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PEUT-IL Y AVOIR UN IRAK LIBERAL?

Le député Mthal al Alousi y croit encore

 

Par Bret Stephens, membre de l'équipe éditoriale du Wall Street Journal, publie le mardi

Article paru sur le web dans Opinion Journal le 6/2/07

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com

 

En septembre 2004, Mithal al Alousi, alors directeur  général de la Commission de déBaathification irakienne, est venu en Israël pour participer à une conférence sur le contre-terrorisme. A son retour à Bagdad, il a été démis de ses fonctions et menacé d'arrestation pour avoir violé une loi de l'époque baathiste, interdisant tout contact avec l'état Juif. En février 2005, ses 2 fils Ayman, 30 ans et Gamal, 22 ans ont été abattus devant leur père. Les assassinats ont été revendiqués à la fois par le parti baathiste (interdit) et par Jaish Ansar al Sunna, émanation d'al Qaeda. En décembre de la même année, Mr al Alousi a été élu au parlement, comme le chef et le seul représentant du Parti National Irakien.

Mr al Alousi et son parti se battent pour la démocratie, le libéralisme, le sécularisme, l'antiterrorisme et l'unité nationale. La question qu'on peut se poser, a-t-il des adhérents?

 

Il faut passer un après-midi avec Mr al Alousi pour comprendre et être persuadé que de nombreux Irakiens le suivent ou pourraient le suivre. Il est venu à Washington DC pour exprimer son point de vue et convaincre les officiels de l'administration. Il est aussi venu suivre les débats au Congrès sur l'envoi de troupes supplémentaires en Irak. Qu'en conclut-il?

"Franchement nous sommes émerveillés devant votre système de démocratie et nous en devrions en tirer des leçons" dit-il. Au-delà de l'envoi de soldats américains, d'une aide économique et de l'effort d'équipement et d'entraînement de l'armée irakienne, ce qu'il désire le plus de l'Amérique, c'est selon son expression  "le transfert des valeurs de votre société vers la nôtre"

Vu l'évolution de la situation ces 4 dernières années, on serait tentés de dire "C'est plus vite dit que fait". Et pourtant les résultats des sondages sont en sa faveur. Entre 2004 et 2006, le nombre d'Irakiens en faveur d'un état islamique sont tombés de 30% à 22%, et ceux qui pensent que religion et politique doivent être séparés sont passés de 27% à 41%, selon des sondages réalisés par l'Institut de recherche sociale de l'Université du Michigan. Même à Bagdad, fief des tueries sectaires, ceux qui mettent leur identité Irakienne au-dessus de la Musulmane ont doublé, passant à 60% (1). Et ceux qui pensent qu'il est très important que l'Irak soit une démocratie ont crû de 59% à 65%.

A aucun moment Mr al Alousine ne fait allusion à ces statistiques. L'espoir lui vient de la rue. Il perçoit une évolution positive de l'attitude arabe à l'égard du phénomène de la terreur. "Il y a eu un changement essentiel" dit-il, du fait que cette terreur qui autrefois était dirigée contre Israël et l'Occident est aujourd'hui dirigée contre nous, toutes les victimes étant musulmanes. Un autre facteur concerne les soldats qui, pourtant pour la plupart shiites, ont le désir de se battre avec les soldats américains pour se débarrasser des milices, même shiites. "Ainsi on constate que la loyauté à l'égard des institutions irakiennes compte et que le partenariat Irak-Etats-Unis tient la route"

 

Alors pourquoi ce changement d'attitude ne s'est-il pas concrétisé dans la réalité politique ?

Selon Mr al Alousi, la première raison a été qu'on s'est adressé aux élites au lieu de s'adresser à l'homme de la rue. "Les valeurs de liberté sont partagées par le peuple, et pas seulement par les riches et les intellectuels". Il se trouve aussi que nos chefs politiques libéraux tels qu'Ahmed Chalabi et Ayad Alawi ont passé plus de temps à briguer des postes qu'à répandre les idées libérales et à organiser un soutien au niveau du peuple. Et puis il y a les médias. Les partis sectaires comme la Dawa du 1er ministre Maliki contrôlent les journaux et les télévisions et il n'y a pas d'expression publique des idées libérales. Mr al Alousi se lamente "Même la TV sponsorisée par les Américains al Hourra (la liberté) est à peine meilleure que al Jazeera". Ensuite il y a le système électoral basé sur les listes de parti, ce qui encourage les schémas de vote sectaires….

 

Qu'en est-il du terrorisme? Mr al Alousi rejette l'idée qu'il y a une guerre civile, les milices shiite (armée du Mahdi) et sunnite (al Qaeda) ne s'entretuant pas, mais cherchant plutôt à gagner du terrain et semant le chaos et la terreur dans la population. D'après lui cette situation est la conséquence du début de désengagement de 2005/6 qui a fait croire aux Iraniens et aux terroristes qu'ils n'étaient pas loin du but. Si on restaure les forces de sécurité au niveau antérieur, en les déployant plus efficacement, on peut renverser la vapeur.

 

Mais le point-clé selon Mr al Alousi est la volonté des Etats-Unis dans sa confrontation avec  l'Iran. "Vous américains vous investissez des milliards $ en Irak et 3000 magnifiques jeunes gens sont morts. Or les Iraniens investissent dans les partis politiques et les politiciens. Leur ambassade à Bagdad est plus importante et plus active que la vôtre. Leur réseau d'information est dans la rue et ils aident aussi bien les gangs terroristes shiites que les gangs sunnites". Etant sunnite, Mr al Alousi est sans doute préoccupé par la menace iranienne. Mais, sans le clamer haut, le danger sunnite le préoccupe également, ses fils ayant été assassinés par des terroristes sunnites. De même parlant du Hamas "les mêmes terroristes qui attaquent la société israélienne, me visent moi!" et à l'opposé de certains fonctionnaires du Département d'Etat américain, il met dans le même sac tous les terroristes, qu'ils soient sunnites, shiites, baathistes, séculiers ou autres. Pour lui c'est une bande de fascistes, se servant du meurtre pour imposer leurs valeurs et qu'on doit combattre avec ténacité. "Si l'Amérique perd sa volonté dans ce combat, il n'y aura pas de paix au Moyen Orient pour au moins 20 ans…!" met-il en garde.

Cela ne veut pas dire que Mr al Alousi et son parti vont se contenter de cet Irak là. C'est un simple rappel que la cause du libéralisme n'est pas morte en Irak et que le transfert des valeurs entre Bagdad et Washington n'est pas à sens unique. L'Amérique est arrivée en Mésopotamie pour y diffuser les Evangiles de la démocratie. Mr al Alousi est venu nous montrer un exemple de courage. Un exemple à noter au milieu des discours tels que ceux des sénateurs Hagel, Warner et Kerry.

 

Note

(1) au Caire, 11% seulement des interviewés se sentent d'abord Egyptiens, puis Musulmans

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