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LES DÉLIRES DE LA HAINE ANTI-ISRAÉLIENNE

 

par Claude Lanzmann

 

La haine préexiste à ce dont elle prétend se nourrir. En choisissant de voler au secours de Yasser Arafat, torse bombé et moustache batailleuse offerts dans les rues de Ramallah aux caméras de télévision et aux flashes des photographes comme à autant de balles de tueurs sans visage, José Bové entendait signifier que le camp si ostensiblement choisi par lui était celui du Bien absolu, sans discussion possible.

 

Il n'avait de sa vie jamais mis un pied en Israël - sauf pour y atterrir et se ruer les yeux fermés vers les territoires de l'Autorité, auprès du grand reclus. De l'histoire d'Israël et du sionisme, de la Shoah, du centenaire conflit israélo-arabe, des raisons et concaténations qui conduisirent à la situation actuelle, il ne savait rien, n'en voulait rien savoir. Jamais homme ne coïncida à ce point avec lui-même, ne parut si sûr de son fait et de sa cause, sauf peut-être ce vieil entêté d'abbé Pierre auquel notre nouveau José ressemble par plus d'un trait et d'abord par la notoriété (anti) mondialisée.

 

A ses côtés, la "brigade" des soi-disant "internationaux", femmes et hommes, membres du Comité civil international de protection du peuple palestinien (CCIPPP), résolus à s'enfermer, pour lui faire un rempart de leur corps, autour d'un Arafat au keffieh éclairé de la pauvre lueur fuligineuse d'une bougie (en Terre sainte, la bougie n'est pas rare), tel un roi mage dans la grotte de Bethléem, scène christique s'il en fut, ce qui n'était pas un hasard.

 

On se demandait comment le Rais, les membres de son gouvernement et de son état-major, la centaine de CCIPPP, volontaires pour la promiscuité, le froid, la faim, l'obscurité, parvenaient à subsister et à tenir tous ensemble dans un espace si compté et souterrain en plus puisque, selon les communiqués qu'ils diffusaient dans la presse, sur les radios, à la télévision et sur Internet dont ils ont la parfaite maîtrise, le complexe des bâtiments présidentiels (Mouqata'a) était en voie d'anéantissement sous l'implacable canonnade des chars israéliens.

 

On sait aujourd'hui qu'il n'en était rien: s'ils furent en effet encerclés par les blindés, ces immeubles sont pour la plupart demeurés intouchés et nul "international" ne perdit, Dieu soit loué, la vie.

 

En Espagne, ce fut autre chose, les hommes véritables des véritables brigades internationales, allemandes, françaises, américaines, etc., moururent par milliers, héroïquement, dans les combats de Teruel, Albacete, Madrid, Barcelone, Malaga. On peut pardonner aux CCIPPP de vivre en des temps peu épiques, sans grandeur ni utopie, qui les vouent à la parodie. Cela ne justifie pas qu'on passe de la parodie à la posture, à l'outrance, au mensonge, à la propagande, au faux témoignage.

 

Il faut le dire: les faux témoins incendiaires n'ont pas manqué depuis le début de l'opération "Mur de protection". Le 16 avril, Le Monde publiait sur deux pleines pages, avec toute la révérence que ce journal attache à la culture, trois très longs textes d'écrivains et de surcroît membres de l'autoproclamé Parlement international des écrivains, statut censé cacheter leurs propos du sceau du vrai et de l'irréfutable: l'Espagnol Juan Goytisolo, le Sud-Africain Breyten Breytenbach, le Nigérian Wole Soyinka, Prix Nobel de littérature 1986, tous trois faisant partie d'une délégation dudit Parlement qui, invitée par les Palestiniens et s'érigeant en commission d'enquête supposée impartiale, s'était rendue "dans les territoires occupés et en Israël" entre le 24 et le 29 mars.

 

Je ne dirai rien ici de Goytisolo qui, juge et partie depuis tant d'années, devrait se récuser lui-même comme témoin. Rien non plus du Nobel nigérian, si visiblement embarrassé d'avoir à rédiger son remerciement "depuis la paix relative de la Californie" après un tel voyage-éclair et si conscient du caractère parcellaire et unilatéral de ses impressions qu'il s'abrite, sur quatre colonnes, derrière la fable mythologique: Ulysse-Arafat chez les Cyclopes, prisonnier du géant aveuglé Polyphème (lire: Sharon, auquel "correspond si bien la figure de Polyphème jusque sur le plan physique"). C'est le rusé Ulysse, n'en doutons pas, qui triomphera.

