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LES LIENS DE L'IRAK AVEC L'IRAN CRÉENT DE NOUVEAUX RISQUES

 

Par Michael Slackman, journaliste, reportant de Qom en Iran

Paru dans le New York Times du 8 juin 2006.

Traduit par Albert Soued pour www.nuitdorient.com 

 

Le seul homme qui ait aujourd'hui le plus d'influence en Irak est un chef religieux, le grand ayatollah Ali al Sistani. Il fournit de l'argent, un logement gratuit et des soins médicaux à des milliers d'étudiants religieux et il a des centaines de sites web religieux à travers le monde.

Mais tout cela ne se passe pas en Irak, mais ici dans la capitale religieuse de l'Iran, Qom.

Pendant que l'administration Bush cherche à stabiliser l'Irak, en mettant au pouvoir la majorité shiite, elle cherche, en même temps, à contenir l'Iran; et elle doit naviguer avec précaution à travers les liens qui unissent les deux pays. Les Etats-Unis ne doivent pas seulement affronter l'influence iranienne sur l'Irak, mais également les relations de l'Irak avec l'Iran.

L'Ayatollah Sistani est perçu avec suspicion par les dirigeants Iraniens, car il s'oppose à l'implication des religieux en politique. Mais ses relations avec le peuple iranien se sont approfondies et élargies, depuis la guerre en Irak. Les divisions qui opposaient naguère les shiites d'Irak et d'Iran, l'animosité nourrie par 8 ans de guerre entre ces deux pays se sont dissipées, depuis que l'identité shiite de l'Irak s'est affirmée, après des décennies d'oppression, sous le régime baathiste de Saddam Hussein. "Nous appartenons à la même famille, la shia'h", dit Javad Shahrestani, le gendre de l'Ayatollah Sistani et son représentant à Qom. "C'est le fondement de notre vie".

Alors que les Etats-Unis disent qu'ils sont déterminés à résoudre les différends avec l'Iran par la voie diplomatique, de nombreux analystes politiques en Iran craignent que le président Bush n'utilise la force, avant de quitter la Maison Blanche. Avec ceci à l'esprit, pour établir leur stratégie de défense, les responsables de la sécurité actuels ou passés comptent sur une connivence religieuse shiite entre les peuples et l'entretiennent, même avec les shiites d'Inde ou d'Arabie. Les Iraniens pensent qu'en dépit des différences philosophiques entre shiites, notamment avec ceux d'Irak et al Sistani, l'Iran reste la mère-patrie de la shia'h; et si l'Iran est attaqué, les shiites du monde entier se sentiront obligés de le soutenir. "Il y a 2 choses dont se soucient les grands ayatollahs, empêcher le chaos et s'assurer que le peuple soit le plus en sécurité possible", dit l'un des planificateurs en matière de sécurité centrale, qui n'a pas voulu être nommé, du fait de ses activités, "si les Etats-Unis frappent l'Iran, d'autres joueurs interviendront".

L'organisation de l'Ayatollah Sistani est d'ores et déjà inquiète des tensions entre l'Amérique et l'Iran qui risquent d'affecter son travail. Elle a 2 grands serveurs Internet en Californie qui constituent le cœur de ses moyens technologiques. Si jamais ces serveurs sont coupés, tout le réseau d'information pourrait être neutralisé. Un des directeurs de ce réseau à Qom se pose la question: "En cas de conflit, les Américains vont-ils vérifier que nos serveurs sont affiliés à l'ayatollah Sistani, ou vont-ils simplement les couper, parce qu'ils sont Iraniens?"

"Ayatollah Sistani, qui est Iranien a étudié la religion à Qom, il y a 56 ans, avant de s'installer dans la ville shiite d'Irak, Najaf" dit Mr Shahrestani, qui, à l'inverse, quitta l'Irak pour Qom, il y a 29 ans, pour ne plus revenir. Il a construit le réseau de son beau père à Qom, qui va des cours d'informatique à l'assurance maladie, le tout pour les étudiants en religion. Qom compte 45 000 étudiants recevant d'une manière ou une autre une aide du réseau Sistani, qui s'occupe de 20 000 étudiants dans d'autres villes d'Iran. "Etant donné la situation sous le régime de Saddam Hussein, nous avons décidé que Qom serait le centre des opérations", dit-il.  À environ 115 km de Téhéran, Qom est une ville poussiéreuse, avec un mausolée immense, orné de tuiles bleu flamboyant, un site pour le pèlerinage des Musulmans shiites. C'est le siège de nombreuses écoles coraniques shiites, attirant les élèves de tout l'Iran et du monde de la Shiah. Ils étudient en permanence et reçoivent le soutien financier des chefs politiques.

Ayatollah Sistani n'a pas d'école religieuse en Iran, mais il a des liens high-tech avec toutes ces écoles. Son gendre a fondé le Centre d'Information Globale Ahloulbayt (1), il y a 8 ans, dans un petit immeuble dans un quartier central, à fort trafic. Il abrite des techniciens qui gèrent 4 sites Internet qui diffusent les idées de l'Ayatollah et son influence à travers le monde entier.  Ainsi chaque mois, le Centre reçoit des centaines de demandes de conseil, et tous les jours, les membres de l'équipe répondent sous le nom de l'Ayatollah. Une femme d'Australie  a demandé, par exemple, si son père avait raison de s'opposer à sa décision d'épouser un "non-croyant" la réponse a été de "persuader son père à changer d'avis". Un jeune des émirats a demandé s'il était permis de jouer de la guitare. La réponse a été non!

"En fait le centre et le pivot de la Shia'h était Najaf, mais Saddam l'a ruiné" dit Sayed Ibrahim Larjvardi, le secrétaire général du Centre. "Maintenant, c'est Qom, la mère-patrie de la Shia'h, c'est ici à Qom!"

Le long des rues poussiéreuses, le gendre de Sistani supervise la construction de 320 appartements, qui seront loués pour rien à des étudiants en religion de Qom. Muhamad Shariatmadri, 35 ans, étudiant en théologie, vit dans un de ces appartements: "Un logement gratuit, c'est une aide immense pour nous". Son voisin, Mohamad Abedi, 35 ans, vient du sud de l'Inde et vit là, avec femme et enfants. Interrogé sur la réaction des Shiites en Inde et ailleurs, si jamais l'Amérique était amenée à agir contre l'Iran sur le sujet nucléaire, il répond: "Ils aideront l'Iran. Bien sûr!"

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