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Où va Israël?

Par Shmuel Trigano, écrivain

12 /11/2021  - Tribune Juive 

L’Etat d’Israël est-il en voie de libanisation? C’est la question grave qu’il faut se poser au vu du comportement de la coalition au pouvoir qui ne tient, rappelons le, que parce qu’elle est soutenue, à une voix près (c’est dire son défaut de représentativité) par un parti islamiste et un parti nationaliste palestinien qui siègent sur les bancs de la Knesset et tiennent l’assemblée en haleine lors de chaque vote, en prenant la coalition en otage pour obtenir des avantages sectoriels sonnants et trébuchants.

La grande vedette de la nouvelle scène, sollicitée de toutes parts, au point qu’il est devenu le personnage central de la coalition, voire même son leader objectif, c’est Mansour Abbas qui se recommande des Frères Musulmans (et ne prend de décision qu’après l’autorisation de la choura, une sorte de conseil communautaire où siègent les chefs religieux). Les Frères musulmans sont pourchassés de toutes parts dans le monde arabe, maintenant en France, mais il est un pays où ils sont un élément clef du pouvoir, c’est Israël. Bien évidemment la citadelle frériste, la Turquie de Erdogan, étend son ombre sur l’activisme de cette organisation mondiale qui a pour finalité d’étendre le pouvoir de la Charya, avec une spécificité cependant: l’utilisation des démocraties à des fins non démocratiques, comme on l’avait vu lors de l’arrivée au pouvoir en Egypte de Morsi, après le pseudo “Printemps arabe”. C’est ce qu’on a appelé la one shot democracy, “la démocratie à un coup”: accéder au pouvoir au nom de la démocratie et en vertu de ses lois, pour y mettre un terme, une fois au pouvoir. La méthode consiste à utiliser tous les canaux de la démocratie pour faire avancer des intérêts totalitaires. Le monde associatif “humanitaire” est ainsi devenu le champ électif de la bataille livrée aux naïfs démocrates, appelés ainsi à creuser leur propre tombe.

On est ici dans la politique islamique classique de la « takia », c’est-à-dire du double discours. Sur scène, le personnage de Mansour Abbas est sympathique, modéré, rationnel, jovial, rubicond, “correct” avait dit Bennett, mais les grandes lignes de sa politique se sont manifestées très vite, une fois le budget (la “rançon” le kharadj des temps passés) obtenu. Une illustration assez étonnante du personnage nous a été donnée ces jours-ci, quand, dans sa grande générosité, il a proposé de donner 100 000 shekels aux Partis religieux juifs qui sont eux, dans l’opposition, dépouillés, sur les 35 milliards de shekel qu’il venait d’obtenir pour “la société arabe”. Dans ce rôle de générosité, en fait, il réitérait une institution de l’islam, la “protection”, le patronage accordé aux “Religions du Livre”, christianisme et judaïsme (son don était donné aux seuls Partis religieux).

Un nouveau concept qu’il a mis en circulation, la “société arabe”, bêtement adopté par tous les médias et les politiciens, propage l’idée qu’il y a dans l’Etat une “société arabe” et donc une “société juive”, mais pas une société “israélienne”. Ce concept, en apparence anodin, rend possible à Mansour Abbas de se poser en représentant de cette “société arabe”. C’est tellement vrai que le représentant des Arabes d’Israël, Mansour Abbas, a récemment rendu visite au roi de Jordanie avec lequel il a eu quatre heures d’entretien, une réunion donc de teneur politique très vaste. Il aurait discuté avec lui de la création d’un Etat palestinien en Judée-Samarie et à Jerusalem Est dont il soutient l’idée.

On croit rêver sur ce que se permet un Parti qui ne compte qu’un quarteron de députés (quoique la gauche squelettique israélienne en donne l’exemple répété en se croyant investie d’une représentativité quasi théologique du peuple juif qui outrepasse sa représentativité démocratique, celle issue des urnes).

Cela démontre parfaitement le sentiment de souveraineté supérieure qui porte Abbas, d’autant qu’il fut sans doute question de la souveraineté sur le Mont du Temple dont le Roi de Jordanie s’estime le détenteur de principe.

Nous avons appris, effectivement, sur ces entrefaites, après que la  coalition a voté le budget et que le Parti d’Abbas va toucher ses subventions, que Mansour Abbas était opposé à la prière juive sur le Mont du temple, qu’elle soit muette ou vocale, parce que le Mufti d’El Aksa, une mosquée qui représente un seul bâtiment sur l’esplanade du Temple, avait décrété qu’il y avait un partage: les Juifs au Kotel, les Musulmans sur le Mont du Temple, ce dernier étant défini dans sa totalité comme situé dans le périmètre d’El Aksa.

En somme toute la montagne serait une mosquée, interdite aux Juifs! Il ne faut pas oublier que, lors de la dernière opération militaire, le Hamas s’était déclaré défenseur d’El Aksa et avait même lancé des missiles sur Jerusalem pour menacer Israël à l’occasion de troubles qu’il avait fomentés à Jerusalem, avec l’aide de ses supporters locaux.

Il ne fait aucun doute qu’il y a une synergie entre les militants (citoyens israéliens) d’El Aksa et le Hamas, ce qui donne à la posture de Mansour Abbas un poids signalé.

Nous avons aussi appris que Mansour Abbas souhaitait que les Etats-Unis ouvrent un Consulat à Jerusalem Est, pour “faire équilibre” (dixit)  avec l’Ambassade de Trump, une façon détournée de soutenir le caractère palestinien de Jerusalem Est.

Coup sur coup, nous avons appris aussi, par la révélation d’une journaliste, que son Parti possédait une association humanitaire qui exerçait des activités  à Gaza et donnait des allocations aux Gazaouis, et notamment aux “martyrs”, c’est-à-dire aux terroristes, de sorte qu’il y a tout lieu de craindre que l’argent des contribuables israéliens ne finance aussi, en définitive, l’ennemi invétéré d’Israël, le Hamas. Bien sûr, déclare Mansour Abbas nous n’agissons que comme citoyens israéliens, défendant le statut civil des Arabes…

Puis, à l’occasion de la commémoration de la Déclaration Balfour, nous avons vu un député du Parti de Abbas maudire, du haut de la Tribune de la Knesset, la Déclaration Balfour. Nous avons entendu à cette occasion que le Président du Haut Comité de Suivi des Arabes d’Israël, Mohamed Barake, un citoyen israélien donc, demandait à la Grande Bretagne d’annuler la Déclation Balfour, de faire ses excuses aux Palestiniens et de prendre des mesures concrètes pour assurer l’auto-détermination des Palestiniens.

Qu’est-ce qui risque de se passer dans les années à venir? La levée en masse des Arabes israéliens pour demander leur indépendance à moins que ce ne soit la transformation d’Israël en Etat binational. Ce sont justement ceux qui auront le plus profité de leur condition citoyenne qui voudront jouir d’une condition étatique autonome dont ils seront les maîtres. C’est une loi sociologique.

Où va Israël?