www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

INTERVIEW DE SILVAN SHALOM PAR LE "PAKISTAN POST"

 

Rapportée par le Jerusalem Post du 7 Septembre 2005

Traduit par Albert Soued écrivain, www.chez.com/soued

 

Le premier ministre adjoint et ministre des Affaires Etrangères, Silvan Shalom a révélé hier que des contacts formels et discrets entre le Pakistan et Israël existent depuis 15 ans déjà.

Dans cette 1ère interview d'un ministre Israélien par un journal Pakistanais, Shalom a bien précisé au Pakistan Post qu'Israël ne considérait pas le Pakistan comme un état terroriste et que l'entretien qu'il avait eu en Turquie avec son homologue Pakistanais n'était pas provoqué par une quelconque pression américaine.

Voici le compte rendu complet de l'interview téléphonique.

 

Pakistan Post (PP): quelle est la position d'Israël en ce qui concerne le Cachemire, eu égard aux résolutions de l'ONU et d'autres engagements internationaux?

Sivan Shalom (SS): Israël a soutenu l'accord de Simla entre le Pakistan et l'Inde depuis 1972 et la solution de tous les problèmes entre ces 2 pays par la voie pacifique. le rapprochement entre ces deux pays depuis ces dernières années est considéré comme le bienvenu et nous espérons qu'ils parviendront à un règlement définitif bientôt.

PP: le président Mousharaf a clairement déclaré que des relations diplomatiques formelles avec Israël étaient exclues avant toute création d'un état palestinien. Que pensez-vous du temps que cela prendra?

SS: Israël a fait un pas en avant courageux et hardi, montrant son engagement pour obtenir un accord définitif avec les Palestiniens et sa volonté de faire des concessions dures et douloureuses. Le retrait total de tous les civils et militaires de la bande de Gaza et l'évacuation de 4 implantations en Cisjordanie donne aux dirigeants Palestiniens une occasion unique. La balle est aujourd'hui dans leur camp. La question est de savoir comment ils vont utiliser cette opportunité. Israël souhaiterait revenir à la "feuille de route" et négocier un accord définitif avec ses voisins. Cela fait 10 ans que nous essayons de négocier une paix. Et la feuille de route précise bien que dans une première phase, l'infrastructure du terrorisme doit être démantelée. Les dirigeants Palestiniens doivent enlever l'avenir du processus de paix des mains des terroristes et conduire leur peuple à une étape nouvelle de reconstruction et de développement.

PP: l'impression qu'on a à travers les médias Israéliens est que tous les Musulmans sont des terroristes. Un journal israélien a même dit que tous les Musulmans étaient des serpents. Quel est votre point de vue?

SS: Israël est le berceau des 3 religions monothéistes du monde et le peuple Israélien est composé d'individus appartenant à chacune de ces religions, Islam, Chrétienté et Judaïsme. En fait plus d'un million de citoyens Israéliens sont Arabes et comprennent des Musulmans, des Druzes et des Chrétiens. Des Musulmans sont des députés à la Knesset et l'arabe est une langue officielle de l'Etat d'Israël. Sur le plan de l'Histoire, les Musulmans et les Juifs ont vécu côte à côte en paix et en de beaucoup d'endroits en Israël ils continuent à le faire. L'extrémisme qui déforme l'Islam et l'utilise pour justifier la violence ne représente pas tous les Musulmans. Israël n'a pas de querelle avec le monde Musulman et cherche à établir un dialogue avec des pays musulmans comme le Pakistan. J'espère que la prochaine fois que vous m'interviewez ce ne sera pas au téléphone, mais plutôt ici à Jérusalem.

PP: en Islam le mariage avec des Juifs est permis, mais il manque la confiance mutuelle entre Israël et le monde Musulman (1). Pensez-vous que la question de la Palestine soit la seule raison, ou y en a-t-il d'autres?

