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MALAISE ET MALAISES

 

Par Albert Soued, www.chez.com/soued/conf.htm , pour www.nuitdorient.com

le 28 mars 2006.

 

Le conflit israélo-palestinien approche de sa 60ème année et on n'en voit pas la fin.

Le malaise islamique entre, lui, dans son sixième siècle et on peut se demander aujourd'hui si le premier n'est pas la conséquence du second.

En effet le refus répété des pays arabes d'accepter en leur sein le rétablissement d'un état juif, qui existait 20 siècles auparavant, et qui occupe moins de 0,5% de leur territoire est le signe d'un malaise général. En effet, là où on attendait l'hospitalité et la magnanimité "légendaires", on rencontre mesquinerie et déception, arborant tous les prétextes imaginables.

Ce malaise arabo-islamique est provoqué par le déclin continu de l'influence de l'Islam, la perte du califat en 1923 et surtout l'incapacité des gouvernants à assurer un niveau de vie décent à la majeure partie de leur population. D'après un rapport récent de l'Onu, la plupart des pays arabo-islamiques se situent dans le peloton de queue des revenus par habitant, malgré des revenus pétroliers conséquents.

 

Pour rattraper le temps perdu, pour relever le défi de la modernité occidentale ou pour sauver l'honneur de l'Islam, certains ont choisi des raccourcis peu conventionnels.

Depuis quelques années, on assiste à un terrorisme islamique destiné à frapper les esprits et à recruter des adeptes, afin de poursuivre la terreur et d'étendre les zones visées. Un terrorisme tout azimut, sans revendication précise, en dehors du désir de revenir à l'Islam des origines, celui des premiers califes.

Dans le cadre de cette stratégie délirante et désespérée, d'aucuns ont perfectionné et porté à un raffinement extrême l'attentat-suicide qui permet de tuer au hasard en moyenne une douzaine de personnes, en plus du "martyr", d'en mutiler presque autant et d'en blesser quelques dizaines. Et ce ne sont pas des ignares qui se suicident, car ceux-là ont au moins l'instinct de conservation, mais des élites "mal dans leur peau", conséquence du grand malaise islamique. Voilà ce qu'en dit un poète libanais réputé Adonis: "Quand j'observe les Arabes, avec toutes leurs ressources et leurs capacités, et que je compare ce qu'ils ont réussi au siècle dernier avec les résultats obtenus par les autres, je peux affirmer que nous autres Arabes, nous sommes en voie d'extinction, dans le sens où nous n'avons rien créé de nouveau dans ce monde. Nous avons les masses et la quantité, mais nous nous éteignons sûrement, car nous ne sommes plus créatifs et nous n'avons plus la capacité de changer le monde…Regardez les grands Sumériens, les grands Grecs, les grands Pharaons, ils se sont tous éteints….Regardez aujourd'hui les Musulmans, avec leur interprétation du Coran, ce sont les premiers à détruire l'Islam, alors que ceux qui les critiquent, les "Infidèles", ce sont eux qui perçoivent dans l'Islam la vitalité qui lui permettra de s'adapter à la vie d'aujourd'hui". (1)

Un autre raccourci est la menace et le chantage. C'est la voie choisie par la République Islamique d'Iran, en cherchant coûte que coûte à acquérir l'arme nucléaire, afin de menacer avec ses fusées Shihab3, aussi bien ses voisins que l'Europe, assurant ainsi une hégémonie de pacotille, et du même coup, damant le pion à un rival héréditaire, l'Islam sunnite, qui, lui, a déjà la bombe pakistanaise.

 

Jusqu'à récemment, la politique de l'arbitre américain était de maintenir simplement "une tension contrôlable" dans la région et de laisser les choses évoluer dans des limites bien définies, c'est à dire "faîtes ce que vous voulez chez vous, mais business as usual". On laissait donc faire les dictatures à condition qu'elles ne portent pas atteinte aux intérêts bien compris du business international. Et les Américains n'ont jamais cherché vraiment à résoudre le conflit israélo-palestinien, car il leur servait de levier pour créer ou étouffer la "tension contrôlable" dans la région. Et cela jusqu'à l'affront du onze septembre 2001.

Et voilà le re-né ou "born again" G W Bush parti nettoyer le Moyen Orient de ses entraves au développement, avec certes de bonnes intentions. D'où la double stratégie de lutte contre le terrorisme et contre les velléités nucléaires iraniennes d'une part et d'installation progressive de la démocratie dans la région d'autre part, en plus de la volonté expresse de résoudre le conflit israélo-palestinien. Vaste projet qui se décline sur des décennies. L'Amérique vient de changer de politique au Moyen Orient.

