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QUI A TUÉ LA PALESTINE?

Un échec qui a mille pères

 

Par Bret Stephens, membre du conseil éditorial du The Wall Street Journal. Sa chronique sort le mardi.

Opinion Journal du 26 juin 2007 –

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm pour www.nuitdorient.com

 

Bill Clinton l'a fait. Yasser Arafat l'a fait. De même que George Bush, Yitshak Rabin, Hosni Moubarak, Ariel Sharon, Al Jazeera et la BBC. La liste des coupables dans le polar intitulé "Qui a tué la Palestine?" n'est ni courte, ni mutuellement exclusive. Mais comme les futurs historiens seront obligés de se poser la question, commençons par suggérer quelques réponses.

Ne vous trompez pas, quelle que soit la quantité d'oxygène diplomatique, militaire ou financier que vous injecterez dans l'Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas, le cadavre ne ressuscitera pas.

La Palestine a toujours été un "concept", un champ de rêves appartenant à ceux qui savaient le cultiver. Si Israël est un Etat, c'est parce que son peuple a été capable de créer les institutions nécessaires à un état pour survivre sur le plan politique, économique et militaire, en commençant par le monopole de l'usage de la force légitime. Cela fait maintenant 14 ans que l'Autorité Palestinienne existe et elle n'a réussi aucune de ces institutions, malgré l'inimaginable soutien, la bonne volonté et les largesses de la communauté internationale.

La saisie de la bande de Gaza par le Hamas ce mois-ci, et la division en 2 autorités hostiles et géographiquement distinctes qui s'ensuivit sont seulement les derniers soubresauts d'une chaîne d'événements qui s'est mise en branle, quand en septembre 1993, Israël a accepté Arafat comme seul représentant légitime du peuple palestinien.

 

Un indice précurseur de cette situation a été l'entrée triomphale d'Arafat à Gaza, le 1er juillet 1994, avec 4 de ses partisans les plus violents, dans le coffre de sa Mercedes. Si on doit trouver une image synthétique de ce que serait par la suite le pouvoir d'Arafat, c'est bien l'image de cette scène là.

Arafat était déterminé à utiliser Gaza et la Cisjordanie comme tremplin pour attaquer et détruire Israël, comme il l'a dit et répété en public "O Haifa, ô Jérusalem vous allez nous revenir!" (1995), "Par la guerre psychologique et par la démographie, on fera en sorte que la vie soit intenable pour les Juifs, " (1996), "Par le sang et l'esprit, nous te récupèrerons ô Palestine!" (1997).

Avec la même détermination, l'administration Clinton et les gouvernements de MM Rabin, Peres et Barak ont pris les déclarations d'Arafat pour des fanfaronnades rhétoriques. Mr Clinton voulait désespérément obtenir le prix Nobel de la Paix. Les Israéliens ne voulaient plus être considérés comme des "occupants", à aucun prix. Tous ces objectifs étaient respectables, mais aucun d'entre eux ne concernait la création d'un état palestinien respectable.

Plus tard, après que la 2ème intifada ait explosé avec tout son délire suicidaire, l'ex-négociateur américain Dennis Ross aurait admis que l'administration Clinton était devenue obsédée par un processus, au lieu de s'atteler à la substance du sujet. Mais toute la faute ne lui incombe pas. La décision de rendre Arafat légitime venait d'Israël, pas des Etats-Unis. Une fois qu'il fut introduit dans la tente "sacrée", il ne pouvait qu'y mettre le feu! Et pourtant cette administration Clinton a élevé Arafat à un niveau jamais accordé à un autre chef d'état, dans les années 90! Si Arafat s'est glorifié d'être un second Saladin, la flatterie et la magnificence des réceptions de la Maison Blanche ont certainement joué un rôle.

Mais les médias internationaux ont contribué aussi à la glorification d'Arafat. Les responsables des médias étrangers à Jérusalem n'ont jamais cessé de considérer Arafat comme un homme "modéré" et Ariel Sharon comme un "extrémiste". Quand ce dernier a décidé de se promener sur le Mont du Temple en septembre 2000, il leur était aisé de le faire passer pour le méchant et les émeutiers, devenus plus tard les hommes-suicide, comme de justes victimes lésées. Et les médias arabes et les gouvernements qui les possèdent en ont profité pour dévier le mécontentement populaire local vers les images des "pauvres Palestiniens" brimés.

D'une manière générale, comme les individus, les nations tirent profit des critiques qui leur sont faites et parfois même de leur propre auto-critique. Comme aucun autre, le peuple palestinien a toujours été protégé de la critique. En 1999, Abdel Sattar Kassem, un professeur de science politique de Naplouse a ajouté son nom à "la pétition des 20", signée par ceux qui s'élevaient contre la tyrannie et la corruption d'Arafat. Cet homme a été jeté en prison par Arafat. Personne ne s'en inquiéta. Rappelons que la popularité d'Arafat avait atteint des sommets au printemps 2002, au plus fort des attentats-suicide contre la population civile israélienne.

Ce qui était utile aux intérêts d'Arafat, ne l'était pas à sa population. De son expérience avec Bill Clinton, Arafat a appris qu'on pouvait embobiner le président des Etats-Unis et ne pas en payer le prix. G W Bush a agi différemment, écartant les Palestiniens de son agenda. De son expérience internationale, Arafat savait aussi que personne n'irait regarder où était parti l'argent donné par l'aide étrangère. Néanmoins, la fin du Fatah a commencé par sa réputation de voleur.

Arafat a pensé qu'il pouvait tirer avantage de la force religieuse qu'on pouvait dégager des martyrs par bombe-suicide. Mais dans chaque martyr d'une bombe humaine, il y avait aussi un acte d'autodestruction. Et une nation qui célèbre ce type de martyr sombre elle-même dans l'autodestruction.

Avant tout, Arafat confondait territoire et pouvoir. Mais l'exemple de la bande de Gaza dépouillée de ses Israéliens a montré que les Palestiniens n'étaient pas capables d'installer une souveraineté politique dans un quelconque territoire. Il n'y a plus de Juifs à blâmer, plus de soldats qu'on peut filmer en train de détruire des maisons palestiniennes. La droite israélienne qui reprochait à Sharon ce retrait unilatéral de Gaza devrait reconsidérer sa position à l'égard de cet homme et de ce qu'il a fait. Grâce à ce retrait, il a montré à la communauté internationale l'incapacité des Palestiniens à construire un état.

Qu'est ce que cela signifie, pour l'avenir? Au sommet d'hier à Sharm el Sheikh, Olmert, Moubarak et le roi Abdallah ont jeté des pétales de rose aux pieds de Mahmoud Abbas. Mais les potentats du Moyen Orient ne mettront jamais au monde un état dont le chef politique se réclame à la fois de la démocratie et de l'islamisme. Ni les Etats-Unis, ni Israël n'accepteront un Hamastan, même agréé par l'Europe ou les Nations Unies. Ils accepteront de bénir l'irresponsable M Abbas. Néanmoins, comme nous le voyons, la "Palestine" reviendra à ce qu'elle était auparavant, une ombre entre Israël et ses voisins et les Palestiniens redeviendront ce qu'ils n'ont jamais cessé d'être, des Arabes.

Aurait-il pu y avoir un sort meilleur? Personne ne le sait. Mais rêver de la Palestine, c'est fini!

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