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BOMBARDER OU NON L’IRAN

 

Par Norman Podhoretz, stratège américain, rédacteur en chef de Commentary entre 1960 et 1995, auteur de 11 livres dont le dernier "La 4ème guerre mondiale, la longue lutte contre l'islamo-fascisme"  sortira le 11/9, lauréat 2007 de la médaille "Gardien de Sion" du Centre Ingeborg Rennert pour les études à Jérusalem, de l'Université Bar Ilan.

Paru dans Commentary –juin 2007

Article traduit par Fred Rothenberg pour www.nuitdorient.com

 

Bien que beaucoup persistent à le nier je continue à croire que le 11 septembre 2001 nous a plongé, la tête la première, dans rien moins qu’une autre guerre mondiale. Je l’appelle la quatrième guerre mondiale parce que je crois aussi que ce qui a été généralement appelé la guerre froide est en fait la troisième guerre mondiale et que la guerre actuelle est plus proche de cette dernière que de la seconde guerre mondiale. Comme la guerre froide que l’historien militaire Eliot Cohen a été le premier à qualifier, celle que nous vivons a des racines idéologiques nous opposant à l’islamo-fascisme, une mutation du virus totalitaire que nous avions d’abord défait en tant que nazisme et fascisme, puis en tant que communisme. C’est une pathologie généralisée employant une large variété d’armes certaines non militaires et qui risque de se poursuivre probablement plusieurs décennies (1).

Ce qui résulte d’une telle façon d’analyser les cinq dernières années c’est que les campagnes militaires d’Afghanistan et d’Irak ne peuvent être considérées comme des guerres limitées. Au contraire, nous devrions les considérer comme des fronts ou des théâtres opérationnels ouverts dans les premiers stades d’une campagne globale prolongée. Il en est de même pour l’Iran. En tant que centre actuel de l’idéologie islamo-fasciste contre laquelle nous nous battons depuis le 11 septembre et, d’après le dernier rapport du Département d’Etat sur le sujet, comme le principal commanditaire du terrorisme qui est l’arme de choix de l’islamo-fascisme, l’Iran est aussi un front de la quatrième guerre mondiale. De plus, son projet d’obtenir un arsenal nucléaire le qualifie comme le plus dangereux parmi tous.

Les Iraniens ont bien sûr toujours nié avoir l’intention de se créer un arsenal nucléaire et pourtant dans la foulée, ils n’hésitent pas à décrire l’usage qu’ils en feraient. Leur première priorité comme le répète sans relâche leur président Mahmoud Ahmadinejad est "d’effacer Israël de la carte", une priorité qui ne peut être obtenue par les armes conventionnelles.        

Mais les ambitions d’Ahmadinejad ne sont pas limitées à la destruction d’Israël. Il veut aussi dominer le grand Moyen-Orient et contrôler les champs de pétrole de la région et le flux de pétrole à travers le Golfe Persique. S’il obtenait une capacité nucléaire, il n’aurait même pas à l’employer pour parvenir à ces objectifs. L’intimidation et le chantage suffiraient. D’ailleurs, les ambitions d’Ahmadinejad ne se limitent pas à la région. Il a de plus hautes aspirations: développer la puissance et l’influence de l’Islam dans l’Europe entière et, cela aussi, il espère l’obtenir en jouant sur la peur que la résistance à l’Iran conduise à une guerre nucléaire. Et finalement se fait jour le plus important rêve parmi tous, ce qu’Ahmadinejad n’hésite pas à qualifier de "monde sans l’Amérique". Aussi aliéné qu’il puisse être, il est difficile de penser qu’Ahmadinejad puisse imaginer effacer l’Amérique de la carte, même avec des armes nucléaires. Mais ce qu’il envisage peut-être est une diminution de la volonté américaine de lui résister: c’est-à-dire, si ce n'est pas un monde sans l’Amérique, il accepterait au moins à court terme un monde avec une influence américaine amoindrie.  

Il n’est pas surprenant que les experts de politique étrangère américains traditionnels et

de nombreux autres considèrent ces rêves comme les chimères d’un fou. Ils qualifient aussi ceux qui ne pensent pas comme eux de néoconservateurs alarmistes, susceptibles d’entraîner le pays dans une autre guerre insensée qui ne servirait pas les intérêts des Etats-Unis, mais seulement ceux d’Israël. Mais l’ironie veut que les rêves d’Ahmadinejad soient plus réalistes que les démentis de ces rêves qui les qualifient d’illusions. Pour comprendre pourquoi une analogie avec la troisième guerre mondiale s’avère utile.  

A certains moments de la précédente guerre, certains parmi nous craignaient que les soviétiques ne prennent le contrôle des puits pétroliers du Moyen-Orient et que l’Occident ne soit placé devant le choix de capituler devant leur domination ou d’essayer de les arrêter au risque d’un affrontement nucléaire et qu'il choisisse de capituler. Dans ce cas, pensions-nous, le résultat serait ce qu’on appelait alors une finlandisation.

En Europe où il y avait d’importants partis communistes, la finlandisation consistait à admettre ces partis au pouvoir pour qu’ils établissent des régimes ressemblant à un "Vichy rouge", comme celui déjà en place en Finlande – régimes dont la soumission aux soviets aussi bien à l’intérieur qu’en politique étrangère rendait l’occupation militaire inutile et préservait ainsi un degré minimum d’indépendance nationale.

