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NON, ILS NE SONT PAS PRESSÉS!

 

Article par Ehoud Yaari, éditorialiste au Jerusalem Report

Paru dans l'édition du  22/08/2005

Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued 

 

Est-ce que les Palestiniens veulent vraiment un état à eux? Si c'est oui, peuvent-ils se lever sur leurs deux jambes, retrousser leurs manches et se préparer à l'effort nécessaire pour y parvenir? On aura bientôt les réponses à ces deux questions, juste après le désengagement en cours, et peut-être que ces réponses ne seront pas celles auxquelles on peut s'attendre. Les responsables Palestiniens ne semblent pas motivés par l'indépendance qui leur est offerte et, de toutes façons, ils n'ont pas la volonté nécessaire pour atteindre cet objectif.

Bientôt on saura si la revendication d'un Etat Palestinien dans les limites des territoires conquis en 1967 par Israël n'était qu'un simple slogan, un cri de guerre ou une vraie plate forme politique, une simple bannière de ralliement, battant par défi ou un programme national sérieux.

En posant ces questions, je vais sûrement rendre furieux plus d'un. Est-il concevable que les Palestiniens ne languissent pas pour un état souverain, comme toute autre nation dans le monde? Après tout, la revendication d'établir un état en Cisjordanie et à Gaza a été au centre de leur lutte contre Israël, au moins lors des 30 dernières années, ainsi que la justification des immenses sacrifices faits – des milliers de morts, des dizaines de milliers de blessés et de prisonniers, un désastre économique, une faillite sociale.

 

Tout cela paraît raisonnable, mais la conclusion ne correspond pas forcément aux faits, et la vérité est que sous une rhétorique abondante et familière, on ne discerne aucun enthousiasme de leur part pour créer un Etat. Il ne fait aucun doute que les Palestiniens en ont assez d'Israël et de l'occupation, des barrières et des contrôles aux points de passage, des difficultés économiques.

Mais ils ne sont pas sûrs, et beaucoup ne sont pas convaincus qu'en créant leur Etat, la situation s'améliorerait. Si le prix de l'indépendance de la Cisjordanie et de Gaza (et même si Jérusalem fait partie du lot), c'est la perspective d'être entouré par une clôture qui ne s'ouvre que quand les Juifs le souhaitent, le Palestinien n'est pas très chaud.

Il y a peu de chance qu'un État voie le jour dans un avenir proche, état dans lequel un citoyen est heureux d'être un sujet. Malgré l'abondance du flux d'aide étrangère, le Palestinien moyen ne peut espérer améliorer son sort. Il est conscient de l'énorme difficulté à venir à bout de l'anarchie qui s'est installée dans la vie quotidienne. Il est effrayé par les luttes intestines qui peuvent se transformer en bain de sang. Il est inquiet non seulement qu'Israël prenne ses distances par rapport à lui, vu sa stratégie d'éloignement unilatéral, mais que les voisins arabes se dérobent également comme l'ont fait l'Egypte et la Jordanie pendant des années.

Ainsi un grand nombre de mes connaissances palestiniennes remettent en question l'intérêt d'un État à eux, qui ne serait à leurs yeux qu'une "cage souveraine". Ils se demandent même s'il n'est pas préférable et plus avantageux de continuer la confrontation avec Israël, même avec son lourd tribut quotidien. Ranger les armes et se réconcilier ne rapporte pas grand chose. Plutôt ne pas se désengager d'Israël, continuer à le tenir dans une étreinte sanglante et même tomber d'épuisement dans des bras, mais ceux-ci les rejettent. Et l'Etat? Il peut attendre.

Cette manière de penser n'est pas encore publique. Bien sûr, même le Hamas—pour qui un petit état n'a jamais été le désir de son cœur – déclare qu'il est prêt à l'accepter, sans toutefois faire la paix et reconnaître l'état d'Israël. C'est aussi l'état d'âme de grandes fractions du mouvement Fatah. Un État? Bien sûr! Mais à condition de laisser ouverte l'option de reprendre les armes --- et évidemment sans la clôture de sécurité, sans l'abandon du droit de retour des réfugiés, sans l'annexion des grandes implantations. Et les responsables Palestiniens haut placés disent dans leurs conversations privées, si un tel État ne peut être atteint immédiatement, il n'y aucune raison de se presser.

En fin de compte, il y a plus d'Israéliens désireux de voir un Etat Palestinien que de Palestiniens acceptant de se séparer des Israéliens. Et il y a beaucoup d'Israéliens, dont moi-même, qui croient que le système de 2 états est meilleur que celui d'Oslo, avec 2 gouvernements au sein d'un même pays. Mais les Palestiniens préfèrent le système d'Oslo qui leur donne un régime légal et des forces armées, sans les obliger à accepter des frontières permanentes.

Quelles que soient les conséquences du désengagement, à Gaza les Palestiniens feront tout pour garder un lien étroit avec Israël. Au lieu de tourner le dos à leurs anciens "occupants", ils feront de leur mieux pour rester collés. L'indépendance de facto qu'ils obtiendront, sans payer aucun prix, ne sera pas utilisée pour construire un modèle de souveraineté réussie, mais plutôt une base de lutte armée pour la Cisjordanie et Jérusalem. Ils refuseront de voir le désengagement comme la fin d'une occupation de Gaza ou de la terreur qui en était issue. Écoutez plutôt Abou Mazen lui-même quand il dit "Israël est sorti de Gaza définitivement, mais ne s'est pas désengagé".Le but d'Israël est de considérer Gaza comme un territoire étranger, en se coupant de lui et n'ayant aucun rapport avec lui. Les Palestiniens s'y opposeront, insistant sur le fait que le territoire n'est pas séparé, qu'il s'agit simplement d'une mutation du système de 2 gouvernements dans un même pays.

 

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