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LES PALESTINIENS N'ONT PAS DE VRAI CHEF

 

Par Aaron David Miller, conseiller de 6 secrétaires d'état américains, pour les négociations arabo-israéliennes, aujourd'hui spécialiste de la politique publique au Centre International Woodrow Wilson

Paru dans le Washington Post du 24 janvier 2006

Traduit et adapté par Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm pour www.nuitdorient.com

 

Plus de 50 ans après sa création, dans ses deux aspects séculier et islamique, le mouvement national palestinien manque de stratégie cohérente et des moyens pour réaliser ses aspirations nationales. Indépendamment des résultats des élections, cela restera pour les Palestiniens le défi principal qu'ils auront à confronter. Dans l'histoire de tout mouvement national, à un certain stade, on doit juger les responsables sur leur capacité à réaliser les objectifs qu'ils se sont fixés. Ces objectifs peuvent changer au cours du temps, s'adapter aux circonstances et être orientés dans un sens plus pragmatique. Dans les années 60, l'OLP (Organisation de libération de la Palestine) prêchait déjà la destruction d'Israël. Dans les années 70, elle approuvait un état démocratique pour Juifs et Arabes. Dans les années 80/91, elle vira vers la solution de deux états, sous la pression. Malgré leurs réticences, la plupart des Palestiniens acceptent aujourd'hui un état palestinien, à côté d'Israël, pourvu qu'il soit basé sur les frontières de 1967, qu'il ait sa capitale à Jérusalem et qu'il offre une solution au problème des réfugiés, incluant un certain droit au retour.

Mais malheureusement l'Histoire n'a pas une touche de rembobinage et si une telle solution était possible dans le passé, elle ne l'est plus aujourd'hui. Sharon avait le pouvoir d'orienter le pays vers une solution du conflit, mais il n'avait pas de motivation pour le faire, et ses successeurs non plus. Le président Palestinien Mahmoud Abbas a la motivation, mais sans avoir la capacité et le pouvoir de le faire. Dans tous les cas de figure, la voie unilatérale, sans négociations, semble dominer la situation et le restera avec les successeurs de Sharon.

Les Palestiniens ont une grande part de responsabilité dans la tragédie qu'ils vivent. En bref, leurs chefs n'ont pas réussi à définir une stratégie cohérente, à concevoir des tactiques effectives et à préparer la population à un compromis. Au lieu de cela, le credo des Palestiniens a été la diffusion d'une culture de griefs (et de haine) et de fuite devant les responsabilités. Leur système opérationnel a également échoué. La tactique de la lutte armée a été un désastre. Et bien que le Hamas se vante que les Israéliens se sont désengagés de Gaza sous la pression des armes, celles-ci ont provoqué plus de dégâts à la société palestinienne et à son image. Et au lieu de séparer Américains et Israéliens, les bombes-suicide les ont rapprochés, et sans l'Amérique et Israël un état palestinien est mort-né (1).

Gaza est peut-être libre de toute occupation, mais elle est devenue incontrôlable et tôt ou tard, l'armée israélienne sera obligée d'y pénétrer pour neutraliser les attaques à la roquette Qassam. Quand les Palestiniens regardent vers l'Est, vers la Cisjordanie, ils voient des implantations, des routes qui la traversent et Jérusalem étroitement contrôlée par Israël. Les organisations telles que le Hamas ou les brigades d'Al Aqsa peuvent caresser l'idée de libérer Qalqilya, Bethlehem et Jérusalem par les armes, comme le H'ezbollah l'a fait au Liban du Sud. Mais ce jeu n'est que folie et le Hamas serait bien inspiré de ne pas le jouer.

Le chaos à Gaza et les rouages internes en pleine confusion, les Palestiniens sont aujourd'hui confrontés à une profonde crise et leurs espoirs nationaux sont remis en question. Comment rassembler tous les Palestiniens sous la bannière d'un même pouvoir? En fait depuis ses débuts, le mouvement national palestinien n'a jamais eu sa "nuit des longs couteaux". Si elle s'était produite, la faction la plus importante, le Fatah aurait pu imposer son contrôle et mettre en œuvre une stratégie cohérente pour le futur état. Mais très décentralisé et devant administrer de "pauvres réfugiés", le Fatah a choisi de s'adapter plutôt que d'affronter. D'où la formation de petits groupes autour d'idées politiques les plus extrêmes, entraînant la violence et la terreur et la mise en rade de l'intégralité du mouvement national.

Aujourd'hui la situation est catastrophique. La véritable erreur de Yasser Arafat n'était pas de refuser l'offre de Ehoud Barak à Camp David — car tout chef Palestinien qui l'aurait accepté n'aurait pas survécu – mais d'avoir montré sa volonté de couvrir l'ensemble des forces existantes, notamment les plus violentes, et d'avoir ainsi approuvé les actes terroristes des plus extrémistes. Les efforts de Mahmoud Abbas de créer "une seule autorité et un seul fusil" ont abouti à "pas d'autorité et plusieurs fusils".

Après la disparition d'Arafat, les Américains et les Israéliens auraient pu peut-être aider un peu plus Abbas, mais les Palestiniens sont seuls responsables de la crise à laquelle ils font face et ils doivent la résoudre eux-mêmes.

On peut espérer que les élections amèneront un nouveau Parlement qui saura mener une "realpolitik" pragmatique, faisant des réformes réelles et surtout désireux de paix. Étant donné la cacophonie actuelle et la compétition entre le Fatah et le Hamas, tout changement sera très long à se mettre en place. En attendant, le conflit avec Israël se poursuivra inexorablement, grignotant toute perspective de paix. Mais cela est le destin des peuples dont les chefs laissent passer les rares occasions que l'histoire leur propose, ne sachant pas saisir les opportunités, qu'ils soient Palestiniens, Américains ou Israéliens.

 

Notes

Les parenthèses sont celles de la traduction

(1) Mr Miller n'a pas l'air de connaître l'histoire du peuple dit Palestinien, formé d'abord de tribus et de clans venant de divers pays arabes, et puis d'individus ayant émigré notamment de Syrie, d'Irak et d'Egypte. Comment constituer une cohérence dans cette diversité, en dehors de l'animosité et de la haine à l'égard des Juifs et d'Israël. Et la politique suicidaire d'Arafat n'était que haine, tempérée par Abbas, mais qui pourrait devenir celle du prochain gouvernement, et d'une façon encore plus violente, notamment s'il y a alliance avec les deux états-voyous, la Syrie et l'Iran.

 

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