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Le Langage comme Instrument Antisioniste

Par Dr Manfred Gerstenfeld, a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

15/10/20 - Centre Sadate-Begin : besacenter.org

Adaptation : Marc Brzustowski.

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Les gouvernements israéliens successifs n’ont jamais mis sur pied de politiques complètes visant à combattre systématiquement tous les fronts multiples d’attaques contre le pays. Les premiers ministres et leurs collègues des cabinets ministériels semblent ne jamais avoir compris ce que n’importe quel stratège débutant comprendrait d’instinct : la lutte contre l’Etat d’Israël comporte beaucoup d’armes et d’outils. Israël doit les combattre tous d’un seul tenant.

Personne ne peut ignorer les techniques de combat déclaré ni les attaques terroristes. Ainsi, le gouvernement israélien donne t-il à cet aspect du champ de bataille l’essentiel de l’attention. Les organismes créés à cet effet, les Forces de Défense Israéliennes ou Tsahal, et les agences de renseignements remplissent plutôt bien ces missions. Il y a quelques années, le gouvernement israélien a aussi compris que la cyberguerre était dangereuse pour le pays et a mis sur pied une agence spécifiquement dédiée pour traiter ce problème.

Dans d’autres aires du champ de bataille, Israël connaît des résultats moins brillants et se montre souvent négligeant. Dans la confrontation avec les appels au boycott, Israël a été et continue d’être moins remarquable. Le boycott arabe initial a existé durant des décennies (1). Israël a tenté de le circonvenir de multiples façons, certains ont réussi, beaucoup d’autres ont été bien moins éclatantes.

Au début du 21ème siècle, une nouvelle forme de boycott a émergé, que l’on connaît depuis sous la dénomination de BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). BDS a débuté dans le monde universitaire par une lettre ouverte dans le Guardian du 6 avril 2002, signée par plus de 100 universitaires [2]. Elle appelait à un moratoire pour toute relation culturelle ou de recherche avec Israël aux niveaux national ou européen, jusqu’à ce que le gouvernement israélien se soumette aux résolutions de l’ONU et ouvre « des négociations de paix sérieuses avec les Palestiniens, suivant les lignes proposées par de nombreux plans de paix, dont les plus récents, parrainés par les Saoudiens et la Ligue Arabe ». La lettre ouverte a été suivie par d’autres initiatives  similaires d’une manière ou d’une autre. Les amis d’Israël se sont insurgés contre elle. Le gouvernement israélien a entrepris très peu d’action durant de nombreuses années.

Israël a largement ignoré l’énorme guerre des mots à son encontre. Certaines nations sont passées maîtres dans l’usage du combat verbal. L’Allemagne nazie était parvenue à un summum et a inventé un langage presque entièrement rénové pour justifier les pires exactions criminelles qu’elle a entrepris. Elle a développé de nombreux synonymes pour parler de la planification du meurtre [3].

L’Union Soviétique a été un second compétent. Bien avant qu’elle ne commence à faire la promotion du terme « antisionisme », cette expression n’existait pas dans les dictionnaires [4]. Des millénaires plus tôt, dans le premier livre de la Bible – la question de la langue était déjà présente de façon cruciale. D.ieu a détruit le langage commun à cause de ceux construisant la Tour de Babel. Ainsi, une confusion énorme s’est générée au niveau de la communication humaine.

George Orwell avait très bien compris le rôle que joue le langage. Dans son livre, 1984, -publié en 1949- il a inventé la Novlangue, qui se caractérisait par l’interchangeabilité du sens des mots. Elle remplaçait alors l’anglais traditionnel. On cite fréquemment les expressions suivantes: « La liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force » et, qui est très pertinent et adapté au cas palestinien : « La Guerre c’est la Paix » [5].

La gauche israélienne et même un certain nombre d’Israéliens ordinaires ont souvent fait la promotion de la notion fondamentalement erronée d’échange de « la terre contre la paix ». Elle méjuge radicalement à quel point les Palestiniens peuvent tirer partie des promesses de paix. Cela a partiellement et avantageusement été remplacé par la notion de « paix contre la paix ». 

Le gouvernement israélien  peut réagir de temps en temps -mais pas toujours loin de là – si une personnalité importante accuse Israël « d’Apartheid ». L’ancien Ministre allemand des Affaires étrangère, Sigmar Gabriel, par exemple, a fait usage de cette expression et s’en est excusé par la suite [6].

