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UNE PROPOSITION MODESTE

 

Par Ménahem Froman, rabbin de l'implantation de Tékoah' - 

Paru au Jerusalem Post du 25 octobre 1999 -

Traduit par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued/conf.htm

 

Faîtes que Jérusalem soit digne de son nom, une ville de la paix, un centre du monde!

L'année qui vient, toute l'attention du monde sera concentrée sur Jérusalem, pour des raisons à la fois religieuses et politiques. L'approche du 3ème millénaire va attirer beaucoup de pèlerins et l'avancée dans le processus de paix va placer la ville au centre de l'agenda des négociations israélo-palestiniennes. De même le développement des relations avec des pays tels que la Jordanie ou le Maroc entraînera l'examen du sort de Jérusalem. Quand les négociations commenceront, devrons-nous, nous aussi, être les complices de la réduction du statut de Jérusalem à un simple marchandage? Après tout, il y a un consensus dans la population israélienne; quand on vient à parler de la capitale unifiée et éternelle d'Israël, "il n'y a rien à négocier!"

C'est peut-être une approche peu judicieuse; car le meilleur moyen d'éviter un malheur qui menace, ce n'est pas de se retrancher et de construire des barricades, mais de se mettre en mouvement vers un avenir qui corresponde à notre propre vision. Avant que les autres ne viennent avec leurs revendications et leurs exigences vis à vis de la ville, c'est peut-être nous qui devrions prendre les devants pour replacer le contentieux sur Jérusalem sur de nouveaux fondements et en faveur de l'avenir.

 

Pour donner une idée de celui-ci, nous devrions nous pencher par exemple sur la vision du prophète Isaïe concernant Jérusalem à la fin des jours. Isaïe 2/3-4: "…car c'est de Sion que sort la doctrine et de Jérusalem la parole de l'Eternel. Il sera un arbitre entre les nations et le précepteur de peuples nombreux; ceux-ci de leurs glaives forgeront des socs de charrue et de leurs lances des serpettes; un peuple ne tirera plus l'épée contre un autre peuple, et on n'apprendra plus l'art des combats"

Pourquoi ne pas concrétiser cette vision en faisant de Jérusalem un lieu digne de son nom, une ville de la paix? Au lieu de favoriser le statu quo, prônant que Jérusalem est la capitale exclusive d'Israël, attitude défensive et finalement risquée, ne serait-il pas plus sage de lancer une offensive dans le but de transformer Jérusalem en une capitale du monde? Cela est sûrement le moyen de montrer un plus grand respect pour notre cité et de la couvrir d'un plus grand amour. La clé pour cette solution nécessite d'élever Jérusalem au dessus de l'arène des jeux pour le pouvoir et des controverses sur les symboles et les outils de la souveraineté. Les guerres pour le contrôle de territoires sont usuelles dans notre univers. Mais les victoires de la guerre de l'Indépendance et de celle des Six Jours nous ont donné une puissance et une opportunité unique, déclarer un lieu sur terre, la vieille ville de Jérusalem, comme lieu extra-territorial.

La Tradition Juive contient de nombreuses expressions illustrant l'idée que Jérusalem n'est pas confinée dans des limites de territoire. Par exemple, le midrash (enseignement des maîtres) cite ce lieu comme celui où Jacob a fait son rêve de l'échelle qui relie la terre au ciel. De même la guémara (commentaires du Talmud) nous dit dans Baba Batra 75 que Jérusalem est nommée selon D. et elle est la place où la commémoration du nom divin – son essence et son dessein – doit être exprimée à travers l'histoire.

Si le but du sionisme est de transformer en réalité sur terre de sublimes visions de notre héritage (spirituel), la réalisation de la vision d'Isaïe ici dans cette cité, ne serait-elle pas un véritable accomplissement? Notre objectif ne devrait-il pas être celui d'attirer vers ce lieu les institutions les plus spirituelles et les plus humanistes? Ne serait-il pas adéquat que le siège de l'Onu (1), que des organisations culturelles ou liées aux droits de l'homme, que des forums de réflexion et d'étude soient installés à Jérusalem? Jérusalem ne devrait-elle pas être le lieu vers lequel convergent toutes les religions qui renonceraient à alimenter les préjugés, l'hostilité et la guerre et oeuvreraient à modeler la paix dans ce monde? Nous ne faisons pas honneur à la cité si nous insistons qu'elle soit comme Belgrade par rapport à la Yougoslavie. Jérusalem mérite mieux: la manifestation de notre vouloir de nous élever au-dessus de l'étroitesse du nationalisme.

 

Cette vision n'est pas utopique et simplement liée à une eschatologie de la Fin des Jours. Il y a d'ores et déjà des rencontres et des discussions entre des Juifs, des Musulmans et des Chrétiens, dans le but de faire de Jérusalem une capitale de paix. Ils sont attirés les uns vers les autres par l'espoir de transformer un problème insoluble, car personne ne veut céder –dans une négociation on cède quelque chose contre quelque chose – en une situation où tout le monde est gagnant.

De plus cette idée ne contredit pas la notion que Jérusalem puisse être la capitale d'états voisins. Le siège du gouvernement israélien à Givaa't Ram et celui du futur gouverne-ment palestinien à Abou Dis sont à égale distance et suffisamment voisins de la Vieille ville de Jérusalem pour qu'ils puissent jouir du halo de ce centre de la paix.

 

Pour tout premier ministre israélien, cette proposition signifie qu'il pourrait élever la ville du statut de capitale d'un petit pays du Moyen Orient à celui d'une capitale mondiale. Pour tout responsable palestinien cela signifie qu'il sorte son peuple de son exil et de son provincialisme et qu'il acquiert un statut respecté de nation. J'ai déjà eu deux entretiens avec le président Arafat sur ce sujet, et il m'a assuré que c'était une excellente idée, répétant sans cesse "Jérusalem, capitale mondiale!…"

Dans ce schéma, Jérusalem pourrait avoir le rôle important de pont entre l'Occident et l'Orient et aider à dissiper les tensions qui se développent au Moyen Orient. Les Etats-Unis et l'Europe pourraient contribuer d'une manière significative dans ce domaine. Le pape n'a cessé de répéter son désir d'avoir un début de millénaire marqué par la fin du conflit qui oppose les trois monothéismes et il voudra sûrement donner ce sens lors de son prochain pèlerinage à Jérusalem. Les autres obédiences chrétiennes accepteront sans difficulté ce schéma.

 

Ce projet de transformer Jérusalem en capitale de la paix du monde devrait trouver des échos dans les échelons les plus élevés à Jérusalem, gaza, Washington, Bruxelles, Rome et ailleurs. Nous devons œuvrer pour que l'avenir de cette ville soit construit sur l'esprit de "Yérou shalom" ou héritage de la paix.

 

(1) Note du traducteur: cette vision est généreuse, mais aujourd'hui l'Onu est devenu un organisme partisan, au bord de l'éclatement semble-t-il.

 

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