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UN SUEDOIS PAS COMME LES AUTRES

 

De Paul Widen, journaliste basé à Jérusalem, paul.a.widen@gmail.com

Jerusalem Post du 06/02/09

Traduit par Albert Soued pour www.nuitdorient.com

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Frederik vient de terminer son entraînement au 51ème bataillon de la brigade Golani. Avec des milliers d'autres soldats, il se tient prêt dans une base, pas loin de Gaza, dans le cas où le cessez-le-feu est rompu. La seule différence avec les autres, c'est qu'il n'est pas un citoyen israélien, ni même un Juif. Frederik est un Suédois chrétien pentecôtiste.

 

Il est venu pour la première fois dans ce pays, il y a 9 ans, comme touriste. "Je suis tombé amoureux de ce pays au premier regard, dès ma sortie de l'avion. J'ai tout de suite compris que c'était un pays pour lequel j'accepterai de mourir". Il est rentré dans sa petite ville suédoise où son père est pasteur de l'église locale. "Je me suis toujours consacré totalement aux choses auxquelles je crois fermement, et j'ai senti que c'était là où Dieu voulait que je sois", explique-t-il. Il abandonna alors son projet de carrière de jeune pasteur et s'embarqua pour Israël. L'amour qu'il voue à ce pays est sans compromis.

Aussitôt après son arrivée, une bombe-suicide faucha la vie de 21 jeunes à une discothèque à Tel Aviv. "Je réalisai soudain que "tout le monde n'était pas gentil""

dit-il avec un brin d'ironie. "Quand on m'appela pour le service militaire en Suède, j'avais refusé de tenir un fusil…". Après cette proximité avec la terreur, il cessa d'être un "pacifiste". "J'ai compris qu'il y avait des situations où on est obligé de se défendre par les armes".

En été 2001, cet événement le mène à se présenter à un bureau de recrutement de Tsahal où il explique qu'il souhaitait rejoindre l'armée. Il n'était pas un citoyen du pays, il n'était pas juif et même pas un résident. La réponse fut négative.

"J'ai entendu parler de Sar-El, un programme de volontariat de l'armée et je m'y suis engagé comme volontaire, un mécanicien de char, pendant 18 mois entre 2002 et 2005". Le reste du temps, il pratiqua divers métiers en Suède pour payer son séjour en Israël. "Après maintes demandes, j'ai enfin obtenu le permis de séjour temporaire, et je me suis précipité au bureau de recrutement. On m'a dit que pour entrer dans l'armée mon permis devait être permanent ".

Deux années de petits boulots en Israël, Frederik faisait tout pour réaliser son rêve. "Quand j'ai dû renouveler mon permis de séjour, j'ai usé de tous les moyens et de toutes mes connaissances pour obtenir un séjour permanent". Ce qui fut fait en été 2007. "Une fois la carte d'identité bleue en poche, j'ai filé vers le Ministère de l'Intérieur, au bureau de recrutement. Mon obstination fut payante, on m'a accepté à la brigade Golani et en mars je commençai mon entraînement".

Il fut accueilli avec enthousiasme, la preuve en est qu'il a été sélectionné dans l'unité de reconnaissance Egoz, l'élite de l'élite. Un soldat qui l'a connu dans l'armée raconte "Il a des qualités rares. N'importe quel officier ferait tout pour l'avoir dans son unité, il donne tout de lui-même, sans jamais se plaindre"

Il reçut son béret Egoz et s'entraîna dans cette unité pendant quelques mois, jusqu'à ce que les services secrets interviennent pour mettre le holà à cet exploit. Il rejoignit son 51ème bataillon d'origine, mais resta très humble à propos de son expérience insolite. Il ne faisait qu'appliquer ses idées et n'attendait rien d'autre. Par son exemple, il voulait stimuler, le peuple d'Israël. "Quand les Israéliens apprennent mon histoire, ils disent "kol hakavod", mais personnellement je cherche à leur dire qu'ils ne sont pas seuls dans leur lutte contre le terrorisme" explique-t-il.

 

La situation en Suède est évidemment différente. Pendant l'opération "Plomb fondu", les manifestations contre la guerre ont dégénéré en des attaques violentes contre Israël. Et pour éviter des représailles contre sa famille en Suède, il ne veut pas révéler son vrai nom, ou même montrer son visage. "En Suède, certains pensent que je suis un fanatique, que je suis parti "tuer de l'Arabe", ce qui n'a vraiment aucun rapport avec mes motivations". Frederick ne souhaite pas parler politique, ni des frontières du pays. "Ce n'est pas ma préoccupation. Moi je ne fais que croire en Dieu, et Dieu veut l'existence de cet état, et moi, je suis là pour protéger cette existence".

Dieu est présent dans toutes les explications qu'il donne quant à ses motivations. "Dieu m'a fait aimer ce pays et l'a placé dans mon cœur et je veux répandre cet amour en l'exprimant de façon pratique. C'est là mon but!"

Pour lui, c'est vraiment simple. Frederick est totalement honnête avec sa foi de Chrétien et cela n'a jamais posé problème avec ses camarades dans l'armée. "Dans mon unité, je me sens particulièrement proche des Juifs religieux. Ils disent que j'ai un rapport spécial à Dieu", dit-il avec un sourire. "Je pense que nous nous stimulons mutuellement. Ils savent tant de choses du Talmud, mais j'en sais plus de la Bible. Ce qui les incite à apprendre plus. Je respecte leur foi totalement et c'est réciproque. Et personne ne cherche à convertir l'autre. Nous avons tant de choses en commun! Lors de la fin du Shabat, je chante avec eux "la havdala". Nous chantons Dieu ensemble, et nos cœurs sont ouverts. Quand je suis avec eux, je sens l'Esprit Saint très fortement".

 

Soudain Frederick se tait. "Ecoutez-moi bien" dit-il avec un mouvement de la tête, "je dis bien "eux" mais pas "nous"". Je lui demande combien de temps son séjour va durer. Il répond "Probablement, aussi longtemps que je vivrai" et, pour la première fois, je perçois une certaine tristesse dans sa voix "Je ne ferai sans doute jamais entièrement partie de cette société et je ne le peux pas. A Pâque je ne dis pas "hayinou", je n'ai jamais été esclave en Egypte…". Il hausse les épaules, manquant de paroles.

 

Je ne le blâme pas, car comment expliquer un amour qui ne demande rien en retour ?

 

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