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L'EUROPE, DANGER NUMERO UN POUR LA PAIX MONDIALE

par Michel Gurfinkiel, rédacteur en chef de Valeurs actuelles

En deuxième position, ex-aequo, l'Iran, la Corée du Nord et les Etats-Unis, avec 53 % de réponses. Suivent, par ordre décroissant, l'Irak et l'Afghanistan, la Syrie et la Libye, l'Arabie Saoudite, la Chine, l'Inde, la Russie et la Somalie. Israël a protesté officiellement contre une enquête qui, selon lui, semble n'avoir été organisée que dans le but de le dénigrer. Une accusation que le président de la Commission européenne, l'Italien Romano Prodi, prend tout à fait au sérieux, puis qu'il s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles ce sondage a été réalisé ou publié, et a tenu à préciser qu'il ne reflétait en aucune mesure les sentiments ou la politique de l'Union. La ministre française des Affaires européennes, Noëlle Lenoir, a fait part également de son émotion et de son inquiétude.

Il est difficile, cependant,  de rejeter l'Eurobaromètre en bloc. Il recoupe les résultats de sondages effectués dans chacun des pays membres.
Oui, Israël est diabolisé en Europe, et la France n'est pas, contrairement à ce que l'on pourrait croire, le pays où ce phénomène est le plus accusé: songez que le score anti-israélien le plus élevé de l'Eurobaromètre,  74 % a été atteint aux Pays-Bas. Oui, les Etats-Unis sont à peine moins diabolisés que l'Etat juif. Un autre Eurobaromètre, réalisé presque au même moment, indique que pour 68 % des Européens, la guerre d'Irak était totalement ou largement injustifiée, et que pour 65 % d'entre eux, il incombe aux seuls Etats-Unis, ou surtout aux Etats-Unis, de financer la reconstruction de ce pays, à titre, peut-on supposer, de dommages de guerre. Là encore, les sondages réalisés dans un cadre national concordent avec le sondage européen.

Le vrai problème, ce n'est donc pas la méthodologie de certaines enquêtes ni l'opportunité de les publier sous l'égide, auguste entre toutes, de Bruxelles, mais bien leur teneur. Comment un ensemble de pays démocratiques et développés, jouissant d'un coefficient socio-éducatif élevé, peut tomber dans la détestation de deux pays leaders en matière de démocratie et de développement ? Comment l'Europe peut-elle amalgamer dans la même phobie un Israël ou une Amérique qui luttent contre le terrorisme, d'une part, un Iran et une Corée du Nord où le terrorisme est doctrine d'Etat, d'autre part,  sans parler d'un Afghanistan ou d'un Irak qui étaient naguère encore des bases terroristes majeures ? Comment l'Europe peut-elle juger avec
indulgence (36 % seulement d'opinions défavorables) une Arabie Saoudite qui
ne respecte aucun des droits de l'homme, de la femme et de l'enfant inscrits dans les chartes et directives communautaires, et dont le rôle dans le terrorisme islamique mondial est établi ?  Comment l'Europe peut-elle avoir oublié si rapidement les méga-attentats perpétrés contre des populations civiles à New York, à Washington et à Pittsburg le 11 septembre 2001, ou refuse-t-elle de voir les attentats non moins atroces
perpétrés contre les civils israéliens ?

Coïncidence troublante: ce chiffre de 59 % d'Européens qui accusent Israël de constituer le plus grand danger mondial contre la paix en recoupe un autre. Selon un sondage réalisé au mois de septembre par l'institut Pori ­ sondage dont la méthodologie n'est ni plus, ni moins soupçonnable que celle de l'Eurobaromètre, ­ 59 % des Palestiniens vivant en Cisjordanie et à Gaza souhaitent en effet que les organisations Hamas et Djihad islamique, inscrites sur les listes des organisations terroristes établies
respectivement par les Etats-Unis et l'Union européenne, "poursuivent leur lutte contre Israël, même si Israël évacuait tous les territoires occupés, y compris Jérusalem-Est" . En d'autres termes, l'hostilité d'une forte majorité d'Européens à l'égard d'Israël est en proportion exacte de la haine absolue, radicale, ontologique, sans merci, sans la moindre ombre de pardon ou de rachat, qu'une majorité de Palestiniens, manipulés ou non, là n'est pas la question, vouent à ce pays, au-delà de toute querelle, njustifiée ou non, sur l'occupation israélienne.

Comment l'Europe peut-elle ne pas s'en rendre compte ? Comment l'Europe peut-elle ne pas s'interroger sur ce que cela signifie, pour la population israélienne et pour des
gouvernements israéliens successifs, de gauche et de droite, d'être confrontés à des voisins immédiats qui les promettent en tout état de cause, quelles que soient leurs concessions ou leurs capitulations,  au génocide ou au démocide ?

Soyons clairs, l'Europe n'est pas tombée si bas par hasard, malchance, ou inadvertance. L'Europe de 2003 est folle parce qu'on la rend folle. Parce que certains de ses dirigeants politiques et métapolitiques, issus de la gauche et de la droite, de l'extrême-droite et de l'ultra-gauche, poursuivent délibérément, systématiquement, le projet d'un Empire européen qui, en s'alliant à un Empire islamique, renverserait la puissance
américaine  et ce que cette puissance, jusqu'à ce jour, implique ou conforte: une civilisation libre, une économie libre, des peuples libres, le progrès technologique et l'essor des droits réels de l'homme et du citoyen. Tout n'est pas encore joué. Je mentionnais les réactions que l'Eurobaromètre avait  suscitées chez des dirigeants européens de premier plan. Je pourrai également mentionner le malaise, la stupéfaction, le dégoût, que l'affaire Tarik Ramadan a provoqué chez beaucoup d'hommes
politiques ou d'intellectuels français, notamment à gauche. Mais si l'on veut empêcher le désastre, si l'on veut arracher l'Europe au dibbouk ou au Nosferatu néo-totalitaire qui est en train de s'emparer d'elle, il faut agir vite et bien. A quoi bon s'indigner des propos d'un Tarik Ramadan, si l'on ne le poursuit pas, ou si l'on subventionne, par ailleurs, les forums et tribunes où il s'exprime impunément ?

De tous les chiffres de l'Eurobaromètre,  il en est un que je n'ai pas encore cité et qui, finalement, m'inquiète encore plus que les autres.. Les Européens ne croient pas être un danger pour la paix mondiale. Ils ne sont que 8 % à penser qu'ils pourraient en constituer un. En fait, c'est le contraire qui est peut-être vrai. L'Europe de 2003 est dangereuse parce qu'elle ne voit pas ou ne veut pas voir la monter des dangers. Elle est dangereuse parce que le mal est déjà en elle. Elle est dangereuse parce que, quand bien même voudrait-elle lutter, ses forces déjà lui manquent.

© Michel Gurfinkiel, 2003