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LE PROBLÈME PALESTINIEN : UNE AFFAIRE DE NOM

 

Par Sidney Zion écrivain
Texte original paru dans
http://jewishpress.com/news_article.asp?article=2674
Traduit par Jane B. et publié par www.primo-europe.org

 

La seule chose au Moyen Orient qui se passe d'arguments, et même qui va de soi, est le fait que le peuple palestinien est un peuple sans état et sans abri. Vous ne pouvez lutter contre ça, nulle part dans le monde, même à Tel Aviv. Le fait que 4 guerres aient été livrées dans le but prétendu de résoudre la situation lamentable des palestiniens consolide ce consensus. Tout le monde le croit.

Le processus de Paix d'Oslo est tombé en ruines, et la Road Map (feuille de route) s'éteint à peine commencée dans la précarité, à cause de l'incapacité des parties concernées à se mettre d'accord sur une formulation de principe sur le droit, ou le contraire, des palestiniens à définir leur propre avenir sur la rive occidentale du Jourdain, la terre considérée par le monde entier comme la partie historique, politique, géographique, et démographique de la Palestine.

Mais même quand les arguments font rage, où, quand et comment cela devrait, ou peut être réalisé, un état, une patrie, une entité ? Beaucoup de gens bien intentionnés vous diront qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y a pas de nation palestinienne.

Le problème avec ce concept est qu'il n'est pas vrai. Il y a et il y a eu une nation palestinienne depuis le 14 mai 1946 , juste deux ans avant la création de l'état d'Israël.

Appelée à l'origine le Royaume de Transjordanie, cette nation est connue sous le nom de Royaume de Jordanie. Elle se situe sur la rive est du Jourdain et comprend 80% de la Palestine historique, politique, géographique et démographique. Elle a une population de 3 millions de personnes qui sont toutes pratiquement nées ou arrivées ici des 20% de la Palestine. ( Israël + les "territoires occupés" connus sous le nom de Cisjordanie").
La Palestine alors comprenait les deux côtés du Jourdain, bordée à l'ouest par la Méditerranée, à l'est par l'Arabie Saoudite et l'Irak, au sud par l'Egypte et au nord par la Syrie et le Liban.

Ces frontières ont été universellement reconnues depuis la fin de la 1ère guerre mondiale jusqu'en 1946 quand la Grande Bretagne créa par ordonnance le Royaume indépendant de Transjordanie, retranchant ainsi 4/5 de Palestine et les remettant aux arabes, en violation totale du mandat accordé sur les territoires par la Société des Nations.

Dans les années qui suivirent, la Jordanie a été reconnue comme une nation séparée et distincte de la Palestine, sa seule relation étant le rôle de principal "pays d'accueil" pour les palestiniens réfugiés, déplacés par la création d'Israël.

Quand Israël obtint son indépendance par la révolte contre les colons britanniques, il a été considéré comme une création des Nations Unies, devant son existence à la mauvaise conscience du monde après l'holocauste. Depuis sa victoire dans la Guerre des 6 jours en 1967, Israël, d'après ce que l'on dit, contrôle toute la Palestine. Son refus de céder complètement les territoires occupés après la guerre, de l'est de Jérusalem au Jourdain, plus la bande de Gaza, est par conséquent considéré comme l'obstacle aux droits nationaux d'autodétermination des arabes palestiniens.

Ainsi disparaît la sagesse conventionnelle du monde, et, parce que cette croyance est tellement répandue, on pense que c'est naturellement juste et objectif. Il ne fait aucun doute qu'elle est basée sur une incroyable distorsion de l'histoire, de la politique, de la géographie et de la démographie. Cependant, à moins que cette distorsion ne soit corrigée, il y a peu de chance pour que quelque chose aboutisse à une paix durable au Moyen Orient.
Un bref regard sur les évènements récents suffit à mettre le problème en évidence.

Un cadeau pour Abdallah


Avant la 1ère  guerre mondiale, le mot "palestinien" n'avait pas de situation géographique bien définie et ne représentait aucune identité politique. En 1920, cependant, les puissances alliées ont conféré à la Grande Bretagne un mandat sur le territoire autrefois occupé par la Turquie. On l'appela la Palestine mandataire. Elle comprenait les deux côtés du Jourdain.

