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REMISE EN QUESTION DU TRAITE DE PAIX ISRAELO-EGYPTIEN

 

par Daniel Pipes, www.danielpipes.org
New York Sun, 21 novembre 2006

Traduit par JP Mairet http://ajm.ch/wordpress   

 

Pas moins de 92% des personnes interrogées lors d’un récent sondage auprès de 1000 Égyptiens âgés de plus de 18 ans qualifient Israël d’État ennemi. Et seuls 2% le considérèrent comme «un ami de l’Égypte» (1).

Cette attitude hostile revêt de nombreuses formes, dont une chanson populaire intitulée «Je hais Israël», des caricatures politiques violemment antisémites, des théories conspirationnistes bizarres et des attentats terroristes contre des visiteurs israéliens. Le principal mouvement démocratique égyptien, Kifaya, a récemment lancé une initiative visant à réunir un million de signatures pour demander l’annulation du traité de paix israélo-égyptien de mars 1979.

D’autre part, le gouvernement égyptien a permis le transport en contrebande dans Gaza de grandes quantités d’armes destinées à des attentats contre des villes israéliennes proches de la frontière. Yuval Steinitz, un législateur israélien spécialisé dans les relations israélo-égyptiennes, estime que 90% des explosifs de l’OLP et du Hamas proviennent d’Égypte.

Le Caire n’a aucun ennemi apparent, mais l’État égyptien, pourtant appauvri, engloutit d’immenses ressources dans son équipement militaire. Selon le Service de recherche du Congrès américain, il a acquis des armes étrangères pour 6,5 milliards de dollars entre 2001 et 2004, soit plus que n’importe quel autre État du Moyen-Orient. Pendant la même période, le gouvernement israélien a consacré 4,4 milliards de dollars et l’Arabie Saoudite 3,8 milliards à l’achat d’armements. L’Égypte est le troisième plus important acheteur d’armes du monde en développement, précédé uniquement par les géants démographiques que sont la Chine et l’Inde. Le pays possède la dixième plus grande armée permanente du monde, largement plus de deux fois plus grande que celle d’Israël.

Cette longue et navrante série de marques d’hostilité se déroule en dépit de l’existence d’un traité de paix avec Israël, présenté à l’époque comme «un tournant historique» tant par le président égyptien Anouar el-Sadate que par le premier ministre israélien Menahem Begin. Le président américain Jimmy Carter espérait qu’il inaugurerait une nouvelle ère, durant laquelle «la violence cesserait de dominer au Moyen-Orient». Et moi aussi, je partageais alors cet enthousiasme.

Cependant, avec le recul, nous pouvons voir que le traité s’est révélé nuisible à au moins deux titres. D’abord, il ouvrit l’arsenal américain à l’Égypte et lui apporta des financements américains lui permettant d’acquérir des armes ultramodernes. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire du conflit israélo-arabe, une armée arabe pourrait avoir atteint l’égalité des forces avec Israël.

Ensuite, ce traité a stimulé l’antisionisme. J’ai vécu durant près de trois ans en Égypte dans les années 1970, avant le voyage spectaculaire de Sadate à Jérusalem, à la fin de l’année 1977, et je rappelle l’intérêt très limité pour Israël qui régnait à l’époque.

Israël faisait régulièrement l’actualité, mais n’alimentait guère les conversations. Les Égyptiens semblaient satisfaits de pouvoir déléguer ce problème à leur gouvernement. Ce n’est qu’après la signature du traité, que de nombreux Égyptiens considérèrent comme une trahison, qu’ils commencèrent à s’y intéresser directement. Il en résultat l’émergence d’une forme d’antisionisme plus personnelle, plus intense et amère.

Le même phénomène a pu être observé en Jordanie, où le traité de 1994 avec Israël fit tourner à l’aigre l’humeur de la population. Dans une moindre mesure, les accords palestiniens de 1993 et même le traité libanais avorté de 1983 déclenchèrent des réactions similaires. Dans ces quatre cas, les accords diplomatiques provoquèrent une poussée d’animosité envers Israël.

Les défenseurs du «processus de paix» répliquent que le traité a bel et bien été respecté, malgré les attitudes hostiles des Égyptiens et l’importance de leur arsenal. Le fait est que Le Caire n’a pas fait la guerre à Israël depuis 1979. Cette paix est glaciale au possible, mais c’est une paix.

Ce à quoi je réponds que si la simple absence de guerre ouverte doit être qualifiée de paix, alors la paix a également prévalu entre la Syrie et Israël pendant des décennies, en dépit d’un état formel de guerre. Damas n’a pas de traité avec Jérusalem, mais elle n’a pas non plus d’armement moderne américain. Une signature d’une époque révolue sur un morceau de papier compense-t-elle vraiment les chars Abrams, les avions de combat F-16 et les hélicoptères d’attaque Apache?

Je ne pense pas. A posteriori, il est évident que la diplomatie israélo-arabe s’est nourrie d’idées fausses et de prévisions irréalistes, selon lesquelles:

- Les accords, une fois signés par des dirigeants arabes non élus, convaincraient les masses de renoncer à leur ambition d’éliminer Israël.

- Ces accords seraient permanents, sans récidive, ni duplicité.

- D’autres États arabes allaient forcément suivre cet exemple.

- L’issue de la guerre peut être conclue par la négociation, plutôt que par la défaite d’un camp.

