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LES GERMES DE DESTRUCTION, UN ANTISÉMITISME EXPLOSIF

Par Fiamma Nirenstein, écrivain et correspondant de "la Stampa", quotidien italien paraissant à Turin

Paru dans le Jerusalem Post International du 16/01/2004

Les petites bombes qui ont explosé ces derniers jours au visage de la  communauté européenne, d'abord à Bologne, entre les mains du Président Marion Prodi, puis entre celles de Trichet, le président de la Banque centrale européenne, et enfin entre les mains de l'Europol d'AJA, n'ont heureusement fait aucune victime, mais elles n'en étaient pas pour autant moins symboliques.

L'Europe s'est trompée dans ses calculs, et sa ligne de conduite politique et intellectuelle risque de l'étouffer. Sa trahison d'Israël qui a débuté en 1967 l'a enveloppée dans un torrent de mensonges, d'exagérations et de cynisme qui ont le pouvoir de détruire sa
force morale et culturelle. La saleté qui est remontée des égouts de son histoire est connue sous le nom d'antisémitisme. Les origines de l'antisémitisme se trouvent dans des facteurs antiques et par conséquent, nous n'y reviendrons que très brièvement.

L'antisémitisme qui sévit aujourd'hui en Europe est la conséquence de la résistance du continent au fait qu'Israël ne se conforme pas à ses diktats. En d'autres termes, contrairement à son homologue d'hier, l'antisémitisme d'aujourd'hui possède une origine strictement politique. En 1967, Charles de Gaulle a laissé Israël sans défense à une époque où personne n'imaginait que l'Etat juif puisse sortir victorieux de la guerre des Six-Jours. En 1973, les avions américains qui apportaient de l'aide à Israël lors de la
guerre de Kippour se sont vu refuser le droit de voler dans le ciel européen. Une telle attitude n'était que le préambule à une ère de pur cynisme, dans laquelle Israël a fini par être considéré comme responsable pour chaque épreuve politique qu'il a dû endurer, depuis le rejet par Yasser Arafat de l'offre de paix faite par l'ex-Premier ministre Ehoud
Barak à Camp David puis à Taba, jusqu'à la guerre de terreur des Palestiniens lancée à la suite de ces propositions.

Afin de justifier cette position morale plutôt bizarre selon laquelle la victime devient le coupable, l'Europe en est venue à accuser Israël de péchés monumentaux. Le nom de "Djénine" est alors devenu bien plus éloquent que celui de "Dgania" pour ce qui est de la caractéristique de l'esprit israélien.

De plus, l'immigration musulmane en Europe a joué un rôle dans ce qu'elle a accéléré la délégitimation d'Israël, comme elle encourageait un discours de gauche, anti-global, et du tiers-monde contre Israël.

Les dirigeants européens ont dû toutefois payer le prix de ces "écarts". A la suite de nombreuses attaques perpétrées contre des Juifs en France, par exemple, le Président Jacques Chirac n'a pas eu d'autre choix que de se laisser emporter en déclarant son dévouement à combattre l'antisémitisme. Puis, à la suite de la publication de rapports choquants concernant la montée de l'antisémitisme, les hommes politiques européens et les élites des médias se sont hypocritement dits consternés - comme si leur propre
promotion de l'idée selon laquelle Israël représentait la plus grande menace à la paix mondiale n'avait rien à voir avec ce phénomène.

Il n'est donc pas surprenant que la communauté européenne soit occupée à organiser une conférence internationale majeure sur l'antisémitisme, prévue pour le mois prochain. Cela offre aux hommes politiques de tous horizons l'opportunité d'affirmer leur opposition résolue, leur horreur et leur mépris pour ce phénomène. En raison de la Shoah, l'antisémitisme est un luxe qu'aucun mouvement politique (peu importe son degré de cynisme) ne peut se permettre. Quiconque est identifié comme un antisémite devient un paria culturel et idéologique, illégitime, que l'on n'invite plus aux réceptions officielles (et qui perd les élections).

Il sera donc intéressant de voir comment cette communauté manifestement antisémite va réussir à se glisser hors du piège, qu'elle a elle-même fabriqué, et comment le scénario des politiques et des décisions anti-israéliennes des années passées va se développer.

Selon la pensée européenne, l'antisémitisme en Europe est un phénomène marginal, qui n'a rien à voir avec la critique légitime de l'Etat d'Israël et avec le mépris total qui existe pour le "sanglant et répugnant" gouvernement Sharon, en train d'ériger un "mur d'apartheid".
Il y a trois ans, avant le déclenchement de ce que les Palestiniens appellent "l'Intifada d'al-Aqsa", les Européens, en particulier les Français et les Allemands, auraient ri au nez de quiconque aurait prédit qu'il y aurait bientôt des incendies volontaires de synagogues et d'écoles juives, des agressions physiques contre les Juifs dans les rues, ou des
rabbins conseillant à leurs fidèles de ne plus porter de kippa ou tout autre signe reconnaissable indiquant leur judaïté en public.
Cela est en soi risible, étant donné le mécanisme politique au travers duquel l'antisémitisme a été vectorisé et a gagné en légitimité. L'attribution en novembre dernier du prix annuel de la British Cartoon Society - l'association britannique des dessins humoristiques - à un dessin où Sharon est dépeint arrachant d'un coup de dents un enfant palestinien n'est autre qu'une expression effrayante de ce phénomène. Et les exemples abondent.

La bonne nouvelle est qu'un débat plus large s'est ouvert sur le sujet de la légitimité d'Israël au sein de l'Europe, et que les relations commerciales entre les deux entités sont bonnes. D'autre part, lorsque des institutions au savoir supérieur renvoient des professeurs juifs ou pro-israéliens de leurs universités, les autorités sont obligées d'agir.
Il y a peu de temps, un dîner organisé aux Etats-Unis par la Ligue anti-diffamation a mis à l'honneur le Président italien Silvio Berlusconi pour sa prise de position différente de celle typique de l'Europe. Et en effet, lorsque le Premier ministre Ariel Sharon s'est rendu à Rome en visite officielle récemment, il a été accueilli avec bienveillance.

Pourtant, l'Italie n'est pas le seul pays qui autorise un certain optimisme. L'Espagne, le Portugal, la Hongrie, le Danemark, l'Estonie, la Lettonie, la Slovaquie, la Slovénie, Chypre et Malte (qui doivent rejoindre la communauté des nations européennes en mai 2004) comprennent qu'une Europe antisémite n'est ni présentable ni acceptable aux yeux des Etats-Unis, qu'ils considèrent comme leur allié et leur ami le plus loyal.
Sur un tout autre registre, les Chrétiens d'Europe ne sont pas convaincus par la décision de l'Eglise de permettre aux propagandistes palestiniens de présenter Jésus comme un Gentil (pire encore, comme un Palestinien). Pour certains, cela manque de légitimité.

En résumé, l'antisémitisme provoque la discorde, encourage le terrorisme et rend la crise idéologique avec les Etats-Unis beaucoup plus profonde. Les Juifs doivent cesser de donner aux hommes politiques européens un alibi en les invitant dans leurs synagogues pour les écouter défendre leurs préjugés contre Israël sans qu'ils soient accusés d'antisémitisme..

Pour sa part, l'Europe a deux choix : soit elle essaye de comprendre les préoccupations légitimes d'Israël en matière de sécurité dans le cadre de ses efforts pour la paix, soit elle accuse Israël et la Diaspora de mauvaise foi. Si elle choisit la deuxième option, l'explosion de bombes terroristes au coeur de la communauté européenne n'est alors plus qu'une question de temps.


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