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POURQUOI L'IRAN FAIT-IL CLIGNER DES YEUX A BUSH?

(Demandez-le à Condi)

 

Par Richard Perle, ex président du Conseil de la Politique de Défense et ex assistant du Secrétaire à la Défense sous l'administration Reagan, membre de l'Institut de l'Entreprise Américaine, rperle@aei.org

Article paru le 25 juin 2006 dans le Washington Post

Traduit par Albert Soued pour www.nuitdorient.com  

 

Le président de l'Iran, Mahmoud Ahmedinejad, sait ce qu'il veut, l'arme nucléaire et les moyens de s'en servir, supprimer la liberté chez lui et disséminer le terrorisme à l'étranger, et surtout, ébranler l'idéologie et la pensée libérale de l'Occident pour provoquer sa chute.

Le président Bush sait aussi ce qu'il veut, la fin irréversible du programme nucléaire iranien, l'expansion de la liberté dans le monde et la victoire dans la guerre contre le terrorisme.

 

Le département d'Etat et l'Europe savent également ce qu'ils veulent, "négocier".

Pendant plus de 5 ans, l'Administration a tergiversé. Bush a fait des discours de plus en plus grands, les Iraniens ont émis des menaces extravagantes et puis en 2003, le Département d'Etat a transmis les clés de l'impasse au groupe des 3,  l'Angleterre, la France et l'Allemagne. Ce groupe est devenu le "voiturier" diplomatique d'une administration embrouillée dans son indécision et ses contradictions. Et aujourd'hui, le 31/05/06, l'administration offre de se joindre aux "conversations" avec l'Iran sur son programme nucléaire.

Comment  se fait-il que l'homme qui ne voulait pas que "les pires armes ne tombent entre les pires mains" ait choisi de battre une retraite aussi ignominieuse ?

La proximité est importante en politique et pour définir une stratégie. Or la géographie de cette administration a changé. Condoleeza Rice a déménagé de la Maison Blanche vers le "Fond brumeux" (1), à peine 1,5 km plus loin. Ce qui compte ce n'est pas qu'elle soit partie du Bureau Ovale (2), car l'influence de Rice sur le Président n'a pas diminué. C'est que Rice est maintenant au milieu de "l'establishment" diplomatique qui a pour doctrine de s'arranger avec les alliés, même si et surtout si ces alliés sont portés à l'apaisement des adversaires.

Le Président sait que les Iraniens sabotent notre action en Irak. Il sait que les mollahs oeuvrent pour enterrer toute perspective de paix entre Israël et les Palestiniens, soutenant le Hamas et son objectif de rayer Israël de la carte. Il sait que pendant des années l'Iran a caché et menti sur son programme d'armes nucléaires. Il sait que l'Iran mène une campagne de terreur dans le monde. Et il sait aussi que la liberté a été brutalement anéantie en Iran.

Et le Président le savait en 2003, lorsqu'il sut qu'à Natanz, à Arak et ailleurs, l'Iran cachait des installations nucléaires. Après que l'AEIA prit conscience de cette infrastructure cachée en Juin 2003, on aurait pu présenter cette affaire au Conseil de Sécurité de l'Onu et demander des sanctions immédiates. Mais personne parmi nos alliés, nos diplomates, nos experts au département d'Etat n'a proposé une telle confrontation. Ils ont conseillé comme d'habitude de gagner du temps, même si ce temps diplomatique permettait à l'Iran d'avancer dans son programme d'armes nucléaires. Ainsi, après avoir déclaré qu'un Iran nucléaire était "inacceptable, Bush a commencé à cligner des yeux, autorisant le groupe des 3 d'approcher Téhéran avec des propositions aguichantes, pour remercier les mollahs s'ils promettent de mettre fin à leur programme caché.

Pendant ces 3 années, les Iraniens ont fait des avancées sensibles vers l'acquisition d'armes nucléaires, annonçant avec défi les résultats obtenus. A la fin mai, avec un Ahmedinejad réitérant bruyamment le droit de l'Iran à l'enrichissement de l'uranium, l'administration a encore une fois cligné des yeux.

Les mollahs ont un regard éblouissant, eux! Il y a 2 semaines le secrétaire du Conseil

aux opportunités a traité les Etats-Unis de tigre de papier disant "quelque chose d'important est en train de se passer…Les Américains ne disent plus que l'Iran doit être dépouillée de se droits pour toujours, c'est un grand accomplissement que nous avons réalisé!"