L’heure est venue d’admettre que le traité israélo-égyptien – présenté d'habitude comme le titre de gloire et le couronnement de la diplomatie israélo-arabe – est un échec consommé et d’en tirer les conclusions qui s’imposent afin de ne pas répéter les mêmes erreurs.

 

Note de www.nuitdorient.com

 

L'antisémitisme égyptien n'est pas répandu dans le peuple. Il vient des élites endoctrinées par les institutions de l'état et les médias officiels. Il a commencé avec le règne de Moubarak et il est la conséquence de l'argent prodigué par l'Arabie saoudite qui finance le régime social et de retraite des élites égyptiennes (médecins, avocats, journalistes…), devenues progressivement antisémites, dans un pays sans Juifs, mais avec des touristes juifs Israéliens. C'est le prix payé par le régime pour avoir une paix relative avec le groupe interdit mais puissant des "Frères Musulmans", proche des wahabites saoudiens.

De même de temps à autre, les Coptes (descendants chrétiens des véritables égyptiens de l'Antiquité) subissent la violence de meutes fanatisées par les Frères musulmans et sont obligés de plus en plus de s'expatrier, représentant aujourd'hui moins de 10% de la population, au lieu des 20/25% après la 2ème guerre mondiale.

 

 

Rethinking the Egypt-Israel "Peace" Treaty

by Daniel Pipes  - New York Sun -November 21, 2006

[NY Sun title: "Time To Recognize Failure Of Israel-Egypt Treaty"]

 

Ninety-two percent of respondents in a recent poll of one thousand Egyptians over 18 years of age called Israel an enemy state. In contrast, a meager 2% saw Israel as "a friend to Egypt."

These hostile sentiments express themselves in many ways, including a popular song titled "I Hate Israel," venomously antisemitic political cartoons, bizarre conspiracy theories, and terrorist attacks against visiting Israelis. Egypt's leading democracy movement, Kifaya, recently launched an initiative to collect a million signatures on a petition demanding the annulment of the March 1979 Egypt-Israel peace treaty.

Also, the Egyptian government has permitted large quantities of weapons to be smuggled into Gaza to use against Israeli border towns. Yuval Steinitz, an Israeli legislator specializing in Egypt-Israel relations, estimates that fully 90% of PLO and Hamas explosives come from Egypt.

Cairo may have no apparent enemies, but the impoverished Egyptian state sinks massive resources into a military build up. According to the Congressional Research Service, it purchased $6.5 billion worth of foreign weapons in the years 2001-04, more than any other state in the Middle East. In contrast, the Israeli government bought only $4.4 billion worth during that period and the Saudi one $3.8 billion.

Egypt ranked as the third largest purchaser of arms in the entire developing world, following only population giants China and India. It has the tenth largest standing army in the world, well over twice the size of Israel's.

This long, ugly record of hostility exists despite a peace treaty with Israel, hailed at the time by both Egypt's president Anwar El-Sadat and Israel's prime minister Menachem Begin as a "historic turning point." U.S. president Jimmy Carter hoped it would begin a new era when "violence no longer dominates the Middle East." I too shared in this enthusiasm.

With the benefit of retrospect, however, we see that the treaty did palpable harm in at least two ways. First, it opened the American arsenal and provided American funding to purchase the latest in weaponry. As a result, for the first time in the Arab-Israeli conflict, an Arab armed force may have reached parity with its Israeli counterpart.

Second, it spurred anti-Zionism. I lived for nearly three years in Egypt in the 1970s, before Sadat's dramatic trip to Jerusalem in late 1977, and I recall the relatively low interest in Israel at that time. Israel was plastered all over the news but it hardly figured in conversations. Egyptians seemed happy to delegate this issue to their government. Only after the treaty, which many Egyptians saw as a betrayal, did they themselves take direct interest. The result was the emergence of a more personal, intense, and bitter form of anti-Zionism.

The same pattern was replicated in Jordan, where the 1994 treaty with Israel soured popular attitudes. To a lesser extent, the 1993 Palestinian accords and even the aborted 1983 Lebanon treaty prompted similar responses. In all four of these cases, diplomatic agreements prompted a surge in hostility toward Israel.

Defenders of the "peace process" answer that, however hostile Egyptians' attitudes and however large their arsenal, the treaty has held; Cairo has in fact not made war on Israel since 1979. However frigid the peace, peace it has been.

To which I reply: if the mere absence of active warfare counts as peace, then peace has also prevailed between Syria and Israel for decades, despite their formal state of war. Damascus lacks a treaty with Jerusalem, but it also lacks modern American weaponry. Does an antique signature on a piece of paper offset Egypt's Abrams tanks, F-16 fighter jets, and Apache attack helicopters?

I think not. In retrospect, it becomes apparent that multiple fallacies and wishful predictions fueled Arab-Israeli diplomacy:

Once signed, agreements signed by unelected Arab leaders would convince the masses to give up their ambitions to eliminate Israel.

These agreements would be permanent, with no backsliding, much less duplicity.

Other Arab states would inevitably follow suit.

War can be concluded through negotiations rather than by one side giving up.

The time has come to recognize the Egypt-Israel treaty – usually portrayed as the glory and ornament of Arab-Israel diplomacy – as the failure it has been, and to draw the appropriate lessons in order not to repeat its mistakes.