 

Breytenbach ne ruse pas. Il opte, lui, pour l'attaque frontale, lettre ouverte au général Sharon, traitant d'emblée les Israéliens de "Herrenvolk", vocable par lequel les nazis s'autodésignaient (littéralement "peuple de seigneurs" ou "peuple de maîtres"), assortissant l'insulte d'une restriction qui en vérité la redouble: "Je m'excuse si mon allusion à Israël comme Herrenvolk peut blesser à cause des échos d'un passé récent, quand, en Europe, tant de juifs ont été les victimes de la solution finale." Pourquoi "tant de juifs"? Le nombre est connu.

 

Breytenbach, sait-on, est poète. Il l'était peut-être. Il n'est plus aujourd'hui qu'un rhéteur emporté par son emphase: il n'y a en lui ni émotion vraie ni compassion authentique pour les Palestiniens. Habité, hanté de vide, il ne peut que mesurer l'énormité de ses proférations, mais, incapable d'y renoncer ou de faire marche arrière, il réagit par l'escalade et la surenchère (soit dit en passant, cela décrit avec exactitude le mécanisme de la décision chez Adolf Hitler, qui se ligotait par ses propres paroles et défiait ainsi l'avenir: il proclamait irrévocables ses pires résolutions car son coeur était creux).

 

Comme José Bové, Breytenbach n'avait jamais posé un pied ni en Israël ni en Palestine: "Je n'ai vu Israël que rapidement, en arrivant et en partant, après avoir passé une nuit dans l'hôtel Intercontinental David de Tel-Aviv, luxueux mais sombrement désert...", écrit-il sans rire. Désert, et pour cause: les "martyrs" ceinturés d'explosifs découragent les rassemblements de touristes dans les lobbies des palaces. Après deux nuits et quatre jours, voici donc les conclusions auxquelles est parvenu M. Breytenbach: "L'horreur de ce que vous faites nous submerge", "atrocités", "bain de sang", "massacre d'innocents", "crimes de guerre", "crime contre l'humanité", "terre effrontément volée", rien de plus ici que le b a ba du discours ordinaire de la propagande victimologique.

 

Mais le poète doit percer: Breytenbach passe soudain de Charybde à Scylla, c'est-à-dire de Sharon à Nétanyahou, et s'adresse au premier en ces termes choisis: "Vous pensez de façon cynique que vous pouvez vous en tirer tant que vous allez dans le sens supposé des intérêts vitaux des États-Unis. Je pense que vous vous moquez comme d'une figue de Jaffa des intérêts des Américains. Vous devez sans doute les mépriser à cause de leur matérialisme grossier et de leur ignorance du monde. C'est vrai, votre vendeur de voitures d'occasion, Nétanyahou, a utilisé plus ouvertement encore cette technique de propagande grossière, comme s'il avait été un doigt sale en train de tordre le clitoris d'une opinion américaine en pâmoison [souligné par moi C. L.]."

 

Pourquoi le doigt de Benyamin Nétanyahou est-il nécessairement sale, pourquoi un clitoris doit-il être tordu, pourquoi la torsion, douloureuse par définition, entraîne-t-elle la pâmoison? On pourrait s'interroger sur les murs et les pulsions intimes de Breyten Breytenbach. Quoi qu'il en soit, son appréhension de la relation politique en termes de domination sexuelle autorise toutes les inversions. Un peu plus loin, en effet, le poète apostrophe brutalement Sharon en lui jetant comme un crachat: "Les grognements de vos patrons de Washington..." C'est la haine de la souveraineté d'Israël qui s'exprime ici sans masque, c'est l'idée même de l'existence et de la légitimité d'un Etat juif qui est mise en question par de pareilles insultes.

 

Israël, M. Breytenbach, n'a pas de patrons, aucun soldat américain n'a jamais versé son sang à la place d'un soldat israélien. Et combien de pays dans le monde, arabes entre autres, dépendent-ils, autant ou plus qu'Israël, de l'aide américaine? Maintenant, pourquoi ce mépris des "vendeurs de voitures d'occasion"? Les Nétanyahou sont une famille d'origine juive allemande, hautement cultivée, qui donna trois fils à Israël: Bibi, le soi-disant "vendeur", ambassadeur d'Israël aux Nations unies et premier ministre, Gabi, médecin à Jérusalem, et Yoni, le héros d'Entebbe, commandant en chef d'une unité d'élite de Tsahal, qui perdit la vie sur l'aéroport de la capitale ougandaise au cours de l'extraordinaire opération de sauvetage de l'appareil d'Air France détourné par les Allemands de la Fraction armée rouge en 1976. J'ai eu entre les mains les lettres de Yoni, pieusement rassemblées par ses deux frères (qui furent eux aussi membres des mêmes commandos de l'état-major): l'élévation d'esprit le disputait à l'intelligence, à la plus rigoureuse éthique et à une angoisse que M. Breytenbach n'entendra jamais.