 

Les désordres engendrés lors des 4 premières années d'application de cette politique sont très normaux, quand on pense que les résultats ne peuvent apparaître que dans la durée.

Escarmouches classiques et attendues entre clans en Afghanistan après que les Américains aient donné un coup dans la fourmilière, terreur interethnique en Irak où après ½ siècle de pouvoir usurpé, il est normal que les sunnites se rebiffent devant les remises à l'heure. Progression normale des islamistes lors d'élections démocratiques, puisque dans les dictatures, la mosquée est le seul contre-pouvoir autorisé.

 

Et conséquence inattendue, Israël a enfin trouvé avec le parti Kadimah la voie du milieu, entre rigueur et miséricorde, comme dit la qabalah. Mais la centralité n'est qu'une étape fugace qui permet de régler certains problèmes, mais qui ne peut durer, les deux problèmes urgents étant d'abord la pauvreté et les inégalités flagrantes entre nantis et démunis, ensuite l'attitude à prendre face au changement de politique américaine. Sharon a su sans doute s'adapter. On peut espérer que Ehoud Olmert saura continuer, à condition de bien exhiber la force et les atouts d'Israël, car comme dit justement Caroline Glick "les démonstrations de faiblesse internationale, politique, militaire et culturelle ouvrent la voie à des exigences toujours croissantes et des manifestations d'animosité".(2)

Olmert s'est donné comme tâche de poursuivre la définition des frontières définitives du pays, commencée par Sharon, en négociant avec les Américains. Si la frontière orientale du pays doit être le Jourdain, point n'est besoin de dépeupler cette frontière. Bien au contraire, il faudrait la renforcer économiquement, afin qu'elle ne soit pas une simple frontière militaire, ce qui serait insensé. Par ailleurs, il ne faut pas préjuger d'un changement de régime dans les pays voisins qui peuvent devenir islamistes ou même palestiniens.

 

Les objectifs des Américains au Moyen Orient et ceux d'Israël pour la sauvegarde intérieure et extérieure du pays sont tellement ambitieux qu'ils ont provoqué au sein de leur propre population un mélange d'incrédulité, de malaise et de crainte. Ceci expliquerait la baisse de popularité de G W Bush aux Etats-Unis et la désaffection d'une partie de la population israélienne vis à vis d'un scrutin important. Devant cette révolution en marche au Moyen Orient, les risques de conflit restent importants. Initiée par G W Bush, cette révolution est favorable à l'avenir de l'Islam, comme le dit si bien le poète Adonis. Pour éviter que les conflits ne prennent une dimension apocalyptique, il est urgent que les Musulmans prennent conscience de l'origine de leur malaise, qu'ils regardent vers l'avant, en s'inspirant de la tradition du passé, mais sans vouloir revenir à des temps révolus. Il est grand temps que l'Islam se réforme en profondeur, s'il veut survivre aux défis qui l'attendent.

 

Alors il pourra revenir à des sentiments normaux vis à vis de son parent Israël, comme le disait si bien le fils du Shérif de la Mecque, l'émir Fayçal dans une lettre à Félix Frankfurter, membre de la délégation sioniste signataire de l'accord arabo-sioniste d'Amman en juin 1918 (3): "Je voudrais redire ce que j'ai dit souvent en Palestine et en Europe. Nous sommes convaincus que les Arabes et les Juifs sont des parents proches, ayant subi tous deux des persécutions de la part de forces supérieures aux leurs. Mais par une coïncidence heureuse, ils ont été à même de faire ensemble le premier pas vers la réalisation de leurs idéaux nationaux…. Nous tenons à adresser aux Juifs nos vœux cordiaux de bienvenue à l'occasion de leur retour dans leur patrie… Nous travaillons ensemble pour faire reconstruire et faire revivre le Proche Orient et nos deux mouvements se complètent. Le mouvement juif est national et non impérialiste et notre mouvement également est national et non impérialiste. Il y a en Palestine assez de place pour les deux peuples (4). Je crois que chacun des deux peuples a besoin du soutien de l'autre, pour arriver à un véritable succès…"

 

Notes

(1) Memri du 22/3/06 - N°1121

(2) Jewish World Review du 24/3/06

(3) Le Monde du 28/9/78 – article de P Giniewski, le précédent de 1919

(4) La Palestine de l'époque incluait la Jordanie et une partie de l'Irak.

 

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