SS: comme je viens de le dire, Israël n'est pas en conflit avec le mode Musulman. Et je voudrais rappeler à vos lecteurs que 5 premiers ministres Israéliens successifs ont essayé de négocier un accord de paix avec les Palestiniens. Israël s'est engagé à obtenir un accord définitif et l'a récemment démontré par le retrait historique de la bande gaza dans sa totalité et de 4 implantations en Cisjordanie. Ce dont nous avons besoin maintenant est un partenaire qui veut démanteler l'infrastructure de la terreur et qui est prêt à construire un pays. J'espère qu'Abou Mazen démontrera qu'il est ce partenaire. Malheureusement la plupart des pays Musulmans ne tiennent pas compte dans leurs médias des pas positifs que nous avons faits. Les reportages violemment antisémites et anti-israéliens sont si malencontreux qu'ils obstruent la voie du dialogue et de la coopération. Il est regrettable que les dirigeants de certains pays musulmans aient plus que leur peuple la volonté d'aller vers la reconnaissance de l'état d'Israël.

PP: d'après vous qui est responsable des attaques terroristes des 11/9 et 7/7? Approuvez-vous la politique du Pakistan à l'égard de la terreur?

SS: la destruction du réseau du terrorisme global n'a pas de limites territoriales et l'objectif du terroriste n'est pas seulement de tuer mais de détruire un mode de vie. Le terrorisme frappe la démocratie et s'oppose à la liberté, au progrès, au développement et aux droits de l'homme. Il appartient à l'ensemble de la communauté internationale de s'assurer que les forces de la stabilité triomphent sur le chaos et la dévastation et de rester unie contre tous ceux qui utilisent la violence comme moyen politique. Depuis le 11/9, le programme des nations a évolué pour contrer cette nouvelle menace. Sous la houlette du Président Mousharaf, le Pakistan a été amené à lutter contre la terreur à l'extérieur et ses militants à l'intérieur. Israël se félicite de cette attitude et pense que toute la communauté internationale devrait rester vigilante dans sa lutte contre l'extrémisme et doit continuer à soutenir les forces de la stabilité et de la modération.

PP: avec votre dernier entretien avec notre ministre des Affaires étrangères avez-vous convenu de mesures pour établir une mutuelle confiance (CBM: confidence building measures)? Et ces mesures peuvent-elles aider d'une certaine façon?

SS: lors de mon entretien avec Mr Kassouri nous avons discuté de plusieurs questions dont les moyens d'élargir notre dialogue. L'entretien a été très constructif et votre ministre m'a laissé une impression positive. J'espère que cette rencontre d'Istamboul est la première d'une série qui nous mènera vers l'établissement de relations diplomatiques.

PP: comment le peuple Israélien perçoit-il le Pakistan? Le perçoit-t-il comme une menace ou un Etat qui soutient le terrorisme?

SS: le peuple israélien ne voit pas le Pakistan comme un état terroriste, mais malheureusement, la perception de votre pays par le public est vague, du fait que nos deux peuples n'ont pas de contact entre eux. Je suis sûr que les points communs à nos deux nations pourraient paver la voie pour un respect et une compréhension mutuels et même pour une coopération dans de nombreux domaines. Nous avons beaucoup de choses en commun, ne serait-ce que nous avons vécu sous occupation britannique, et que nos deux nations ont été créées par une vision d'une identité nationale religieuse (2).

PP: certains disent qu'Israël se tient à part dans le concert des nations, isolé et controversé. Est-ce que c'est l'échec de politique étrangère d'Israël?

SS: Israël bénéficie d'un très large soutien dans le monde et a des alliés très proches et des amis partout. Quand j'ai pris mes fonctions de ministre des affaires étrangères, j'ai annoncé que les 2 piliers de mon programme politique étaient le renforcement des relations avec l'Europe et le monde arabe et je crois que nous avons réussi sur ces deux fronts. En diplomatie, les résultats ne sont jamais immédiats, mais plutôt le fruit d'un processus long et laborieux. Je suis sûr que la plupart des pays du monde savent aujourd'hui qu'Israël veut vraiment la paix avec ses voisins et qu'il est prêt à faire des concessions douloureuses pour assurer à toute la région un avenir meilleur.

PP: pouvez-vous nous dire quand les contacts directs ou indirects entre le Pakistan et Israël ont commencé et à quel niveau?

SS: je confirme et reconnaît que des contacts directs ont commencé il y a longtemps. Depuis longtemps nous essayons de faire des progrès en vue d'une rencontre publique mais cela a pris beaucoup de temps. Je suis cependant heureux que cela se soit produit au bon moment. Pour nous, le Pakistan est un pays très important, le 2ème plus grand pays musulman. J'espère que très bientôt que ces relations vont se développer. En ce qui concerne le passé, je confirme que les contacts ont été plutôt directs, mais avec "un profil bas". En tant que ministre, je peux dire que cela a commencé il y a dix ou quinze ans. Lors de ce mandat dans les affaires étrangères d'un plus d'un an déjà, il y eut de nombreux contacts directs entre Israël et le Pakistan, mais toujours "avec un profil bas".

