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LES FEUX DE LA RÉVOLUTION

Pourquoi l'Iran est-il si dur envers Israël ?

 

Par Karim Sadjadpour, analyste du Groupe International d'étude des Crises &

Ray Takeyh, membre du Conseil des Relations Internationales (Etats-Unis)

Paru au Boston Globe et le 25/12/05 au New York Herald Tribune

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com

 

L'attitude politique belliqueuse de l'Iran vis à vis d'Israël apparaît parmi les sujets les plus énigmatiques dans les relations internationales. Alors que la plupart des gouvernements arabes, y compris celui de l'Autorité Palestinienne, sont parvenus à reconnaître l'existence de l'état d'Israël comme un fait incontournable, l'Iran qui n'est pas arabe continue à demander la disparition de l'état Juif. Au cours des dernières semaines le nouveau président élu Mahmoud Ahamadinejad a traité Israël de "tumeur" devant être enrayée de la carte du monde, tout en affirmant que l'Holocauste était un "mythe". Malgré un tollé international le critiquant, le président Iranien continue sans remords "les réactions occidentales ne sont pas recevables…mes propos émanent du peuple Iranien lui-même…". En réalité cependant, le seul pays où ses propos n'on eu aucun écho est bien l'Iran !

On pourrait avancer diverses explications aux raisons qui ont prévalu pour se jeter dans cette rhétorique enflammée au moment des négociations sur les questions nucléaires.

Depuis son élection surprise en Juin dernier, on assiste à de subtiles tentatives des anciens de la révolution pour limiter les pouvoirs d'Ahmadinejad. On voit même le Guide Suprême Ali Khamenei accorder à son rival Ali Akbar Hashemi Rafsanjani un rôle élargi dans la politique du pays. Et contrairement aux avis des plus durs partisans du nouveau président, l'Iran a décidé de reprendre ses négociations nucléaires avec l'Europe. Ainsi en provoquant une crise, Ahmadinejad rechercherait non seulement à faire échouer ces négociations, mais aussi à reprendre le contrôle des rouages de l'état qu'il avait perdu ces derniers mois.

On a assisté dans le passé à des factions iraniennes provoquant à plusieurs reprises des crises extérieures pour faire avancer un agenda de politique intérieure. La crise des otages de 1979 n'était pas seulement un coup contre les Etats-Unis, mais une tentative de l'ayatollah Khomeini de radicaliser la population et d'implanter fermement la loi islamique dans le pays. Au delà de ces considérations de politique intérieure, Ahmadinejad et les durs de sa suite ont déploré depuis longtemps la perte de la ferveur révolutionnaire du début et l'abandon du panislamisme visionnaire de Khomeini. Rappelons qu'un des slogans d'Ahmadinejad lors de sa campagne électorale était "de revenir aux racines de la Révolution" et de rajeunir ses grandioses ambitions.

En poussant à l'extrême une attitude dogmatique à l'égard d'Israël, le président iranien a trouvé un moyen de rallumer les feux longtemps éteints de la Révolution et de reconquérir la place de l'Iran à la tête de l'Islam Radical.

Quels que soient les calculs, tout au long de ces trois décennies où ce régime islamique dit "révolutionnaire" a appelé à "la libération de Jérusalem", l'Iran n'a jamais compris une réalité essentielle : il n'y a aucune raison objective à ce que le conflit israélo-palestinien soit une préoccupation primordiale pour le citoyen iranien. Il n'y a pas de conflit territorial entre les 2 pays, ni de problème de réfugiés. Les problèmes iraniens viendraient plutôt des pays arabes, alors que vis à vis de la nation juive il y a une longue histoire de tolérance à son égard. Et la communauté juive d'Iran est la plus importante aujourd'hui au Moyen Orient, en dehors d'Israël.

Affligée d'une économie délabrée, d'une inflation supérieure à 10%, d'un chômage record, la jeunesse iranienne est consciente de la démesure idéologique de la génération de ses parents, mélange incohérent d'anti-impérialisme, anti-sionisme, islamisme, marxisme…qui n'a apporté que des déboires sur le plan international et peu de résultats sur le plan économique. Un des slogans les plus populaires lors des protestations d'étudiants de 2003 était "oubliez la Palestine et pensez à nous!".

La majeure parie des élites politiques est arrivée à la conclusion que la rhétorique anti-israélienne du régime est auto-destructrice. Un ex-révolutionnaire devenu réformiste Ali Reza Alavi-Tabar nous avait dit il y a quelques mois "nous devons nous réinventer, et, au lieu de chanter "mort à Israël", on devrait plutôt dire "vive la Palestine!" On ne peut pas être plus Palestinien que les Palestiniens eux-mêmes"…..

De plus en plus isolé à l'étranger et menacé à l'intérieur, Ahmadinejad serait mieux inspiré de se rappeler que son mandat électoral n'était pas de lutter contre Israël, mais de redresser une mauvaise situation économique, car beaucoup d'Iraniens sont au bord de la pauvreté. En faisant des déclarations fracassantes qui ne font qu'isoler l'Iran, le président va pousser ces citoyens dans la pauvreté.

Par leurs appels incessants pour la démocratie et la justice en Terre Sainte, les dirigeants iraniens font le mauvais diagnostic que l'Iranien de la rue veut plus pour les Palestiniens que pour lui-même.

 

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