www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

APPRENDRE À SES DÉPENS

 

Par Moshé Arens, ancien ministre de la défense

Paru dans Haaretz du 22 juin 2006

Traduit par Albert Soued pour www.nuitdorient.com

 

Bien qu'Israël soit suffisamment fort et qu'il ait la capacité de compenser les erreurs répétées de ses dirigeants, nous avons le droit d'attendre de ceux-ci qu'ils tirent les leçons de leurs erreurs, afin d'en minimiser les conséquences pour les citoyens. Mais là, on voit bien qu'ils apprennent à leurs dépens, et beaucoup d'Israéliens en payent le prix. Et c'est le tour des résidents de Sdérot, d'Ashkelon et des communautés aux alentours.

Depuis que les forces de Tsahal se sont retirées du Liban-sud, on a clamé que les retraits unilatéraux sur des lignes de "plus grande légitimité" accroissent la force de dissuasion d'Israël, à l'égard des actes de terrorisme contre des citoyens. Comme si la réponse militaire d'Israël contre le terrorisme du Hezbollah n'était pas suffisamment justifiée, quand Tsahal était déployé dans le sud du Liban. Comme si une fois Tsahal replié sur la frontière internationale, sa réponse contre les agissements du Hezbollah aurait été sans doute mieux comprise par le monde entier. Qui peut oublier les terribles avertissements d'Ehoud Barak, alors 1er ministre, menaçant d'infliger de sévères ripostes contre le Liban, si le Hezbollah continuait ses attaques après le redéploiement de l'armée ? On a appelé les casques bleus de l'Onu pour bien montrer au monde entier qu'Israël n'occupait plus un seul cm2 de territoire libanais. Mais il s'est trouvé que ceux qui étaient supposés recevoir ces avertissements, le sheikh Nasrallah et le gouvernement Libanais, n'étaient nullement impressionnés par nos menaces. Les attaques ont continué de plus belle, la riposte israélienne est restée lettre morte et la dissuasion à la frontière nord s'est écroulée.

On n'a rien appris de cette leçon. Puis nos dirigeants ont continué avec la même rhétorique: si Israël se redéploie sur les lignes de 1967 autour de la bande de Gaza, alors les terroristes verront ce qu'ils n'ont jamais vu, si jamais ils continuaient à attaquer Israël. Et d'ajouter que le monde entier comprendrait toute riposte israélienne aux actes de terrorisme, quelle que soit son ampleur dévastatrice…

L'auto-punition infligée par Israël du fait du désengagement de Gaza, c'est à dire l'évacuation forcée de 8000 résidents, la destruction de leur maison et leurs champs abandonnés, aurait dû convaincre les Palestiniens, ainsi que les amis et les ennemis d'Israël, qu'à partir de ce moment, il n'y aurait plus d'excuse aux attaques terroristes. Et ce message a été largement diffusé par les chefs militaires et politiques afin qu'il n'y ait aucun malentendu. Mais les roquettes Qassam ont continué à pleuvoir, avec une fréquence encore plus grande et atteignant des zones sensibles autour d'Ashkelon.

Ayant leur racines sans doute quelque part près de la ville légendaire de Chelm (1), nos dirigeants ont décidé que la réponse aux tirs de roquettes Qassam serait des barrages continus d'artillerie "sur des champs vides". Or ces tirs ont empêché de dormir les habitants d'Ashqelon, mais ils n'ont pas empêché les roquettes de continuer à tomber. Bien au contraire, avec leurs "dommages collatéraux", ces tirs stupides d'artillerie ont provoqué des critiques de partout. La dissuasion d'Israël s'est une fois de plus écroulée. Et les terroristes sont de plus en plus osés. Répétez après moi "tout désengagement unilatéral affaiblit la dissuasion d'Israël".

Avec des arguties du type "les Qassam tombaient déjà sur Sdérot bien avant le désengagement de Gaza!", "personne n'a été tué par une roquette Qassam!", nos dirigeants refusent d'admettre que le désengagement de Gaza a été un gigantesque fiasco. Mais insister bêtement pour que ce désengagement comprenne aussi le nord de la bande de Gaza et les localités de Nitsanit, Dugit et Alei Sinaï, pour atteindre les lignes de 1967, cela a rapproché les zones de lancement des roquettes de la ville d'Ashkelon.

Alors que les résidents de Sdérot sont recroquevillés dans leur abri, nos dirigeants se grattent la tête pour savoir quoi faire demain.

Israël est en tête des nations dans la technologie d'interception balistique, mais la trajectoire des Qassam est trop courte pour qu'une interception soit possible. Pour le moment il n'y a pas d'autre solution que de réoccuper "unilatéralement" une partie du nord de Gaza, que l'armée a abandonnée stupidement, en août dernier. C'est pourtant si simple, alors pourquoi ne le fait-on pas? Vous n'allez pas me croire, nos dirigeants ont honte d'admettre leur erreur d'évaluation. (2)

 

Note de la traduction

(1) propos ironiques de l'auteur: Chelm, une ville de Pologne, citée par I.B. Singer, parlant des fameux Sages de Chelm... ceux qui prenaient toujours des décisions longuement et mûrement réfléchies, et indiscutablement stupides….

(2) alors que pensez-vous d'un désengagement de Judée et de Samarie prôné par Ehoud Olmert?

 

© www.nuitdorient.com par le groupe boaz,copyright autorisé sous réserve de mention du site