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SHARON S'ÉGARE SUR LA QUESTION DES ‘'IMPLANTATIONS’’ ISRAÉLIENNES

Par Daniel Pipes, journaliste et écrivain, membre de l'Institut Américain de la Paix, spécialiste du Moyen Orient

Paru dans le New York Sun le 10 février 2004 – Traduit par Guy Millière, écrivain et professeur d'université

 

Le premier ministre d’Israël Ariel Sharon a rompu avec des positions qu’il a défendues pendant des décennies en annonçant son intention d’évacuer toutes les localités israéliennes de Gaza, et d’autres en Cisjordanie. Ce tournant soulève une question fondamentale : quelle est exactement la place de ces "implantations" sur l’échiquier des relations palestino israéliennes ?

(Je mets le mot ’’implantation’’ entre guillemets parce que le dictionnaire le définit comme "petite communauté" ou l’établissement des personnes "dans une nouvelle région." Cette définition correspond mal aux localités juives en question, dont beaucoup sont fortes de dizaines de milliers de résidents et existent depuis plusieurs décennies.)

 

Quelques analystes considèrent que les Juifs qui habitent en Cisjordanie et à Gaza sont l'un des principaux obstacles à une solution du conflit israélo-palestinien. On peut donner pour exemple :

- Thomas Friedman, du New York Times: "Israël doit quitter la Cisjordanie et la bande de Gaza aussitôt que possible et évacuer la plupart des implantations. Je l'ai longtemps préconisé, mais c'est maintenant une nécessité pressante. Autrement, l'État juif sera en péril. Dans le meilleur des cas, ce retrait devrait être négocié sur les bases du plan de Clinton. Sinon, il devrait intervenir de façon unilatérale. Cela doit se faire sans délai, et les États-unis devraient l’imposer."

- Jean AbiNader, de l’Institut Américaino Arabe : "les implantations sont l'obstacle politique principal" à une solution.

- Dennis Kucinich, candidat démocrate à la Présidence : "les implantations israéliens sont un obstacle significatif à une paix viable entre Israël et les Palestiniens."

 

Je suis en désaccord avec cet argument pour deux raisons principales. Cela présuppose en premier que les Arabes palestiniens ne recherchent que le contrôle de la Cisjordanie et de Gaza, alors qu’une évidence accablante montre qu’ils veulent aller plus loin, jusqu’au contrôle d’Israël lui-même. De ce point de vue le retrait des israéliens des territoires ne résout rien.

Il est même probablement nuisible. Imaginons que les Israéliens soient extirpés des territoires et que les forces de Défense d'Israël soient ramenées sur les frontières de 1967 : qu’est-ce qui se passe alors ? Messieurs Friedman, AbiNader, et Kucinich supposent que les Arabes palestiniens seraient reconnaissants, qu’ils témoigneront de leur gratitude à Israël en s’occupant de leurs potagers, et qu’ils lui permettront de poursuivre tranquillement sa route, de son coté.

Je prévois pour ma part un comportement tout à fait différent : les Arabes palestiniens verront dans ce retrait le signal qu'Israël est faible, qu’il recherche l’apaisement, et qu’il est vulnérable. Loin de montrer de la gratitude, ils demanderont davantage. Une fois Jenin et Ramallah engloutis, ils mettront Jérusalem à l'ordre du jour, puis Tel Aviv et Haïfa.

Ceci implique qu’Israël est voué à faire corps avec ses villes et ses communautés de Cisjordanie et de Gaza. Ce sont peut-être des handicaps sur le plan tactique et politique, mais il faut les maintenir et les défendre. Si on procédait autrement, on ferait savoir aux Arabes palestiniens que la chasse à Israël est ouverte, ce qui conduirait à davantage de violence, à un accroissement au-delà des 20 incidents quotidiens qui interviennent actuellement.

En second lieu, l'intention de M. Sharon de supprimer les localités israéliennes suppose qu'elles constituent un grand obstacle, peut-être un obstacle insurmontable, à une solution du différend israélo-palestinien. Quant à moi, au contraire, je les vois comme un obstacle mineur. Une fois que les Arabes palestiniens auront accepté l’existence de l’Etat juif, entièrement, irrévocablement, dans les actes aussi bien que dans les paroles, toutes les issues pour mettre un terme au conflit s'ouvriront:

 

Ajustements des frontières : comme M. Sharon lui-même l’a suggéré la semaine dernière, le "triangle" du nord d’Israël avec sa forte population arabe, pourrait faire l’objet d’une transaction.

Non continuité de la souveraineté : Les Juifs habitant au delà des limites d’Israël proprement dit pourraient vivre selon la loi israélienne.

Souveraineté palestinienne : Après que les Arabes palestiniens auront vraiment accepté la présence sioniste, les Juifs des Territoires pourront vivre sous la loi palestinienne.