En fait, ce que constate Mohsen Rezal, c'est une position américaine affaiblie, avec notre pays rétrogradant par rapport aux propos courageux du passé et Rice offrant de se substituer au groupe des 3. La semaine dernière, Ahmedinejad a dit que l'Iran avait besoin de 3 mois pour répondre à notre dernière offre (soit fin août). Le temps ne compte plus, quand on s'amuse autant que lui…

 

Il y a 20 ans, j'avais observé les diplomates américains en train de conspiré avec leurs homologues européens pour dissuader le président Reagan de procéder à un assaut politique, économique et moral contre l'Union soviétique, afin d'obtenir un changement de régime. Ces diplomates bien intentionnés ont plaidé la souplesse à la table de négociation, espérant réorienter la politique américaine vers une "détente" révolue. Mais le président Reagan s'est aperçu de la pente glissante vers laquelle il était mené et, au dernier moment, il refusa le conseil du Département d'Etat et des milieux de l'Information et il a gagné une place dans l'Histoire.

Il est difficile de savoir si Bush reconnaît les périls du chemin qu'on lui conseille de prendre. Ce qui a été présenté à Ahmedinejad comme un marché "à prendre ou à laisser" (si tu arrêtes définitivement ton programme nucléaire, tu seras récompensé; si tu le poursuis, on te punira), est en réalité un marché de dupes. Rien n'est défini, ni les objectifs, ni les carottes, ni le bâton… Si les sanctions requièrent l'approbation du Conseil de Sécurité, il est peu probable de l'obtenir. Cette nouvelle politique, présentée au président comme un moyen d'emporter l'adhésion du groupe des 3 pour mettre un terme au programme nucléaire de l'Iran, soulage en fait la pression sur l'Iran et donne plus de temps aux mollahs pour développer les armes tant désirées.

Depuis 1979, date d'arrivée des mollahs, aucune administration américaine n'a mis en œuvre une stratégie sérieuse vis-à-vis de l'Iran… . Etant sûrs du résultat, les opposants au régime ont demandé un référendum pour décider du sort du pays, continuer dans un régime islamique rétrograde ou rejoindre le concert des nations laïques et modernes.

L'échec des administrations successives, y compris celle-ci, d'accorder un appui moral et politique à ces opposants est une véritable tragédie. L'Iran est un pays de jeunes qui pour la plupart souhaitent vivre en liberté et ils admirent la démocratie qu'Ahmedinejad déteste, parce qu'il en a peur. Des gens courageux veulent notre appui et ils le méritent. Ils rejettent le point de vue négatif des bureaucrates fatigués qui pensent que leur cause est sans espoir, ou que l'appui américain risque de leur porter tort.

Dans son 2ème discours inaugural, Bush avait dit "tous ceux qui vivent dans la tyrannie et le désespoir doivent savoir que les Etats-Unis n'ignorera pas votre oppression, ou excusera vos oppresseurs. Si vous vous levez pour la liberté, nous nous lèverons avec vous".Tous les Iraniens qui ont écouté ces propos ont été réconfortés, comme auparavant les dissidents de l'Union soviétique encouragés par le discours de Reagan de 1983, concernant l'empire du mal.

Il y a quelques jours, j'ai parlé avec Amir Abbas Fakhravar, un étudiant iranien dissident qui s'est échappé de la sinistre prison d'Evin à Téhéran, puis d'Iran. Il a entendu le discours du Président Bush qui l'a encouragé. Aujourd'hui, alors qu'il plaide pour qu'on aide ses concitoyens, il a peur. Il se demande si la nouvelle approche de l'administration

à l'égard des mollahs ne va pas couvrir la voix de Bush. Et si les adeptes de l'accommodement avec Téhéran ne vont pas considérer la lutte pour la liberté comme un obstacle à leur nouvelle stratégie diplomatique.

Il y a deux semaines, le sénateur Rick Santorum (Républicain) a essayé de faire passer une loi de soutien à la liberté en Iran qui aurait pu accroître l'appui tardif et limité pour la démocratie et les droits de l'homme dans ce pays. Le Département d'Etat s'y est opposé, sous prétexte qu'il "contre nos efforts… et limite notre souplesse diplomatique"

 

J'espère qu'il n'est pas trop tard pour Fakhravar et ses amis. Je sais que pour nous il n’est pas trop tard, pour donner une substance aux propos de Bush, pour racheter notre honneur.

 

(1) siège du département d'Etat (2) bureau du Président des Etats-Unis

 

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