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Les Effets Pervers des Pétrodollars Dans la Péninsule Arabique

 

Par Sami Alrabaa, écrivain, journaliste commentant les Affaires Arabes, professeur de sociologie vivant en Allemagne

Paru dans "The Jerusalem Report" du 4 février 2008

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com

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Pendant plus d'un demi-siècle, l'Arabie saoudite, le Koweit, le Qatar, les Emirats Arabes Unis ont été inondés de pétrodollars. Pourtant ils sont restés sous-développés sur le plan des ressources humaines. Les états du Golfe ont une magnifique infrastructure faite de routes et de centres commerciaux (malls). La population locale conduit les derniers modèles de Mercedes, de BMW ou de Cadillac. Cependant conduire dans ces pays est un acte de courage, car inconscients, les conducteurs circulent comme s'ils étaient seuls, sans aucun respect des règles élémentaires. Et on les voit sans surprise jeter par la fenêtre de leur voiture les canettes de sodas et les ordures. Ceux qui nettoient les rues et les malls viennent du Bangladesh et sont payés 90$/mois.

Toute l'infrastructure de ces pays a été construite par des ingénieurs et des travailleurs expatriés qui l'entretiennent. Hôpitaux, banques et industries du pétrole fonctionnent avec des expatriés. En dehors des experts de haut niveau et des directeurs, tous les travailleurs étrangers sont sous payés. Et toutes les institutions locales dirigées par des indigènes fonctionnent généralement très mal.

Ali al Baghli, un journaliste de l'organe al Qabas du Koweit a écrit récemment "Nous Koweitiens sommes gâtés. Si nos enfants sont disciplinés, nous interprétons cela comme une dure éducation subie et nous nous précipitons chez le ministre pour nous plaindre de l'école. Nous sommes très forts pour faire du moindre incident un grand scandale"

Katharine Philip professeur à l'école privée al Bayan du Koweit a été empêchée de quitter le pays pour les vacances d'été. Son crime avait été d'avoir consigné pendant 3 heures le fils d'un riche citoyen, alors qu'il avait provoqué une bagarre dans la cour de l'école.

Les indigènes du Golfe obtiennent ce qu'ils désirent par relation (wasta). Ainsi au Koweit par exemple, ils ont l'habitude de se réunir le soir dans des "salons" ou "diwaniyas" pour échanger des faveurs entre eux, généralement en dehors de toute loi. Ainsi vous n'avez pas besoin d'apprendre à conduire, vous recevez chez vous le permis.

90% des Koweitiens sont des fonctionnaires. Ils ramassent de coquets salaires pour ne rien faire, puisque tout le travail est fait par des étrangers.

Un autre journaliste d'al Qabas, Mohamed al Saleh se demande si le gouvernement ne devrait pas écarter les indigènes de leur emploi, tout simplement parce qu'ils gênent ceux qui travaillent. Dans une sévère critique de l'éthique du travail qui prévaut, il propose même que les indigènes restent chez eux, encaissant leur salaire, pour ne pas entraver les expatriés qui font le travail effectif.

Ahmed al Baghdadi se demande dans le journal "al Siyassa" "Qu'est-ce que nous produisons en fait? Notre pétrole est produit et vendu par des étrangers. Les légumes que nous mangeons sont cultivés dans des serres par des expatriés et les propriétaires reçoivent des primes du gouvernement pour des produits qui, s'ils étaient importés, coûteraient le dixième de ce qu'ils valent ici. Nous sommes des parasites qui ne produisons rien et consommons beaucoup"

Selon le rapport le plus récent des Nations Unies sur le développement des pays arabes, la productivité d'un travailleur koweitien est de 15 minutes/jour !…Et une fois accepté pour une fonction, un Koweitien ne peut pas être licencié. "C'est la raison pour laquelle un employeur du secteur privé hésite cent fois avant d'embaucher un indigène et il a raison" affirme al Saleh. Une loi récente inflige des amendes aux employeurs qui n'embauchent pas au moins 15% de Koweitiens. Et les employeurs préfèrent payer l'amende. Au sein de la population locale vous ne trouvez personne dans un emploi manuel et le pays dépend totalement de la main d'œuvre étrangère. Pourtant nous abusons de ces travailleurs, notamment les employés de maison et de service. Ils travaillent 24h/j 7j/semaine pour un maigre salaire de 90$/mois et nombre d'entre eux sont battus et violés.

Dans les pays du Golfe, les investisseurs étrangers ne sont pas autorisés à créer leur entreprise sans un partenaire local. Ces partenaires sont les grandes familles riches et influentes qui imposent leurs conditions. Ainsi ces familles ont le monopole d'importation des véhicules ou des marques connues comme Mac Donald ou Burger King. Les membres des familles dirigeantes ne savent que faire de leurs pétrodollars qui les inondent. La fortune de leur pays est perçue par ces gens comme la leur et l'argent aboutit dans leurs comptes privés et dans leurs coffres. Ils dépouillent leur pays. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, l'Arabie a des dettes qui atteignent 1,4 trillion $. Parallèlement les investissements à l'étranger des membres de la famille royale saoudienne atteint la somme de 2 trillions $! (1)

 

Note de la traduction

 

(1) L'oligarchie royale compte 20 000 membres. Une classe moyenne a du mal à émerger dans la péninsule arabique.

 

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