’ailleurs un Druze, le Sultan Pacha al Atrash, qui est à l’origine de l’unification de la Syrie.

En 1921, la France, alors puissance mandataire en Syrie, créait l’Etat des Druzes dans le Djébel Druze ; il allait durer jusqu’en 1936, et vit l’insurrection de ses habitants contre la puissance coloniale, de 1925 à 1926.

Aujourd’hui, il manque aux Druzes du Djébel des armes lourdes, de même qu’un commandement aguerri pour s’opposer à une éventuelle offensive sunnite. En cas d’affrontements, les défenseurs seraient aidés par une topographie très accidentée, comprenant une dizaine de sommets atteignant entre 1 100 et 1 800 mètres. De plus, ils connaissent parfaitement le terrain, ce qui rendrait impossible une avancée rapide des Forces du Front du Sud, au point que ces dernières se voient actuellement contraintes de définir leurs priorités stratégiques.

 

La première consiste à foncer sur Damas et en expulser les alaouites, et à s’occuper plus tard du problème druze, soit par des voies diplomatiques, soit en utilisant la force, au moment où ils contrôleraient déjà l’ensemble de la Syrie.

 

L’objectif de l’exécutif israélien va consister, ces prochains jours, à influer sur les choix stratégiques du Front du Sud afin qu’il opte pour la première variante. Il compte y parvenir en renforçant la population "amie" du Djébel par des actions diplomatiques, par un éventuel appui logistique, ainsi que par la voie de déclarations d’intention.

Monsieur Netanyahu, le ministre de la Défense Moshe Yaalon, ainsi que les officiers supérieurs de Tsahal ne voient pas de problème pour apporter un secours humanitaire aux habitants druzes de la ville de Hader, dans le Golan syrien, située à quelques centaines de mètres face à Majdal Shams, dans le Golan israélien.

La poche de Hader est actuellement le dernier bout de territoire contrôlé par les Forces d’Assad dans le Golan syrien sur la frontière de l’Etat hébreu. Hader a été, dans un passé récent, le théâtre de plusieurs massacres de civils perpétrés par les forces gouvernementales.

En ce milieu du mois de juin, la pression s’exerçant sur Hader par les sunnites, en provenance du Sud, se fait de plus en plus forte dans le but de chasser les militaires du régime et de prendre le contrôle de toute la frontière avec Israël. Ce qui fait aussi craindre des assassinats collectifs de Druzes par les djihadistes sunnites ; mais, dans le cas de Hader, Tsahal possède la capacité d’empêcher ces exactions en s’interposant brièvement de l’autre côté de la frontière pour protéger les Druzes.

 

Dans le cas du Djébel Druze, c’est beaucoup plus compliqué. Car ce territoire n’est pas adjacent à celui d’Israël, mais en est éloigné, à son extrémité occidentale, d’une soixantaine de kilomètres. Dans ces conditions, une intervention de Tsahal serait perçue telle une ingérence majeure dans la Guerre Civile syrienne, avec les risques inhérents de confrontations inutiles et d’embourbement.

Le vice-ministre israélien Ayoub Kara, après avoir lancé ses propositions irréalisables en direction de Walid Joumblatt, a suggéré que l’Etat hébreu porte assistance aux habitants du Djébel, mais que seuls des soldats druzes de Tsahal participent à l’opération. Cette option sera très probablement rejetée par l’état-major, car elle signifierait une "communautarisation" de Tsahal, qui pourrait se révéler hautement préjudiciable à l’avenir.

Ce qui est probablement envisagé, et qui est raisonnable, serait de faire parvenir aux assiégés des armes, ainsi que des conseillers, soit par voie aérienne, soit en passant par la Jordanie, qui ne s’opposerait sans doute pas à ces actions, ce qui éviterait de risquer la vie de nos soldats en les faisant traverser des territoires hostiles.

Il n’existe pas non plus de problème de principe à ce que ces petits corps expéditionnaires soient constitués d’un pourcentage supérieur de soldats et d’officiers druzes relativement à leur proportion dans Tsahal. Leur présence faciliterait en effet les relations de confiance avec les gens du Djébel et aplanirait les problèmes de communication, liés notamment à la barrière linguistique.