 

Nos trois mousquetaires ont fait le même voyage, ils ont dû subir pour l'un "la mesquinerie hargneuse des contrôles [israéliens] aux checkpoints, qui n'ont que peu de rapport avec la sécurité", pour les autres l'ennui d'avoir à changer de véhicules et à porter leurs valises sur quelques dizaines de mètres au cours d'opérations de transbordement à travers les no man's land qui séparent les diverses zones.

 

Le transbordement est une vieille histoire: je me souviens m'être trouvé moi-même dans pareille situation à Jérusalem, bien avant la guerre de six jours de 1967. Passer de la Jérusalem arabe, alors jordanienne, à la Jérusalem juive ou inversement ne pouvait se faire qu'à pied, sur 300 ou 400 mètres, chacun traînant à bout de bras ses plus lourds bagages, et c'était un rare privilège. Il n'y avait qu'un point de passage: la porte Mandelbaum, aujourd'hui invisible.

 

Mais oui, les checkpoints, les vérifications tatillonnes d'identité, les longues files d'attente quelquefois interminables, tout cela existe, je l'ai montré sans rien cacher, avec le plein accord de l'armée israélienne, dans plusieurs séquences de mon film Tsahal. Mais oui, les Palestiniens de la bande de Gaza qui travaillent en Israël sont contrôlés chaque jour à l'aller comme au retour. Mais oui, M. Breytenbach, cela a un rapport avec la sécurité, et avec elle seule: la terreur, les embuscades, les assassinats, sont eux aussi, pour Israël, une longue habitude, et il protège ses vies autant qu'il le peut. Vous semblez croire que des barbares arrachent les oliviers par plaisir, qu'ils détruisent les maisons au bulldozer ou les font sauter à la dynamite par sadisme pur. C'est l'inconvénient du tourisme humanitaire à grande vitesse, vous n'avez qu'un son de cloche et ne voulez entendre que les raisons et la plainte des communicateurs palestiniens, plainte rodée, théâtralisée, rejouée et remise en scène jour après jour depuis cinquante-quatre ans, se nourrissant chaque fois à neuf de ses enflures anciennes et de ses mensonges historiques.

 

Pourquoi par exemple vos informateurs ne vous ont-ils pas dit, M. Breytenbach, que les oliviers arrachés sont ceux qui se trouvaient en bordure de route? Les tireurs s'embusquaient derrière leur feuillage et prenaient la fuite, leur action accomplie.

 

Mais il faut ce qu'il faut: la seule raison d'être du voyage des distingués "parlementaires" consistait à confirmer dans leurs certitudes les directeurs de la bien-pensance générale et à ameuter le monde en dénonçant Israël, essence et existence confondues, comme l'incarnation du Mal. C'est pourquoi ils pratiquent terme à terme l'inversion maligne, accumulant les signes négatifs: "Vos tanks préhistoriques" (sic), "le spectacle primitif des positions armées sous camouflage et de drapeaux israéliens sur des bâtiments de commandement" (Breytenbach), nazifiant Tsahal, hitlérisant Sharon, changeant les Palestiniens en victimes sans défense, rejetant sur le seul Israël la responsabilité de la situation.

 

Nulle mention, dans leurs propos, des négociations de Camp David et de Taba, de l'accord que chacun croyait pratiquement réalisé à partir des propositions d'Ehoud Barak (restitution de la totalité des territoires à l'Autorité palestinienne, double souveraineté sur Jérusalem, reconnaissance par Israël d'une dette envers les réfugiés et retour d'un certain nombre d'entre eux, etc.). Cela est un fait auquel l'intoxication et les démentis de la propagande anti-israélienne, relayés sur Internet, depuis la Mouqata'a, par un homme de théâtre français, membre actif du CCIPPP, ne changeront rien: l'État palestinien allait être créé, une vaste majorité des citoyens d'Israël y consentait, jamais ce pays ne s'était senti aussi proche de la paix, ne l'avait autant souhaitée

 

Arafat n'a pas voulu de cette paix, parce qu'elle aurait résulté de la négociation, qu'elle l'aurait contraint lui aussi à de douloureux compromis, qu'elle eût impliqué une reconnaissance véritable et sans arrière-pensées d'un État d'Israël aux côtés de l'État palestinien, le renoncement au double jeu, au double langage, à l'autre fer au feu qu'est le terrorisme, en un mot la fin de l'irrédentisme.

