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L’Académicien a Repris sa Plume de Journaliste

Par Albert Soued, écrivain, http://symbole.chez.com pour www.nuitdorient.com

13/06/19

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Je viens de terminer la lecture du nouveau livre d’Amin Maalouf (1), thèse partiellement autobiographique sur les évènements qui ont secoué le monde les siècles derniers et qui risquent d’entraîner les Civilisations vers un naufrage à la « Titanic ».

J’avoue que le passage par cet écrivain, du roman vers la thèse journalistique, me fascine. En fait, il fut d’abord journaliste avant de briller comme écrivain. Ce document est d’une grande sincérité, mais du fait de nombreux questionnements, d’allers-retours et de moments angoissés, il présente un aspect un peu désordonné dans les idées exposées et la thèse défendue.

Pour ma part, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt cet ouvrage, d’autant plus que ma famille comme la famille maternelle d’Amin Maalouf a été spoliée de ses biens en Egypte et chassée de ce pays, après les évènements de 1956. Néanmoins, je voudrais apporter ici un point de vue différent, qui corrigerait les quelques imperfections, omissions ou inexactitudes du texte de cet académicien émérite.

De mon point de vue, le président égyptien Gamal Abdel Nasser, malgré son charisme et sa popularité fut, après les quelques années de gestion médiocre du roi Farouk, un piètre dirigeant. En près de 18 ans de gouvernance, il a entraîné son pays, qui n’avait rien à envier à l’Europe sur le plan de la modernité dans les années 20/40, et dont la population mangeait à sa faim, vers un délabrement socio-économique lamentable. Bien qu’il l’admire, Amin Maalouf reconnaît que Nasser aurait dû se comporter comme un Nelson Mandela et garder « ses étrangers » pour le bien du pays. Mais on ne construit pas un historique avec des « si ».

L’humiliation des Arabo-Musulmans au siècle dernier, trouve son origine dans la chute de l’empire ottoman, après la 1ère guerre mondiale et le remplacement du Califat, par un gouvernement laïc en Turquie et par des mandats franco-britanniques dans le reste du Moyen Orient. Amin Maalouf n’en parle pas, même pas un mot, et se concentre sur un autre évènement « la Guerre des 6 Jours ». Or ce sont surtout les décisions du mauvais dirigeant Nasser qui ont prévalu et occasionné la défaite des armées arabes en 1967. Mais ce n’était pas nouveau, les armées arabes avaient déjà quasiment perdu la guerre en 1948 et en 1956… et « la Guerre des 6 Jours » n’en est que le prolongement et non pas un fait crucial ou plus humiliant que la disparition du Califat, un demi-siècle plus tôt (2).

Je rappelle ici que la Confrérie des Frères musulmans est née en 1928 pour rétablir la dignité musulmane et réinstaller le Califat. Des enfants sont morts dans un attentat terroriste de la Confrérie, dans un cinéma du Caire, dans les années 40 ! Amin Maalouf n’en parle pas, et il parle très peu de l’islam ou de l’islamisme. Dans son ouvrage, à certains moments, on se croirait presque au Quai d’Orsay… ! Chut !

La conjonction de la disparition du Califat, la découverte du pétrole arabo-musulman et les besoins occidentaux d’énergie après guerre a créé l’Arabie saoudite et les Emirats dans la péninsule arabique, avec des centaines de milliards $ pour une très faible population de nomades, plus ou moins sédentarisés. A quoi vont servir ces milliards de dollars ? A essayer de retrouver le califat perdu, à la Mecque plutôt qu’à Istamboul. Mais pour cela, il faut rééduquer les populations à la nouvelle foi salafiste ou wahabite, d’où la construction à travers le monde de milliers de mosquées, d’écoles coraniques ou « madrassa », d’Ong de bienfaisance en façade et politiques en profondeur. On y  apprend entre autres à haïr le mécréant, chrétien ou juif. Le manche a été passé, au début de ce siècle, de l’Arabie au Qatar, petit émirat extrêmement riche, avec une population autochtone de 200 000 habitants, qui achète à tout va des biens de propagande dans tout l’Occident et notamment en France ! Mr Maalouf n’en dit pas un mot…. Chut !... Bien que lui-même chrétien, il est très discret sur la disparition des chrétiens au Moyen Orient qui sont passés de 20% de la population après la 2ème guerre mondiale à moins de 5%...(2)

Et de se lamenter sur les conséquences de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis, de partis populistes en Europe, des changements climatiques, des bombes sales, de l’arrivée des robots qui remplacent les hommes au travail, de la puissance néfaste des moyens d’information (internet, réseaux sociaux, publicité envahissante, …) et de surveillance des individus (là ok, il a tout à fait raison), de l’intelligence artificielle, de la montée de la Chine, et … surtout de ce bateau mondial sans commandant qui va à la dérive… et qui risque de faire naufrage.

Je vous avoue que je préfère 200 embarcations essayant de s’en sortir plutôt que ce gros navire qui risque de se perdre dans l’océan ou de heurter un iceberg. Mais Mr Maalouf préfère une grosse Europe et un seul commandant pour mettre de l’ordre entre les nations….

Mr Maalouf a raison quand il dit que nous sommes face à de nombreuses incertitudes et de calamités potentielles. Mais l’univers a toujours fait face à l’inconnu et aux risques de tempête ; aujourd’hui, on semble un peu mieux armé sur le plan des connaissances, mais on reste toujours à la merci d’une résurgence d’un dirigeant autocratique, d’un régime autoritaire ou d’une doctrine suicidaire. Faut-il un seul commandant pour en venir à bout ? Pas nécessairement. Simplement des alliances recherchant, sans subterfuge, la vérité et la voie de l’équilibre et du milieu, en appelant le danger ou l’ennemi par son nom, sans en avoir peur.

Notes

(1) « Le naufrage des civilisations » d’Amin Maalouf, Ed Grasset et Fasquelle - Lauréat le 5/6/19 du Prix « Aujourd'hui » qui récompense un ouvrage politique ou historique (mémoire, étude, biographie, essai) portant sur la période contemporaine (dotation 45 000 €) - Sélectionné devant « Réflexions sur la question antisémite », de Mme le rabbin Delphine Horvilleur, Ed Grasset et Fasquelle

(2) La création d’une entité juive est venue compliquer les velléités de Califat au Moyen Orient. De tout temps, il fallait se débarrasser des Juifs, d’où une série de guerres, de pogroms et d’attentats contre les Juifs qui ont repris de plus belle dès la disparition du Califat. Voir www.nuitdorient.com/n7.htm - www.nuitdorient.com/n741.htm - www.nuitdorient.com/n750.htm & www.nuitdorient.com/n18.htm

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