www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

 

LA MAURITANIE,  DU COLONIALISME A LA DICTATURE ET A LA DEMOCRATIE


Traduit par Stéphane Teicher pour
www.nuitdorient.com 

 

A la périphérie du monde Arabe, une révolution tranquille se déroule, et elle fait des vagues à travers toute l’Afrique du Nord. Les citoyens de Mauritanie sont allés aux urnes le mois dernier pour élire leurs dirigeants, dans ce qui est considéré comme une élection libre et honnête, et le président élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, doit prendre ses fonctions ce mois-ci

Le chemin pris par cette transition, de la dictature à la démocratie, est surprenant. En 2005, lorsque le président d’alors s’est rendu en Arabie Saoudite pour assister aux obsèques du Roi Fahd, l’Armée, dirigée par le Colonel Ely Ould Muhammad Vall, a fomenté un coup d’Etat et pris le pouvoir dans le pays. Le leader autoritaire déposé, le Colonel Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya, avait lui même pris le pouvoir par un coup d’Etat en 1984.

Normalement, dans le monde Arabe, et d’ailleurs dans le reste du monde aussi, les régimes militaires n’abandonnent pas le pouvoir, en dépit des déclarations populistes et des promesses qu’ils annoncent allègrement à cet effet. Le Général Pervez Musharaf, au Pakistan, par exemple, n’a fait que renforcer son emprise sur le pays, ses institutions, et son peuple, depuis son coup d’Etat militaire de 1999.

Et pourtant, en Mauritanie, le gouvernement militaire a été un vrai gouvernement de transition, qui a travaillé avec diligence au processus de démocratisation qu’il a mis en place pour le pays. Si rapidement, en fait, qu’il remet effectivement le pouvoir avec plusieurs mois d’avance. 

Ce qui se passe en Mauritanie, un pays géographiquement étendu qui n’a que trois millions d’habitants et qui reste une entité politique plutôt insignifiante – bien que cela puisse aussi changer avec le début d’une production de pétrole offshore en 2006- est en train d’avoir un impact sur tous ceux qui soutiennent des élections libres et honnêtes en Afrique du Nord.

Le mois dernier, des manifestants du mouvement libéral égyptien Kifaya se sont rassemblés dans un square du centre du Caire pour demander que  Hosni Moubarak, le président de la Grande République Egyptienne, messager de l’Arabisme et de la Révolution, rende son régime plus ressemblant à celui de la Mauritanie, un pays dont probablement beaucoup d’Egyptiens ne savent même pas qu’il fait partie de la Ligue Arabe.  

Crs manifestants protestaient contre les changements constitutionnels que Moubarak a fait passer depuis, des changements qui, selon l’opposition, vont aider Moubarak et son parti, le NDP, à resserrer leur emprise sur le pouvoir, et préparent la voie à Gamal Moubarak, le fils prodigue, pour prendre la suite dans un proche avenir. 

L’Egypte, qui a été libérée de sa monarchie par un coup d’Etat militaire mené par Gamal Abdl Nasser et son mouvement des Officiers Libres, va donc devenir maintenant une nouvelle dynastie familiale, ce que craignent beaucoup d’Egyptiens de tous bords. Bien entendu, Nasser et l’Armée n’ont jamais abandonné le pouvoir, et le pays reste plus ou moins un état policier. Que la Mauritanie soit un modèle de démocratisation n’est pas seulement surprenant, mais a aussi une vertu éducative. Aux confins du monde, sans intervention étrangère, sans agitation et sans violence, un coup d’Etat militaire a mené à des élections réelles et à un changement du système.

La Mauritanie, qui a gagné son indépendance de la France en 1960, est loin d’être la société libérale modèle, d’où jaillissent les vraies révolutions populaires. Ce n’est qu’en 1981 que l’esclavage y est devenu illégal, et on dit qu’il est toujours pratiqué dans certaines parties du pays. Les problèmes raciaux entre Africains noirs et Arabes dominent toujours. Le pays s’est développé tardivement, et ainsi, il n’a rejoint la Ligue Arabe qu’au milieu des années 1970. Malgré cela, si c’est la course du lièvre et de la tortue, le vainqueur est bien celui de la fable. 

 

D’un point de vue Israélien, le dictateur renversé, le Colonel Taya, était un allié, puisqu’il a établi des relations diplomatiques complètes avec l’Etat Juif en 1999, malgré les froncements de sourcils de la Ligue Arabe et des principaux pays Arabes.

Ces relations se sont plus ou moins maintenues stablement, même durant les années turbulentes de le seconde Intifada. Les nouveaux dirigeants n’ont pas rompu ces liens, et bien que restant dans le vague, ils n’ont pas dit pendant leur campagne qu’ils couperaient les liens avec Tel Aviv.

Le numéro deux dans les élections, Ahmad Ould Daddah longtemps un leader de l’opposition, a par contraste, vivement critiqué son gouvernement pour avoir établi des relations complètes avec Israël en 1999.

La Mauritanie est le seul pays Arabe, avec l’Egypte et la Jordanie, à avoir des relations diplomatiques complètes avec Israël. Il n’est toujours pas clair si le président élu, Abdallahi, changera la position de son pays sur ce sujet une fois qu’il aura pris ses fonctions.  

Reste aussi à voir quel effet – si effet il y a –les élections vont avoir sur la situation critique du Polisario au Sahara Occidental, qui lutte toujours pour l’autodétermination et l’indépendance. De toute façon, le changement de régime est un évènement à noter. Pour les analystes, le mieux serait que l’Occident laisse le nouveau régime se stabiliser, sans intervention, tout en s’assurant que d’autres états, en particulier certains voisins de la Mauritanie, n’essaient pas de détruire le processus démocratique. Dans le passé, certains de ces voisins ont clairement été engagés dans de précédents coups d’Etat ou tentatives de prise de pouvoir

Abdallahi, qui va prendre ses fonctions d’ici à la fin du mois, et le peuple Mauritanien ont de formidables défis devant eux. Ce n’est pas une démocratie ou un régime parfaits, notent les experts, et il y a beaucoup à faire pour s’assurer que ce n’est pas le même ancien système sous un autre nom. Pourtant une chance de changement existe maintenant – un changement pour le peuple et par le peuple.

 

© www.nuitdorient.com par le groupe boaz,copyright autorisé sous réserve de mention du site