 

L'internationalisation du conflit n'a jamais cessé d'être l'objectif des leaders palestiniens. Je me souviens d'Ahmed Choukeiry, le prédécesseur d'Arafat, nous déclarant sans ambages, à Jean-Paul Sartre (qui était un Parlement à lui seul) et à moi, en mars 1967 à Gaza, alors sous contrôle et administration de l'Égypte, qu'il préférait la guerre générale, voire la guerre mondiale, à toute tentative de règlement avec Israël.

 

C'est aussi la raison pour laquelle il fallait impérativement maintenir le cancer des camps de réfugiés, entretenus par la seule UNWRA - "création de l'impérialisme américain", faisait observer Sartre à Gamal Abdel Nasser, qui n'en disconvenait pas. La guerre de six jours devait éclater trois mois plus tard!

 

L'irresponsabilité des écrivains et des intellectuels pour qui l'existence même d'Israël est le péché originel a pour corollaire le refus de prendre en compte la genèse des événements. Pas un mot sur le déclenchement brutal de la deuxième Intifada, dite "Al Aqsa" (et personne, aujourd'hui, n'ajoute sérieusement foi à la fable du réflexe pavlovien déclenché par la présence de "Polyphème" sur l'Esplanade des mosquées), qui visait précisément, par les morts et le sang inévitablement versé, à l'internationalisation que je viens d'évoquer, qui eut pour conséquence immédiate la défaite électorale d'Ehoud Barak et l'avènement de Sharon, tout en changeant radicalement la nature des affrontements et la psychologie des combattants.

 

Car les Palestiniens, cette fois et au contraire de ce qui s'était passé pendant la première Intifada, contrôlaient des territoires et possédaient une force armée. Ce n'était plus une guerre des pierres, mais une guerre véritable, malgré la disproportion des moyens militaires sur laquelle on s'est appesanti. Les règlements de tirs et d'ouverture du feu, l'usage de divers types de balles (plastique, caoutchouc, balles réelles), étaient, dans les années antérieures, j'en témoigne, rigoureusement et talmudiquement codifiés, généralement respectés et obéis: les soldats ne tiraient à balles réelles que lorsqu'ils estimaient leur vie en danger. Cela a été d'emblée et très souvent le cas dès le commencement de la deuxième insurrection. Profondément las de la guerre, les jeunes soldats de Tsahal ont réagi avec violence dans les combats qu'ils eurent à livrer: qui veut être le dernier mort de la guerre ou le premier de la paix?

 

Cette guerre, tel est son paradoxe - et sans doute la faute majeure d'Oslo, qui a laissé pour la fin les problèmes difficiles et cruciaux -, a été d'autant plus âpre que la paix semblait acquise. En mettant en oeuvre la pire stratégie de la terreur victimaire - les bombes humaines, qui se donnent la mort pour perpétrer les plus abominables carnages -, les Palestiniens ont opéré dans l'escalade un véritable saut qualitatif.

 

Lorsque des "colons" étaient assassinés, il était déjà intolérable de lire dans la presse, relégué en un coin de page: "une femme colon a été tuée" ou pire encore "un bébé colon a été étranglé", comme si la double stigmatisation de juif et de "colon" permettait de comprendre l'assassinat, le justifiait et ne méritait pas qu'on s'y arrêtât.

 

Quand ce fut le tour des "martyrs" de se faire sauter, pratiquement chaque jour et même plusieurs fois par jour, à Jérusalem, Tel-Aviv, Netanya, Haïfa, dans les discothèques, les marchés, les autobus, les salles de mariages et de communions, les synagogues, l'événement, là encore, devint rapidement une routine. Il fallait le chercher dans les pages intérieures, comme s'il allait de soi que les Israéliens dussent payer de leur vie le simple fait de vivre là-bas. On ne s'attaquait pourtant pas cette fois aux seuls "colons" des territoires occupés, mais à tout Israël; c'est Israël tout entier qui devenait une "colonie", et la mort ainsi portée et administrée ne signifiait rien d'autre que la revendication sauvage de la Grande Palestine, le désir manifeste de l'éradication d'Israël.

