www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

LA VRAIE LIBÉRATION DES PALESTINIENS

 

Le processus de paix échouera de nouveau, s'il n'est pas lié à une vraie démocratie et aux droits de l'homme.

 

Par Natan Sharanski, ex-dissident soviétique, ministre des affaires de la Diaspora et co-auteur avec Ron Dermer de l'ouvrage "le cas de la démocratie" (1)

Paru dans International Jerusalem Post du 10 décembre 2004.

Traduit librement par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued

 

La mort de Yasser Arafat a placé une fois de plus la recherche de la paix au Moyen Orient à la croisée des chemins. Il y a dix ans, les politiciens ont pris le mauvais chemin, pensant qu'on pouvait instaurer la paix en concluant un accord avec des dictatures.

Aujourd'hui, nous devons envisager un processus de paix ancré dans l'élargissement de la liberté et de la démocratie dans la société palestinienne.

On sera fortement tenté de revenir à la formule d'Oslo. D'ailleurs, il n'y a qu'à voir l'engouement de nombreux protagonistes à trouver rapidement l'homme fort qui réussira à juguler le chaos, tout en concluant un accord avec Israël. De même qu'ils voient les prochaines élections comme un moyen de rendre légitime un leader qui serait "renforcé" par les largesses occidentales et israéliennes.

 

Or c'est exactement cette mauvaise approche qui a si lamentablement échoué lors de la dernière décennie! Selon la logique d'Oslo, un homme "modéré" comme Arafat, devrait prendre les rênes, encouragé par les nations libres, afin qu'il puisse combattre le terrorisme et parvenir à un accord avec Israël. Malheureusement, on ne s'est jamais mêlé de la façon dont gouvernait Arafat; bien au contraire, on a pensé que son comportement despotique, loin d'être un obstacle à la paix, devait au contraire y aboutir. Quelques jours après la signature d'Oslo, Ytshaq Rabin déclarait qu'Arafat allait combattre le Hamas, "sans une Cour Suprême, sans droits de l'homme et sans la miséricorde des libéraux".

 

Ce qu'on n'a pas compris à ce moment là, et aujourd'hui encore non plus, c'est qu'un régime palestinien non démocratique serait une menace permanente pour la sécurité d'Israël.

Car les régimes dictatoriaux ont toujours besoin de mobiliser le peuple contre un ennemi extérieur, afin de maintenir une stabilité intérieure. C'est parce qu'elle a perdu Israël comme ennemi, en signant un traité de paix, que l'Egypte pratique à outrance l'incitation la plus abjecte à l'antisémitisme. C'est pourquoi le régime saoudien finance le wahabisme, la doctrine la plus fanatique de l'Islam, aussi bien en Arabie qu'à l'étranger, provoquant la vague de terreur internationale la plus meurtrière qu'on ait vu. Et c'est la raison pour laquelle l'Autorité Palestinienne, instaurée par les accords d'Oslo, a utilisé toutes les ressources fournies par l'Occident pour entretenir les campagnes de propagande les plus haineuses contre son voisin Israël, au lieu d'améliorer le niveau de vie de ses citoyens.

 

Aux Etats Unis, l'amendement Jackson par exemple liait le bénéfice de l'accord commercial dit "de la nation la plus favorisée" (qui exemptait des droits de douane les produits importés d'un pays), octroyé à l'Urss, à la condition que les citoyens de ce pays puissent émigrer librement. Comme ce moyen de pression était facilement mesurable, on savait à tout moment où on en était au niveau de la liberté dans ce pays.

Nous devrions nous aussi trouver des moyens concrets et tangibles pour savoir si les Palestiniens font des progrès dans la voie des réformes démocratiques. Et on devrait lier notre comportement directement aux résultats obtenus. En plus du droit des Palestiniens d'avoir une opposition libre et non muselée, d'autres mesures devraient être prises par les nouveaux dirigeants pour qu'ils soient crédibles.

