www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

UN MOYEN ORIENT DÉSORIENTÉ

 

Par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued/conf.htm

Le 3 mars 2005

 

Depuis l'automne 2001, un vent nouveau venu de l'Ouest a commencé à souffler sur le Moyen Orient. Pour les uns c'est la tempête, pour les autres il ne s'agit que d'une brise d'une fraîcheur bénéfique. Beaucoup de choses se sont envolées, des chimères, des illusions, mais aussi des tyrans et les autocrates installés ont du mal à trouver leurs repères.

 

Depuis la mort de Hafez al Assad, la Syrie ne cesse de jouer avec le feu, son fils Bashar s'étant mis sous la bannière d'un homme intelligent mais dangereux, Nasrallah, chef du H'ezbollah. Sur le plan économique la Syrie ne survit que par le dépeçage du Liban, la drogue et les trafics d'armes. Sur le plan militaire, la Syrie ne survit que grâce à la menace d'armes chimiques et bactériologiques qu'elle cacherait et au parapluie du H'ezbollah. Sur le plan politique, une petite minorité alaouite (hérésie de la shia'h) règne sur 90% de sunnites grâce à un système policier bien rodé et formé par l'ex-Europe totalitaire. Une véritable dictature basée sur une doctrine nazie (le baathisme) perdure depuis un demi-siècle et elle ne disparaîtra pas dans la paix. Depuis la mort de Rafik Hariri, la pression occidentale sur la Syrie est de plus en plus forte et l'ophtalmologiste devenu prétorien commence à s'affoler; il cherche à dévier les foudres sur Israël en y suscitant par H'ezbollah interposé un attentat terroriste révélateur d'une cruauté certaine. Il "donne" au gouvernement d'Irak le demi-frère de Saddam Hussein réfugié chez lui comme gage de bonne volonté. Il promet que son armée quittera le Liban dans quelques mois, "si cela est possible".

Pour savoir ce qu'il fera, il vaut mieux interroger l'homme qu'il admire et qui le protège d'une certaine manière, sheikh Nasrallah.

 

Moubarak est d'un autre niveau. Il veut rester au pouvoir jusqu'au bout, y ayant pris goût. Mais devant les ricanements de l'Occident et d'une partie de son opinion, il vient d'instituer habilement des élections au suffrage universel direct et secret, en rétablissant un semblant de démocratie et de concurrence. Dans les relations avec Israël, il fait le minimum, le trafic d'armes entre l'Egypte et Gaza n'ayant pas cessé, et Tel Aviv a attendu 4 ans le retour de l'ambassadeur égyptien à Tel Aviv. Tout compte fait le vent semble avoir quand même tourné dans le pays des pharaons, les incitations antisémites des médias ayant faibli.

 

En Irak, l'assainissement du pays suit son cours dans la douleur et le chagrin, la minorité sunnite admettant difficilement d'avoir perdu le pouvoir absolu qu'elle doit aujourd'hui partager avec une majorité shiite. Bien qu'il soit à l'origine des attentats sanglants qui ont coûté la vie à des milliers d'Irakiens innocents, le terroriste Zarqaoui allié à Al Qaeda est en perte de vitesse, au profit des anciens baathistes qui voudraient peut-être composer avec le nouveau pouvoir sorti récemment des urnes. Le nouveau premier ministre Ibrahim al Jaa'fari est un shiite modéré qui n'est pas prêt à abandonner les intérêts de l'Irak au profit de ceux de l'Iran. La situation en Irak ne peut que s'améliorer du fait que toutes les parties y ont intérêt car elles cherchent à éviter le chaos. Par ailleurs pour couper l'herbe sous les pieds des terroristes, la coalition multiplie les chantiers de reconstruction des infrastructures civiles. Et son armée se retirera au fur et à mesure de son remplacement par des forces nationales crédibles.

 

L'Iran ira jusqu'au bout de son programme nucléaire avec la bénédiction de l'Europe qui ne souhaite pas le recours à la force pour l'en empêcher. Toutes les offres aguichantes offertes (avions, équipement de télécom, facilités commerciales…) ne serviront à rien. Toute autocratie ne tient que par la force et la peur qu'elle suscite. Une bombe nucléaire est la bienvenue pour asseoir pour longtemps le régime honni des ayatollahs.

Deux pays considèrent que la possession d'une bombe par ce régime islamiste est une menace, les Etats-Unis et Israël. Reste à savoir qui commencera à éliminer les 350 sites nucléaires et quand. En attendant la Russie fournit les matières fissiles dont l'Iran a besoin et la question de l'enrichissement de l'uranium ne se pose même plus.

 

Avec la nouvelle autorité Palestinienne, on a la nette impression de déjà vu. On fait un tour et puis on recommence, comme avant. Rien ne change et il y a un monde entre les propos et les actes des politiques sur le terrain. Attentats, bombes, véhicules bourrés d'explosifs, ateliers souterrains de fabrication de fusées Qassam, tirs au pigeon sur les routes, trafic d'armes…. Tout est là. C'est à croire qu'on se moque délibérément de l'Occident qui, lui, se précipite pour alimenter les caisses palestiniennes; on parle d'un milliard $ dans l'immédiat. Abou Mazen semble avoir moins de pouvoir sur sa population que le H'ezbollah ou le Hamas.

On demande à Sharon de patienter et d'aider Abou Mazen. On arrive à se demander si ce n'est pas l'inverse qui s'impose, à la veille d'un désengagement douloureux et hypothétique à Gaza.

 

En Arabie Saoudite on apprend aussi la démocratie puisque une partie des Saoudiens a pu voter lors d'élections municipales et on parle d'autoriser les femmes à travailler. On se demande pourquoi avec un chômage record dans le pays. Pour la forme sans doute. La forme compte dans ce pays où les deux ingrédients "wahabisme et pétrole" ont été à l'origine de la majorité des problèmes du Moyen Orient et notamment des explosions terroristes islamistes. La classe régnante de 20 000 personnes ne retrouvera la paix que dans un semblant de démocratie où les immigrés, les shiites et les femmes pourront recevoir les mêmes droits que les hommes saoudiens sunnites; et lorsqu'elle cessera de s'ingénier à exporter sa doctrine intolérante visant à écarter, voire à éliminer les "incroyants" et les shiites considérés comme "hérétiques".

 

Ce tour d'horizon succinct nous montre que le Moyen Orient n'est plus figé dans ses certitudes, mais que nous sommes encore loin de l'esprit démocratique que cherche à infuser l'administration Bush. Quoique imparfait, le modèle de pouvoir pour la région reste la monarchie constitutionnelle de Jordanie. Il faudrait que les forces modérées soient encouragées et renforcées, par l'Europe et la France, faute de pouvoir modifier un Islam basé sur une lecture primitive du Coran.

 

© www.nuitdorient.com par le groupe boaz,copyright autorisé sous réserve de mention du site