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LA GUERRE AU SOUDAN EST AU COIN DE LA RUE

B Obama devrait faire appliquer l'accord conclu en 2005

grâce à la médiation Américaine

 

Par Dave Eggers, auteur de "Quoi c'est quoi" et John Prendegast, cofondateurde "Enough Project" et co-auteur avec Don Cheadle de "c'en est assez: se battre pour mettre fin aux crimes des droits de l'homme en Afrique"

Paru dans International Herald Tribune le 14/07/10

Traduction Albert Soued, http://soued.chez.com pour www.nuitdorient.com

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Pour beaucoup de bonnes raisons, les Américains doutent de leur capacité comme nation à changer le cours des événements à l'étranger. Nous Américains nous sommes impliqués dans 2 conflits ayant des issues incertaines et, pour toute initiative, nous commençons à nous interroger si notre entreprise est justifiée. Pourtant il n'y a pas si longtemps les Etats-Unis sont intervenus d'une façon hardie avec des résultats indéniablement positifs.

De 1983 à 2005, 2 millions de personnes sont mortes et 4 millions ont été obligées de quitter leurs foyers au sud du Soudan pendant une guerre entre le gouvernement et l'Armée de Libération du peuple soudanais. Aussitôt après son entrée à la Maison Blanche, G W Bush a décidé qu'il appuierait pleinement tout effort diplomatique pour mettre fin à cette guerre, l'une des plus sanglantes du 20ème siècle. Et il réussit. En 2005, les Etats-Unis ont aidé à la médiation d'une paix globale entre le gouvernement soudanais et les insurgés méridionaux (chrétiens et animistes). Ce fut un moment important dans la diplomatie internationale et un exemple de ce que notre pays peut accomplir quand il dirige son influence efficacement. Selon cet accord simple et clair, facilement applicable, le Soudan méridional reçoit 3 éléments cruciaux:

- une semi autonomie et une importante participation au gouvernement central

- un partage 50/50 de tous les revenus pétroliers (les réserves sont concentrées dans le sud)

- la possibilité de faire sécession éventuelle suite à un référendum en 2011

 

L'hypothèse qui a cours aujourd'hui est que le Soudan méridional fera sécession massivement suite au référendum. Depuis que le Soudan est devenu indépendant en 1956, le peuple du Sud a été marginalisé, terrorisé et soumis à des violations continues des Droits de l'homme par les régimes qui se sont succédé à Khartoum. La possibilité de créer une nation nouvelle au Sud en 2011 est devenue pour ce peuple un droit sacré.

Le référendum est prévu en janvier et on porte à croire à Khartoum que le gouvernement central fera tout pour saboter le vote et ne pas reconnaître ses résultats. Le parti au pouvoir le Parti National du Congrès bloque sur toutes les clauses de l'accord de paix de 2005. Et tous les observateurs internationaux reconnaissent que les élections locales et nationales d'avril 2010 étaient frauduleuses, ce qui ne laisse rien augurer de bon pour la suite.

Si le référendum n'a pas lieu en janvier comme prévu et si les résultats sont manipulés, la lutte armée reprendra. D'ailleurs les deux parties s'y préparent et la guerre nord-sud sera plus violente que jamais. Et si le Sud s'enflamme, la guerre au Darfour dans l'Ouest du pays reprendra.

 

Permettre à la médiation américaine qui avait triomphé d'échouer et laisser cette région sombrer à nouveau dans le chaos est inconcevable. Et les questions sont brutales:

- Que doit faire l'Amérique pour empêcher une guerre qui coûtera encore des millions de morts ?

- Comment l'Amérique pourra intervenir à nouveau auprès d'un gouvernement central prêt à commettre les pires crimes contre l'humanité pour se maintenir au pouvoir ?

 

L'administration américaine doit s'en s'inquiéter. Son envoyé spécial, Maj Général Scott Gration, disait récemment: "Nous n'avons aucun levier. Nous n'avons réellement aucun moyen de pression"

En fait nous avons une possibilité d'intervenir. Cette paix négociée nous appartient après tout. Il faut proposer un deal avec "bâtons et carottes". En ce qui concerne les sanctions, il faudra insister sur leur poursuite contre les dirigeants du parti au pouvoir, sur le blocage au FMI de l'allègement de la dette du pays, sur la poursuite et le soutien des 2 mandats d'arrêt internationaux contre le Président Omar Hassan al Bashir pour le génocide au Darfour, sur le renforcement de l'embargo sur les armes, sur le soutien militaire éventuel du Sud. Mais pour que ce levier diplomatique puisse fonctionner, il faudra proposer de réelles incitations: suspension d'un an des mandats d'arrêt internationaux de la Cour Pénale Internationale et normalisation des relations Washington-Khartoum, soutien des efforts de l'Union Africaine pour mettre un terme à la guerre au Darfour et prévenir une autre au Sud.

Bill Clinton disait que son plus grand regret comme président, c'est de n'avoir pas fait plus, pour mettre un terme au génocide du Rwanda en 1994. On savait ce qui se tramait, mais quand les tueries ont commencé M Clinton et la Communauté Internationale n'ont pas réagi efficacement.

Pour B Obama c'est son Rwanda qui est là et qui se développe lentement. Il n'est pas trop tard pour empêcher la prochaine guerre au Soudan et protéger la paix que nous avons négociée il y a 5 ans seulement. (1)

 

Note de la traduction

(1) Les auteurs se font des illusions sur la volonté d'une nouvelle intervention diplomatique de l'administration Obama, malgré le fait que le 12/07/10 Omar al Bashir ait fait l'objet d'un second mandat d'arrêt international, délivré par la Cour Pénale Internationale, l'accusant de génocide au Darfour et s'ajoutant à l'accusation de crime contre l'humanité. Selon Human Right watch, "il ne se passera rien dans l'immédiat, la décision de la Cour Pénale (CPI) était de souligner l'absence de réaction du Conseil de Sécurité de l'Onu (qui avait pourtant saisi la Cour en 2005…) même lorsqu'il est avéré que Khartoum ne collabore pas avec la justice internationale."

Les pays arabo-musulmans sont sceptiques quant à ces accusations. Pékin demeure un allié stratégique du Soudan. Quant à Washington et Moscou, ils n'ont pas adhéré à la CPI. L'attitude de la France est par contre cohérente et N Sarkosy n'a pas invité le président soudanais au sommet France-Afrique de Nice. D'après le procureur de la CPI, l'argentin Luis Moreno Ocampo, ce n'est que la marginalisation du président soudanais qui le conduira un jour devant les juges.

 

 

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