PP: certains pensent que les Etats-Unis sont la force motrice de ces contacts. Quel est leur rôle dans ces entretiens?

SS: non, je puis vous assurer que cet entretien a été une surprise pour eux. Je peux vous dire que Condoleeza Rice, Secrétaire d'Etat m'a appelé après l'entretien et m'a félicité, en me disant que c'était une bonne surprise. En tout cas les Etats-Unis soutiennent ces relations cordiales et ces contacts directs leur conviennent.

PP: selon la feuille de route, Israël devrait évacuer toutes les implantations de Cisjordanie. Prévoyez-vous d'aller de l'avant malgré les difficultés rencontrées par votre gouvernement à Gaza? Certains disent que du fait que cela sera encore plus dur en Cisjordanie, Israël n'envisagerait pas de s'en retirer.

SS: Israël envisage sérieusement la feuille de route, mais celle-ci comporte plusieurs étapes. Et nous avons besoin d'aller d'étape en étape. La première é té l'évacuation de Gaza, maintenant c'est au tour des Palestiniens de démanteler le réseau terroriste et son infrastructure. S'ils le font cela sera plus facile d'aborder l'étape suivante. Il est clair pour nous qu'Israël attend une réponse des Palestiniens sur ce sujet. Si les attentats-suicide continuent, il n'y aura aucun progrès. Seule la paix peut encourager le peuple d'Israël à aller de l'avant dans la voie de la "feuille de route". Si des missiles sont tirés sur nos villes comment pouvons-nous parler de paix et de suivre la feuille de route?

PP: on pense qu'Israël possède plus de 200 têtes nucléaires. Quel est votre avis?

SS: je veux être clair; Israël ne sera jamais le premier à introduire des armes nucléaires dans la région. Ce n'est pas notre affaire. Israël ne sera jamais le premier à introduire des armes non conventionnelles dans la région.

PP: comment voyez-vous les futures relations entre nos deux pays?

SS: pendant longtemps le Pakistan n'a pas été un pays ami, mais cela est en train de changer. Comme je l'ai dit nous avons beaucoup de choses en commun. Nos deux états sont religieux, nous un état juif et vous un état musulman. Nous pourrions être un modèle pour d'autres nations dans le monde, comment deux états religieux peuvent être amis, sans avoir la même religion. Et cela aidera à la paix dans le monde. Cela aidera les peuples à comprendre qu'il n'y a pas de conflit entre Juifs et Musulmans. Et à ce moment notre contribution sera positive pour la paix mondiale.

PP: quel message voulez-vous adresse au peuple du Pakistan?

SS: je voudrais dire à la nation Pakistanaise qu'il n'y a aucun conflit entre le Pakistan et Israël. Pas de dispute territoriale ni économique. Israël cherche à avoir de bonnes relations avec le monde Musulman. Israël a toujours été à l'aise avec les Musulmans. Moi-même je suis né dans un pays musulman, la Tunisie. Ma famille et moi-même nous étions très à l'aise dans nos relations avec nos voisins Musulmans. Le Pakistan et Israël peuvent travailler ensemble pour le bien de leur peuple et pour améliorer leur niveau de vie. En ce qui concerne la Palestine, le peuple Pakistanais doit garder à l'esprit que des pays comme l'Egypte, la Jordanie et la Turquie peuvent rendre un plus grand service aux Palestiniens, car ils ont de bonnes relations avec Israël. Le Pakistan peut jouer un rôle positif dans la solution de la question de la Palestine, s'il a de bonnes relations avec les deux parties, la Palestine et Israël.

 

Notes de la traduction

(1) ces mariages ne sont en fait possible que si le conjoint Juif se convertit à l'Islam; c'est le cas le plus courant.

(2) il faut se rappeler qu'un Juif allemand converti à l'Islam a contribué à la création du Pakistan après la 2ème guerre mondiale et il a été le 1er ambassadeur du Pakistan à l'Onu.

 

© www.nuitdorient.com par le groupe boaz,copyright autorisé sous réserve de mention du site