Ce mandat fut confirmé par la Société des Nations en 1922 et resta inchangé tant que dura la SDN. Le mandat regroupa la Déclaration Balfour, la fameuse proclamation de 1917 par laquelle la Grande Bretagne s'engagea à pourvoir une terre en Palestine pour le peuple juif. Elle ne s'engagea pas pour les arabes qui y vivaient mais elle protégea les "civils et les religieux" et non leurs droits politiques. Cependant, deux mois après que la SDN ait approuvé le mandat, Winston Churchill, alors secrétaire colonial de Grande Bretagne, changea les règles du jeu. " Un soir au Caire" comme Churchill s'en est vanté ultérieurement, il prit tout simplement toute la partie est du Jourdain et installa l'Hachémite Abdallah (l'arrière grand père de l'actuel roi Abdallah) en qualité d'Emir.
Mais il ne le libéra pas du mandat, et les gens vivant sur la rive orientale étaient à tous égards des palestiniens. Les gens qui vivaient ici voyageaient avec des passeports palestiniens, comme les juifs et les arabes vivant à l'ouest, mais toute la région était efficacement administrée par la Grande Bretagne.

Pourquoi Churchill fit-il cela? Pourquoi Abdallah fut amèrement désappointé de ne pas avoir été choisi par les anglais comme roi d'Irak, un royaume qui revenait à son frère? Churchill voulait flatter l'égo d'Abdallah et en même temps servir l'Empire.
Selon le délégué de la banque de Grande Bretagne, Sir Alec Kirkbride, cette terre, représentant 80% du mandat, était destinée à servir de réserve pour transférer les populations arabes une fois que le foyer national juif qu'ils s'étaient engagés à soutenir serait un fait accompli. A ce stade, il n'y avait aucune intention de faire du territoire à l'est du Jourdain un état arabe indépendant. En effet, Churchill persuada les sionistes de poursuivre leur chemin avec la suspension de l'immigration juive à l'est afin de calmer la population arabe indigène sur la rive occidentale; ce qui rendrait possible une patrie juive à l'est du Jourdain.

Bien entendu, il n'en fit rien. Au lieu de cela , il excita les appétits arabes pour la totalité de la Palestine, objectif qui faillit être réalisé à plusieurs reprises:
Les arabes palestiniens se soulevant contre les juifs en 1936, le livre blanc britannique de 1939 stoppant l'immigration juive vers la terre sainte, enfermant les juifs d'Europe dans les mailles d'Hitler, et la guerre des pays arabes unis contre le nouvel état israélien proclamé en 1948.

Inverser Balfour


Jusqu'en 1946, cependant, la Transjordanie est restée sous le mandat britannique de la Palestine. L'Anglais déclara la Transjordanie entité indépendante sans que l'autorité internationale ne s'en inquiète. En conséquence, ce qui avait commencé en 1920 comme un mandat visant à faire de la Palestine une patrie pour les juifs, devenait à l'inverse de la Déclaration Balfour la création d'une nation arabe sur les 4/5 de la Palestine et laissait les juifs se battre pour leur état contre les arabes sur la rive ouest.

Résultat: la Jordanie est considérée maintenant comme une entité immuable distincte de la Palestine, comme l'Egypte, l'Arabie Saoudite, la Syrie, le Liban et l'Irak. Mais une région dont la population est pratiquement palestinienne peut difficilement être considérée comme quelque chose qui n'aurait rien à voir avec une nation palestinienne.

Là encore, la conception que la Jordanie n'a rien à voir avec la Palestine est si profondément ancrée qu'il n'y a pas de surprise à ce que le New York Times et le reste des médias la traitent comme un monde à part.
C'est à peine quelque chose de nouveau, bien sûr. Les lecteurs d'un certain âge ayant une bonne mémoire peuvent se rappeler que le Times a adopté cette approche au moins aussi loin en arrière que le milieu des années 70, quand dans une série en trois parties sur les palestiniens, le journal dessinait la carte historique séparant la Transjordanie du mandat britannique et répéta la fiction qu'Israël occupait toute la Palestine.

Ironie du sort, pendant que le Times se lamentait sur les palestiniens "apatrides", le défunt journaliste de gauche I.F. Stone se plaignait dans la New York Revue of Books que les dissidents juifs, comme lui même, ne pouvaient pas placer un mot de compassion pour la nation palestinienne.
Stone savait tout au sujet des deux rives du Jourdain, comme son papier l'indiquait. Il semble cependant qu'il n'ait pas tout compris. Il ne suggéra ni que les palestiniens avaient déjà un état, ni que la chose sur laquelle les américains faisaient pression n'était jamais le fait de la Jordanie . D'un autre côté, le gouvernement israélien n'a jamais mentionné l'un ou l'autre, et l'histoire a intégré ce fait.