Aux Etats-Unis où il n’y avait pas de parti communiste en tant que tel, on pensait que la finlandisation prendrait une forme plus subtile. En diplomatie, les politiciens et les gourous célébraient l’arrivée d’une nouvelle ère de paix et d’amitié grâce à laquelle la politique de guerre froide et d’encerclement serait abandonnée, donnant ainsi aux soviétiques une liberté complète pour s’étendre sans rencontrer d’obstacles significatifs. Et en politique intérieure, la finlandisation signifierait que les seuls candidats à des postes pouvant être élus seraient ceux qui s’engageraient à œuvrer pour un système sociopolitique plus en harmonie avec celui des soviets que la ploutocratie capitaliste injuste sous laquelle nous vivions.

Bien sûr, grâce à Dieu, aux dissidents derrière le rideau de fer et à Ronald Reagan nous avons gagné la troisième guerre mondiale et nous avons fait l’économie des déprédations que la finlandisation nous aurait apportées. Hélas, nous sommes loin de connaître ce que sera le résultat de la quatrième guerre mondiale. Mais tout de même, en analysant l’Europe aujourd’hui nous voyons se déployer un processus analogue à la finlandisation et qui a été appelé à juste titre l’islamisation. Considérez par exemple ce qui s’est passé lorsqu’il y a seulement quelques semaines les Iraniens ont capturé quinze marins britanniques et les ont gardé en otage. La Royal Navy, qui jadis prétendait régenter les mers, a-t-elle répliqué immédiatement à cet acte d’agression, ou même seulement menacé de le faire si les captifs n’étaient pas libérés séance tenante ? Pas le moins du monde. Au contraire l’usage de la force était la dernière chose au monde que les britanniques envisageaient et ils l’ont fait savoir. Au contraire, ils se fiaient à la "diplomatie tranquille", si appréciée des européens évolués et de leurs homologues américains en visite sur leur continent.    

Mais ensuite comme si cette démonstration d’impuissance n’était pas suffisamment humiliante, les Britanniques ne furent même pas capables de mobiliser la "diplomatie tranquille". L’Union européenne dont ils sont membres refusa de menacer l’Iran d’un gel des importations. Quant à l’ONU, sous les auspices de laquelle les marins patrouillaient les eaux internationales, elle montra à nouveau son véritable visage en refusant de condamner les Iraniens. Le maximum que le Conseil de Sécurité s’autorisa fut d’exprimer "sa grave préoccupation".

Simultanément, un membre du cabinet britannique réussit à faire encore mieux que le Conseil de Sécurité. Ne trouvant aucune objection aux photos de propagande de la seule femme otage qui avait été forcée d’échanger son uniforme pour les vêtements islamiques, la Secrétaire à la Santé Madame Patricia Hewitt  jugea "déplorable" qu’elle se soit permis d’être photographiée une cigarette à la bouche. "Ceci" expliqua Hewitt "envoie un message totalement négatif à nos jeunes".   

D’après John Bolton, notre ancien ambassadeur à l’ONU, les Iraniens ont testé les Britanniques pour voir s’ils auraient un quelconque prix à payer pour ce qui aurait été considéré dans le temps comme un acte de guerre. Ayant reçu la réponse, Ahmadinejad pût ensuite même bénéficier, comme l’a expliqué le commentateur Daniel Johnson, d’apparaître comme "un bienfaiteur", en libérant les otages, tout en ordonnant plus d’attaques en Irak et même de continuer à armer les organisations terroristes qu’elles soient chiite (Hezbollah) ou sunnite (Hamas). Pour les chiites fanatiques Ahmadinejad et ses semblables mettent de côté les différences sectaires, lorsqu’il s’agit de nouer des alliances djihadistes contre les infidèles.   

Si dans les circonstances actuelles, lors du kidnapping des marins britanniques, Ahmadinejad a pu obtenir l’extraordinaire résultat décrit, que n’obtiendrait-il pas en ayant un arsenal nucléaire derrière lui – des bombes nucléaires placées sur des missiles capables d’atteindre l’Europe ? Dans ce contexte, Robert G. Joseph, l’envoyé spécial U.S. pour la non-prolifération nucléaire, nous indique que l’Iran "développe ce qui est déjà la plus importante force offensive de missiles de la région. De plus il travaille en étroite collaboration avec la Corée du Nord, le proliférateur de missiles numéro un dans le monde pour mettre au point des missiles balistiques encore plus perfectionnés". "Ceci", confirme Joseph, "est la raison de l’accord des analystes sur le fait que, dans un avenir prévisible, l’Iran sera armé de missiles à moyenne et longue portée, et aussi c’est pourquoi nous pourrions nous réveiller un matin en présence d’un Iran ayant pris en otage Berlin, Paris ou Londres pour obtenir ses desideratas du moment, quels qu’ils soient".                              

 

Note de www.nuitdorient.com

 

(1) Selon une interview réalisée par sa fille Ruthie Blum pour l'édition internationale du Jerusalem Post (15/21 Juin 2007- n°2433), N Podhoretz pense que la 4ème guerre mondiale durera entre 30/40 ans et que les forces de la liberté finiront par l'emporter. Il pense qu'aussi bien le Pakistan que l'Arabie sont des ennemis des Etats-Unis, qui à terme finiront par être défaits et se rallieront au libéralisme occidental, mais que l'Iran reste la priorité immédiate. En ce qui concerne la Syrie, il pense que l'opportunité de se débarrasser du régime des Assad a été ratée, au début de l'invasion de l'Irak…

 

 

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