 

Nul gouvernement, nul Etat au monde n'aurait supporté sans réagir le massacre planifié de ses citoyens. Les grands visionnaires, et même Barak, qui se définissait dans Tsahal comme un "visionnaire pratique", avaient échoué. La vue de Sharon-Polyphème était peut-être courte, mais celui-ci avait décidé de faire ce que les Israéliens attendaient de lui: en finir, pour un temps au moins, avec la terreur, aller débusquer ceux qui la perpétraient là où ils se terraient, dans les lieux à partir desquels ils lançaient leurs opérations de mort.

 

Au contraire de ce que veut faire croire Wole Soyinka, le premier ministre n'était pas aveugle: il savait qui chercher, où chercher. Il était clair que la réoccupation des villes palestiniennes et des dédales que sont les camps de réfugiés ne se ferait pas sans combats, souvent impitoyables.

 

Les attentats-suicides, ou plutôt homicides, détruisent la possibilité et jusqu'à l'idée même de "lois de la guerre". Les jeunes recrues d'Israël étaient sûres d'être lynchées si elles étaient faites prisonnières, et à Jénine, c'est après que treize d'entre elles, attirées dans une embuscade, eurent été déchiquetées par un "martyr", après qu'il se fut avéré que tout - et jusqu'aux cadavres même - était piégé de charges explosives, que fut prise la décision de bombarder.

 

Comme le dit très bien Alain Finkielkraut, "Israël n'avait pas d'autre choix que de tenter de juguler lui-même le terrorisme. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de solution militaire qu'une réaction militaire est frappée d'illégitimité. (...) On ne peut à la fois terrifier les gens et leur demander d'obéir scrupuleusement aux conventions de Genève" (La Croix du 17 avril). Jusqu'à nouvel ordre, et même si d'inévitables exactions ont été commises, Tsahal, une des très rares armées de conscription aujourd'hui dans le monde, n'est ni un ramassis de voleurs ni une bande d'assassins.

 

Tandis que se déroulait l'opération "Mur de protection", la diplomatie française, conseillée par les géostratèges du Parti socialiste, s'associait avec entrain aux pires projets de résolutions des Nations unies. Cinq pays seulement, dont la Tchéquie de Vaclav Havel, qui avait fourni à Israël les armes de la guerre d'indépendance, s'y opposèrent. Ce que masquaient à peine les dizaines d'articles et de pétitions réclamant l'envoi d'une force internationale était le désir d'en finir avec l'insupportable souveraineté israélienne.

 

Certains, qui n'eurent pas un mot pour dénoncer les attentats-suicides et la perte des vies juives, suppliaient angéliquement Israël de ne pas "perdre son âme". D'autres, avec une intrépidité de néophytes, sautaient le pas en plaidant "pour une citoyenneté palestinienne": on s'apercevait à la lecture que l'auteur, souverainiste de choc en France, ne revendiquait pas moins que l'autodissolution de l'État d'Israël dans une entité purement palestinienne, qui consentirait généreusement à tolérer les "bons juifs" et à leur accorder la citoyenneté palestinienne. En revenir, autrement dit, au statut de dhimis, qui était celui des juifs dans les pays arabes, bien avant la création d'Israël!

 

Il faut en finir avec ces rêves, ou ces délires. Il n'y aura pas d'intervention étrangère. Israël est tout à la fois une démocratie et une puissance. Les puissances le savent. La donne est peut-être maintenant changée en profondeur, et un accord moins difficile et plus proche aujourd'hui qu'on ne l'imagine.

 

Un dernier mot, qui concerne les "colonies" et a trait au bout du compte à la question de l'Autre. Beaucoup, parmi les "colons" - et surtout les plus religieux d'entre eux -, entretiennent avec la terre biblique, qu'ils appellent "Eretz Israël", une relation mystique. Le régime politique de souveraineté leur importe moins que le droit d'habiter cette terre, de rester où ils sont. Un certain nombre d'entre eux, je le sais, là encore, je l'ai montré dans mon film Tsahal, accepteraient d'être considérés comme des étrangers dans le futur État palestinien. De même qu'il y a des Israéliens vivant en France, en Italie ou aux États-Unis, pourquoi, demandent-ils, la future Palestine serait-elle le seul pays à eux interdit.

 

 Claude Lanzmann est cinéaste et directeur de la revue "Les Temps modernes"

 Le Monde, 10 mai 2002

 

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