Jourdain Vs Palestine


Quand les sionistes acceptent en 1922 de suspendre l'immigration vers l'est, en accord avec la demande de Churchill, Vladimir Jabotinski signa. Mais Jabotinski, le fier et élégant leader sioniste qui devint plus tard le père du mouvement clandestin Irgoun Zvai Leumi et "l'aigle" de son commandant Menahem Begin, changea d'avis un an plus tard, après qu'il soit apparu clairement que les juifs s'étaient bel et bien fait avoir.
"Il n'y a pas de palestiniens, il n'y a que des Jordaniens " dit Golda Meïr encore et encore. Bien sûr, elle avait tort. En fait, il n'y a pas de jordaniens, il n'y a que des palestiniens. La raison pour laquelle Golda Meïr insista sur l'opposition (ce que chacun, avec une connaissance du passé sioniste politique peut comprendre) était que son ennemi politique Jabotinski était sur l'autre rive.
Meïr et son parti Mapaï qui administra Israël avant le jour de sa création jusqu'à Begin, et fut élue 1er  ministre en 1977, haïssait Jabotinski et ses partisans et les considérait comme des "fascistes" La vision de Jabotinski était que les deux côtés du Jourdain
revenaient à Israël. Il écrivit une chanson à ce sujet: " la rive ouest est à nous, et la rive est est à nous." Menahem Begin marcha sur cette musique presque toute sa vie. Pour des raisons politiques domestiques, il l'a laissée tomber les dernières années.
Puisqu'il a insisté pour enseigner au monde la véritable histoire de la Palestine, Begin aurait pu éclaircir cette confusion et apporter une contribution à la paix.

Ainsi, si le monde comprenait qu'Israël occupe seulement 20% de la Palestine et non 100%, cela ne ferait-il pas une différence?
S'il apparaissait clairement que les réfugiés arabes et leurs enfants qui traversèrent le Jourdain en 48 n'entraient pas dans un "pays d'accueil" mais dans la partie arabe de leur pays , cela ne ferait-il pas une différence?

Bien sûr que cela ferait une différence


Israël s'est fait voler sa légitimité politique, historique et géographique alors qu'il semble avoir volé les Palestiniens d'une nation qu'ils ont déjà.
"S'il y a une Palestine, il peut y avoir un Israël" dit le défunt Peter Bergson qui a mené le mouvement hébreu de libération en 1940" mais si nous dessinons la Jordanie comme si c'était une toute autre nation arabe, comme l'Arabie Saoudite, alors le combat est allumé pour l'extinction d'Israël par étapes... Parce que" Bergson ajouta : "si nous insistons sur le fait que la totalité de la Palestine est la rive occidentale, chaque parcelle que nous rendons est tout simplement le fruit d'un crime. Mais si nous disons la vérité, si nous précisons que 80% de la terre est déjà aux mains des arabes palestiniens, chacun ici et dans le monde entier, verra pourquoi on se dispute.
"Et quel est alors cet argument au sujet des frontières? Chaque désaccord dans l'histoire a été réglé en traçant de nouvelles lignes. Mais vous ne pouvez pas le régler si quelqu'un pense que son pays a été arraché".

Si tout ceci semble théorique, impossible à mettre en pratique, sans pragmatisme, c'est tout le contraire. Un état palestinien sur la Cisjordanie et Gaza n'est pas viable économiquement, sans au moins un arrangement avec la Jordanie, cela même dans la perspective peu probable où Israël se retirerait de ses frontières d'avant 67.
Si on les laisse amputés de leur vrai territoire, la Jordanie, les palestiniens chercheront leur espace vital ou bien vers la Méditerranée ou bien à travers le Jourdain. Évidemment  ils ne seraient pas de taille avec Israël mais le roi de Jordanie semblera une cible fine pour un état palestinien en déroute.

C'est la raison pour laquelle, Abdallah, comme son défunt père avant lui, craint les palestiniens malgré ce qu'il dit publiquement. En effet, aucune nation arabe voisine ne veut un état séparé sur la rive occidentale, ni l'Egypte, ni l'Arabie Saoudite, ni la Syrie, ni le Liban. Certains d'entre eux disent qu'ils le veulent mais celui qui acceptera la rhétorique au Moyen Orient appartient au département d'état américain.