L’une des fréquentes déformations du réel utilisée contre Israël est que ce pays est un « occupant » de la rive occidentale du Jourdain ou Judée-Samarie [7]. Pourtant, Israël est, au mieux, occupant de certaines parties du Golan, qui appartenait anciennement à l’Etat syrien. La Judée-Samarie ou « Cisjordanie » (selon le parti qui en parle) était aux mains de la Jordanie. Sa souveraineté n’était alors uniquement reconnue par le Royaume-Uni et le Pakistan [8]. Il n’y a jamais eu d’Etat palestinien qu’on puisse déclarer comme n’étant pas « occupé ». Dore Gold expliquait en détail que le statut de la Judée-Samarie constituait un « territoire disputé ». Il a fait cette déclaration  peu après être devenu Président du Centre des affaires publiques de Jérusalem, en 2000 [9].

La notion de « solution à 2 Etats » est un autre terme profondément ancré. Il est difficile d’en traiter, parce que le Président américain Barack Obama a exercé énormément de pressions sur le Premier Ministre Binyamin Netanyahu pour qu’il accepte et ne se réfère qu’à ce concept. Netanyahu l’a fait, à travers son discours de Bar Ilan en 2009, quand il a déclaré : « Si nous recevons cette garantie à propos de la démilitarisation (des territoires palestiniens) et les besoins de sécurité d’Israël, et si les Palestiniens reconnaissent Israël comme l’Etat du peuple juif, alors, nous serons prêts à passer un futur accord de paix afin de parvenir à une solution où un Etat palestinien démilitarisé existe aux côtés d’un Etat Juif » [10] . Un Etat palestinien avait déjà été accepté plus tôt par les Premiers Ministres Ehud Barak et Ehud Olmert lors de leurs propositions de paix aux Palestiniens [11] [12].

Dans ce cadre, les responsables officiels ne mentionnent que rarement qu’il préexiste déjà deux Etats sur l’ancien territoire du Mandat Britannique : le premier était l’Etat palestinien de Jordanie qui occupe 75% de ce territoire, et Israël. Un autre Etat palestinien -en supposant que le Fatah et le Hamas puissent s’entendre à ce propos – dans la Bande Occidentale du Jourdain, serait dès lors un troisième Etat. Mais aussi, le plan Trump qu’Israël a accepté, est fondé sur la notion d’un Etat palestinien près d’Israël [13].

Plusieurs auteurs ont insisté sur l’usage dangereux de la sémantique à l’encontre des Juifs et d’Israël. Un travail essentiel a été réalisé par le linguiste français Georges-Elia Sarfati. Il a entrepris une analyse détaillée du phénomène. Sarfati soulignait que le discours est formulé sur la base de l’usage idéologique de ceux qui le formulent. Il disait : « Plutôt que les mots ne soient neutres, ils servent à introduire une certaine vision des questions auxquelles ils répondent » [14].

Cette expression de « solution à 2 Etats » est tellement profondément ancrée en Occident qu’elle requerra un énorme effort avant qu’on ne sème le doute sur son bien-fondé. La question n’est pas parce que le message n’est pas simple. Pourquoi devrait-on élever l’entité criminelle palestinienne -dont les dirigeants glorifient le génocide, récompensent le meurtre et qui est imprégnée par le culte de la mort – au statut d’un Etat?

Le combat d’Israël contre les abus de l’ONU dans l’usage du statut de « réfugié palestinien » est mené d’une manière trop tiède, de la part d’Israël. Il existe une définition générale du statut de réfugiés, qui dit : « Quelqu’un qui est incapable ou non-désireux de retourner dans son pays d’origine  du fait d’une crainte réellement fondée d’y être persécuté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques » [15].

De manière spécifique et exclusive en faveur des Palestiniens, l’ONU a étendu cette définition pour y inclure les descendants des réfugiés [16]. Cela a sapé les fondements de la signification de ce mot et multiplié les problèmes en résultant. Presque tous les « réfugiés » palestiniens ne sont pas de véritables « réfugiés » selon la définition originale de l’ONU. Ils ne se sont pas enfuis devant l’avancée d’Israël, bien que certains de leurs parents survivants, grands-parents ou arrière-grand parents aient pu devoir le faire et puissent être considérés comme d’authentiques réfugiés, à cette époque. Pourtant, pas un seul journaliste de portée internationale ne souligne ce point, ni n’emploie l’expression « Les faux réfugiés de l’ONU » à leur propos.

