www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

POUR CHANGER LE MOYEN ORIENT, IL FAUT RÉFORMER LA SYRIE

 

Par Rami G Khouri, rédacteur en chef du Daily Star de Beyrouth, journaliste reconnu sur le plan international

Article paru dans le Jerusalem Post du 11 août 2003, traduit par Bertus.

 

Quand les dirigeants Syriens parlent de réformes du système économique et politique, le monde devrait écouter attentivement et voir comment participer au processus.

Le passage d'un régime qui est resté identique à lui-même depuis trois décennies à une méritocratie plus ouverte aura des répercussions importantes dans la région sur plusieurs plans. D'abord il incitera la société syrienne en vue d'un essor économique, il débloquera ensuite le potentiel immense créatif et productif du Liban et rationalisera enfin les relations avec les deux grands états voisins non arabes, l'Iran et la Turquie.

Cette transition facilitera la conclusion d'une paix juste avec Israël, à l'intérieur d'un accord global arabo-israélien, d'où de nouvelles relations fructueuses sur le plan culturel, économique et social entre tous les pays du Levant et du Golfe. Elle ouvrira la porte également à une avancée dans diverses relations avec l'Europe.

 

J'irai encore plus loin. Un régime Syrien procédant à des réformes sérieuses aurait un impact positif sur l'avenir de la région beaucoup plus qu'un autre régime arabe, tel qu'un Irak issu de l'intervention anglo-américaine, ou telle autre situation issue d'un accord de paix israélo-arabe. Ceci est dû à des raisons aussi bien pratiques qu'émotionnelles, qui se mélangent dans toute relation souvent complexe qu'a la Syrie

avec tout partenaire, qu'il soit arabe ou occidental.

La Syrie est pourtant face à un dilemme: malgré qu'elle ait réussi à montrer son importance à de nombreux pays, son influence va en diminuant; aujourd'hui sa puissante allure nationaliste n'impressionne plus personne au delà des limites du Levant.

La Syrie est devant le défi de changer, comme l'a fait le reste du monde, après la fin de la guerre froide. Les critères d'importance ne sont plus la pureté idéologique, ni les dépenses militaires, ni les jeux stratégiques avec les grandes puissances, mais plutôt les résultats économiques, la qualité du pouvoir, les liens commerciaux et les prouesses technologiques.

 

Irak est l'exemple éclatant de ce que la Syrie ne souhaite pas devenir.

 

Le défi de la Syrie est d'évoluer d'un système de pouvoir archaïque qui n'a pas évolué et qui a maintenu le pays dans un marasme économique depuis 1960, vers un système moderne et libéral, basé sur le pluralisme, la transparence, la démocratie et l'innovation. Les dirigeants doivent comprendre que ce défi n'est pas spécifiquement syrien, mais arabe et que le drame du changement ne leur est pas exclusif. Tous les pays du Moyen Orient ont des systèmes qui font face à la nécessité de se moderniser ou de rejoindre la masse des états marginaux dont personne ne parle, alors que l'histoire se déroule. (1)

Les déclarations du président Bashar al Assad montrent qu'il est conscient du danger de rester immobile, et des opportunités de progrès par les réformes. Comme celles-ci ont été lancées plus tardivement que dans la plupart des autres pays, il devrait bénéficier de leurs expériences. La leçon la plus magistrale qu'on peut tirer du passé est que rhétorique et réalisation doivent aller de pair.

En effet, la tendance au Moyen Orient est de promettre et de ne pas tenir, ce qui accroît la colère des populations, puisqu'elles ne ressentent aucune amélioration dans la vie de tous les jours. Le pouvoir syrien devrait éviter de grossir les attentes du peuple et les maintenir à un niveau de réalisation possible, afin d'éviter de cruelles erreurs. Or cette faiblesse sévit aujourd'hui dans la région, y compris en Syrie. Il vaut mieux des réformes limitées dans leur ampleur qui puissent être menées à leur terme avec succès. Le peuple préfèrera avancer à un pas lent mais sûr, plutôt que d'applaudir des projets grandioses qui ne verront jamais le jour.

Des réformes locales adaptées à la Syrie devraient être la base du changement pour tout le Moyen Orient, plutôt que des réformes émergeant de l'expérience Irakienne, sous la férule néocolonialiste des américains, ou qu'Israël cherche à imposer dans la région. (2)

Il est vital que la Syrie puisse s'engager dans la modernité et le progrès, vite et qu'elle y réussisse.

 

Ceux qui souhaitent un changement rationnel au Moyen Orient devraient commencer par rengainer leurs armées et rentrer leurs discours enflammés. Ils devraient plutôt se rapprocher de la Syrie pour promouvoir des réformes locales et réalistes, pour obtenir des résultats tangibles, mesurés et mesurables, apportant un mieux être à tous.

 

 

Notes du traducteur

(1) on peut se faire remarquer autrement, en mettant des bombes humaines aux bons endroits par exemple.

(2) ce couplet est habituel dans les pays arabes: cette attaque contre Israël peut faire passer le reste de l'article…

 

 

 © www.nuitdorient.com par le groupe boaz,copyright autorisé sous réserve de mention du site