 

L’autre option consiste à accueillir d’éventuels réfugiés du Djébel, soit dans les villes druzes israéliennes à l’ouest du Jourdain, soit dans les quatre villes druzes installées sur le plateau du Golan, soit encore, et c’est beaucoup plus intéressant, dans une zone tampon, que Tsahal établirait et défendrait à l’intérieur de la Syrie, à proximité immédiate de notre frontière.

 

Les deux premières hypothèses se heurtent à des écueils à la fois démographiques et politiques : l’accueil de centaines de milliers de personnes, en Galilée, ne ressentant aucune obligation envers l’Etat d’Israël et ses combats, soulèverait une question délicate.

L’implantation d’éventuels réfugiés sur le plateau, ferait qu’il serait majoritairement habité par des Druzes d’origine syrienne, échappant au consensus national israélien, et donc difficilement gouvernables.

 

La troisième option possède quant à elle un triple avantage :

1.  Elle agit dès maintenant de manière dissuasive sur les sunnites, qui préféreront probablement ne pas s’attaquer aux habitants du Djébel, plutôt que de perdre les territoires syriens contigus à la frontière israélienne, qu’ils ont conquis au prix d’énormes sacrifices.

2.   L’implantation des Druzes de l’autre côté de ladite frontière garantirait à Jérusalem que ses voisins immédiats, dans une Syrie au devenir incertain, ne seraient pas animés d’intentions hostiles à son égard.

3.   Les habitants de la zone tampon constitueraient une séparation physique avec les groupes sunnites armés, et parmi ceux-ci, les nombreux djihadistes, islamistes et salafistes, dont on se doute que les intentions à long terme à l’égard d’Israël ne sont pas forcément bienveillantes.

 

Comme je l’ai écrit, les divers plans et projets qui circulent - certains ouvertement, et d’autres à l’état de rumeurs contrôlées -, accumulent la double raison d’être de préparer l’avenir, et d’inciter les sunnites à ne pas entrer en confrontation avec les Druzes du Djébel.

Quoiqu’il en soit, si la situation devait se détériorer, et que des massacres de civils étaient perpétrés, il est clair que le gouvernement israélien ne pourrait pas demeurer inactif. Il est d’ailleurs possible que certaines des options que nous avons énoncées dans cet article soient déjà en phase de réalisation préliminaire, car le temps presse.

Il est tout aussi évident que si des réfugiés druzes se présentaient à notre frontière, pourchassés par des miliciens sunnites, Tsahal ne les refoulerait pas dans les mains de leurs assaillants. Si elle le faisait, elle générerait immédiatement une faille dans la société israélienne, qui serait beaucoup plus dommageable que l’accueil desdits réfugiés.

 

Pour l’instant, même si cela ne plait pas à Monsieur Joumblatt, des représentants des Druzes du Djébel ont demandé à Israël de les accueillir au cas où les choses tourneraient mal. Qu’on ne s’y trompe pas, pour Israël, ses gouvernants, ses soldats et sa population, le sort des Druzes syriens constitue une préoccupation majeure et pressante, qui ira uniquement s’amplifiant dans les jours et les semaines à venir.

Ce, à moins que l’ASL et ses alliés circonstanciels aient la bonne idée de marcher sur Damas plutôt que de s’en prendre à la province de Soueïda, capitale du Djebel druze.

 

Note de www.nuitdorient.com

Deux soldats de l'armée syrienne qui faisaient la garde dans le village de Hader ont tué leur commandant druze, avant de s'enfuir et de rejoindre la milice  Jihad al Nosra, branche syrienne d'al Qaeda. Celle-ci a aussitôt lancé des mortiers sur Hader, qui abrite 25 000 druzes. Il faut rappeler qu'il y a 700 000 druzes en Syrie et qu'al Nosra cherche à occuper Hader, dans le but de s'emparer de tout le Golan avec l'aide de l'Etat Islamique. Ces milices ont réussi à s'emparer de dizaines de chars de l'armée syrienne.