Un autre abus de langage consiste à désigner les Israéliens comme des « Colons ». Ce terme ne s’appliquait exclusivement qu’à des gens qui se sont rendus sur des terres habituellement à des milliers de kilomètres de leur patrie. Les lignes de partition de 1967 qui séparaient Israël des territoires palestiniens étaient des lignes d’armistice, pourtant elles sont fréquemment et de façon erronée appelées les « frontières » de 1967 [17] [18].

Il y a aussi beaucoup d’exemples d’abus de langage dans le discours antisémite.  Le gouvernement français utilise fréquemment l’expression « tensions entre les communautés ». Elle suggère que deux communautés, les communautés musulmanes et juives, manifestent de l’agressivité l’une envers l’autre. La réalité correspond plutôt à une agression et à une haine unilatérales envers la communauté juive qui trouve son origine dans certaines parties de la communauté musulmane [19].

Les Palestiniens attendront vraisemblablement de voir si Biden sera élu président des Etats-Unis et qu’il abolira le plan Trump. Il peut même très bien se produire qu’alors les Palestiniens décident de tenter d’organiser une conférence de paix. Cela pourrait traiter de questions concrètes comme les frontières finales, le statut du Mont du Temple, la démilitarisation de l’Etat Palestinien et ainsi de suite. Il n’en demeure pas moins très improbable qu’elle puisse répondre à une question cruciale : comment les Palestiniens ont ou non l’intention de se débarrasser de leur culte de la glorification du génocide et de la mort, qui imprègne leur société?

Israël devrait mettre ce sujet au sommet de l’agenda international. Sinon, si un Etat palestinien est établi, il ne correspondra qu’à l’élévation d’une entité criminelle au stade d’Etat-nation criminel.

Notes

 [1] Dan S. Chill, The Arab Boycott of Israel: Economic Aggression and World Reaction (New York: Praeger, 1976)

[2] www.euroisrael.huji.ac.il/original.html, “Protest against Call for European Boycott of Academic and Cultural Ties with Israel,” The Guardian, Original Press Release, 6 April 2002.

[3] https://www.welt.de/kultur/plus216563504/Lexikon-des-Grauens-Die-1001-Woerter-der-Nazis-fuer-Mord.html

[4] https://www.jcpa.org/phas/phas-17.htm

[5] www.amazon.com/1984-Signet-Classics-George-Orwell/dp/0451524934

[6] www.jpost.com/international/former-german-fm-says-regrets-calling-israel-apartheid-regime-551362

[7] www.timesofisrael.com/german-foreign-minister-under-fire-for-accusing-israel-of-apartheid/

www.bbc.com/news/world-middle-east-39703128

[8] www.britannica.com/place/West-Bank

[9] jcpa.org/jl/vp470.htm

[10] https://ecf.org.il/issues/issue/70

[11] https://abcnews.go.com/International/story?id=82027&page=1

[12] www.timesofisrael.com/abbas-admits-he-rejected-2008-peace-offer-from-olmert/

[13] www.whitehouse.gov/peacetoprosperity/

[14] Manfred Gerstenfeld, interview with Georges-Elia Sarfati, “Language as a Tool against Jews and Israel,” Post-Holocaust and Anti-Semitism, 17, February 1, 2004.

www.jcpa.org/phas/phas-17.htm

[15] www.unhcr.org/what-is-a-refugee.html

[16] www.unrwa.org/palestine-refugees

[17] https://www.theatlantic.com/international/archive/2011/05/what-obama-meant-1967-lines-why-irked-netanyahu/350925/

[18] https://www.npr.org/2011/05/24/136495202/background-israels-pre-1967-boundaries

[19] See, e.g., Paul Ceaux, “Manif pro-palestinienne autorisée: les organisateurs critiquent Hollande,” L’Express, July 22, 2014 (French) ; Manfred Gerstenfeld, “Dutch Jews Wonder About Their Future,” Israel National News, August 8, 2014; Reuters and AP, “France vows harsh hand on anti-Semitic violence after Paris riots,” Haaretz, July 21, 2014.