Primo, le prochain dirigeant palestinien devrait s'occuper d'urgence de soulager la misère et la souffrance des centaines de milliers de citoyens qui vivent dans des camps, (au lieu de construire des édifices et des villas de prestige). Quatre générations de palestiniens ont été les pions de la politique arabe du refus et d'agression contre l'état d'Israël. Il faut démanteler aussitôt que possible tous ces camps et leurs habitants doivent être réinstallés dans un habitat décent.

Ces nouveaux dirigeants devraient abandonner leurs fantasmes de détruire Israël et consacrer leur énergie à des fins positives, en commençant par améliorer le niveau de vie de leurs congénères, quitte à ce que les nations du monde libre établissent une espèce de "plan Marshal" pour mettre fin à une situation honteuse et à un désastre humanitaire.

Secundo, il faudrait que cesse définitivement l'incitation à la haine du Juif  et de l'Israélien et à son meurtre, aussi bien dans les livres scolaires que dans les émissions des médias ou dans les prêches des mosquées. L'éducation des jeunes devrait commencer à promouvoir la paix et la coexistence avec son voisin.

Tertio, les dirigeants palestiniens devraient promouvoir les opportunités économiques à l'ensembles des citoyens (et ne pas les réserver seulement à une nomenclatura comme aujourd'hui). Pendant son passage dans l'Autorité Palestinienne, Yasser Arafat a géré les territoires comme une affaire personnelle et familiale, en écrasant la classe moyenne qui n'existe plus. Il s'est emparé de toutes les industries et de tous les négoces importants sous forme de monopoles. Il a contrôlé tous les permis de travail en Israël ainsi que tous les fonds d'aide venant de l'étranger. Un signe positif de la novelle ère serait de libérer l'économie et faire éclater les monopoles, en incitant la classe moyenne à investir.

 

En résumé, une nouveau leadership qui s'engagerait sérieusement dans les réformes politiques et économiques serait naturellement notre partenaire dans la lutte contre la terreur.

Il ne faut pas se faire d'illusions quant aux prochaines élections palestiniennes. À l'instar de celles de l'Union soviétique, le vainqueur est déjà choisi et n'aura rien à faire avec la démocratie (2). Les élections ne seront donc pas libres, mais il faut savoir aussi que de "vraies élections libres" ne peuvent se tenir qu'au bout d'un long processus de démocratisation.

Cependant qui que ce soit qui émerge des urnes en janvier devrait gagner la confiance et le soutien du monde libre et d'Israël. Comment? En gagnant la confiance de son propre peuple d'abord. C'est uniquement dans le cas où ce nouveau leader s'engagera dans la voie des réformes démocratiques qu'il sera crédible et pourra devenir légitime, vis à vis  de son peuple et vis à vis de l'extérieur. Alors il pourra recevoir l'appui moral et financier des nations et même récupérer un territoire. Dans le cas inverse, nous nous retrouverons à la case départ d'avant Madrid et aucune concession ne devrait être faite.

 

Lors des dix dernières années, on a mesuré la santé du processus de paix par le nombre de sommets tenus, par les rencontres de négociation, par le nombre d'envoyés sur le terrain ou par l'étendue des concessions faites par Israël. Personnellement je mesure cette santé par le niveau de liberté dont jouit le citoyen Palestinien dans sa société et la maladie de l'intifada a été le reflet d'une société de la peur et de la terreur.

 

Dans les mois et les années qui viennent, ceux qui voudront mesurer la situation du processus de paix devraient taire tout le bourdonnement médiatique environnant et se poser une seule question: y a –t-il plus de liberté aujourd'hui dans la société Palestinienne que le mois dernier, ou que l'année dernière ? Si la réponse est positive c'est que nous sommes sur la voie de la paix réellement.

 

Notes

Les parenthèses sont celles du traducteur.

(1) " The Case For Democracy: The Power of Freedom to Overcome Tyranny and Terror " par Natan Sharansky, Ron Dermer, Anatoly Shcharansky en anglais, autoédité et vendu à Amazon.com à 17,8 $ (13 euros).

 

(2) il faut savoir que les dirigeants choisis pour gouverner (avant des élections) sont tous formés à l'école des pays de l'Est…

 

© www.nuitdorient.com par le groupe boaz,copyright autorisé sous réserve de mention du site