 

Évidemment de tels schémas, donnent aujourd’hui l’impression que l’on plane complètement. Mais quand les Arabes palestiniens auront finalement modifié radicalement leur orientation, quand ils auront accepté l'existence d'Israël et renoncé à l'utilisation de la force contre lui, toutes sortes d'ouvertures positives seront possibles pour balayer les questions apparemment insolubles aujourd'hui.

Et à la question, "comment saurons-nous que ce changement radical d’orientation est intervenu," ma réponse est : "quand les juifs habitant Hébron (en Cisjordanie) n'auront pas besoin de plus de sécurité que des Arabes vivant à Nazareth (en Israël)".

Jusqu'à ce que ce jour heureux arrive, la question des juifs vivant dans les Territoires est peut-être une des plus mineures pour les soi-disant stratèges et diplomates. Au lieu de se concentrer sur ce problème politique insignifiant, ils feraient mieux de rechercher comment convaincre les Arabes palestiniens accepter l'existence d'un État juif souverain appelé Israël. Tant qu’on n’y sera pas parvenu, aucune autre démarche ne sera pertinente.

 

About Those Settlements....

By Daniel Pipes- FrontPageMagazine.com & New York Sun -  February 10, 2004

 

Ariel Sharon, the prime minister of Israel, has broken with decades of his own history and declared an intent to withdraw all Israeli habitations from Gaza, plus some from the West Bank. Doing so raises a basic question: Just how important are these “settlements” in the grand scheme of Palestinian-Israeli relations?

(I use quotation marks around settlements because the dictionary defines this word as “a small community” or an establishment of people “in a new region.” This inaccurately describes the Jewish habitations in question, many of which boast tens of thousands of residents in place over several decades.)

Some analysts consider Jews living in the West Bank and Gaza to be one of the leading obstacles to resolving the Palestinian-Israeli conflict. For example:

 

· Thomas Friedman, The New York Times: “Israel must get out of the West Bank and Gaza Strip as soon as possible and evacuate most of the settlements. I have long advocated this, but it is now an urgent necessity. Otherwise, the Jewish state is in peril. Ideally, this withdrawal should be negotiated along the Clinton plan. But if necessary, it should be done unilaterally. This can't happen too soon, and the U.S. should be forcing it.”

· Jean AbiNader, Arab American Institute: “the settlements are the major political obstacle” to a resolution.

· Dennis Kucinich, Democratic presidential candidate: “Israeli settlements are a significant obstacle to a viable peace between Israel and the Palestinians.”

I disagree with this argument, and for two main reasons.

First, it assumes that Palestinians seek only to gain control over the West Bank and Gaza, whereas overwhelming evidence points to their also aspiring to go further and control Israel proper. Therefore, pulling Israelis from the territories does no good.

In fact, it probably does harm. Imagine that Israelis were uprooted and the Israel Defense Forces pulled back to the 1967 boundaries – what then? Friedman, AbiNader, and Kucinich assume the Palestinians would be grateful and reward Israel by tending to their own gardens, permitting Israel quietly to go its separate way.

But I expect a quite different reaction: Palestinians will see a pullback signaling that Israel is weak, appeasing, and vulnerable. Far from showing gratitude, they will make greater demands. With Jenin and Ramallah in the maw, Jerusalem will be next on the agenda, followed by Tel Aviv and Haifa.

This implies Israel is fated to stick with its towns and communities in the West Bank and Gaza. They might be a tactical and political liability, but they must retained and defended. To do otherwise is to indicate to the Palestinians that open season on Israel has begun, spurring yet more violence than the twenty or so incidents now taking place daily.

Second, Sharon’s intent to uproot Israeli habitations assumes that they pose a large, perhaps insuperable, barrier to a Palestinian-Israeli resolution. In contrast, I see them as a minor obstacle. Once the Palestinians do fully, irrevocably, in deed as well as in word, accept the existence of a Jewish state, all sorts of possibilities for ending the conflict open up.

· Adjusted borders: As Sharon himself suggested last week, the “triangle” area in northern Israel, with its large Arab population, might be up for trading.

· Non-contiguous sovereignty: Jews living separate from Israel proper could live under Israeli rule.

· Palestinian sovereignty: Once Palestinians truly accept the Zionist presence, then Jews in the territories could live under Palestinian rule.

Such schemas, admittedly, sound like cloud-cuckoo land at present. But when Palestinians finally undergo a change of heart, when they accept Israel’s existence and renounce the use of force against it, all sorts of positive developments can take place to sweep aside today’s seemingly intractable issues.

And to the question, “How will we know when that change of heart takes place?” my reply is: When Jews living in Hebron (on the West Bank) have no more need for security than Arabs living in Nazareth (in Israel).

Until that happy day arrives, the issue of Jews living in the territories is perhaps the least significant one facing strategists and would-be diplomats. Instead of focusing on this political triviality, they should devise ways to induce the Palestinians to accept the existence of a sovereign Jewish state called Israel. Until that happens, no other initiatives will do any good.