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LES NOUVEAUX DISSIDENTS

 

Par Albert Soued , écrivain,  www.chez.com/soued

Paris le 12 décembre 2004

 

Consciemment ou non, la France se trompe de diagnostic au Moyen Orient. Révolutionnaire et romantique, la France est "demeurée" dans les idéologies des années 50/60 du siècle dernier, celles des nationalismes et des libérations nationales. La France n'est pas isolée, la plupart des élites, des intellectuels et des médias occidentaux ainsi que la gauche israélienne sont dans le même état d'esprit et font ce même raisonnement. "Les pays arabes ne sont pas mûrs pour la démocratie, laissons-les résoudre leurs problèmes; après tout, s'ils n'ont pas évolué sur le plan socio-religieux et s'ils sont en régression économique, s'ils préfèrent un régime autocratique ou dictatorial plutôt qu'une démocratie, en quoi cela nous gêne? Le seul problème qui risque de nous sauter au visage (cf pénurie de pétrole, terrorisme, guerre) est celui posé par la présence d'un état juif au sein du Moyen Orient et l'occupation de "terres arabes". Il faut donc le résoudre d'urgence…en faisant pression sur le seul partenaire capable de faire des concessions nécessaires à la paix de la région, l'état d'Israël; de plus, en donnant cet os à ronger à nos populations ainsi qu'aux populations arabes, on gagnera du temps". Et cela dure depuis 1967…

Mais pas pour longtemps, car le moment de vérité approche, grâce à celui qui a été le catalyseur d'une nouvelle approche et d'une nouvelle donne au Moyen Orient, le président G W Bush qui vient d'être réélu à la Maison Blanche pour 4 ans encore…au grand dam de nos médias qui répètent les mêmes litanies anti-américaines depuis des décennies, sans vraiment comprendre l'évolution de la situation.

Le président GW Bush a reçu récemment chez lui le célèbre dissident soviétique Natan Sharanski pour discuter avec lui de son nouveau livre "La démocratie et la liberté sont les forces qui viennent à bout de la tyrannie et de la terreur" (1). Natan Sharanski a qualifié le président Bush de "dissident du monde", car son programme pour le Moyen Orient défini en juin 2002 va à contre-courant de la pensée politico-islamiquement correcte qui prévaut dans le monde occidental et même dans certains milieux à Washington. Le président Bush a pris la tête d'une dissidence qui combat les idées reçues, celles du non-alignement et de la neutralité d'après-guerre et celles de l'antimondialisme, du non-interventionnisme et du nouvel anti-judaïsme d'aujourd'hui. Les Etats-Unis doivent intervenir contre les terroristes et les états qui les hébergent, ils doivent promouvoir la démocratie et la liberté au Moyen Orient; ils doivent aider cette région à se développer et à se moderniser.

Cette dissidence qui ose s'afficher est récente. Elle rassemble curieusement tous les arabes modérés, les quelques alliés qui demeurent dans la coalition en Irak, la majorité des opinions américaine et israélienne, des minorités menacées au sein des pays arabo-islamistes et au sein d'une Europe en voie d'arabisation (coptes, maronites, chrétiens d'Orient, berbères, kabyles, juifs, corses…) et tous les groupes ici ou là qui défendent les idées de liberté et de démocratie et qui ont fait un diagnostic contraire à celui de la France officielle quant à la situation au Moyen Orient, c'est à dire que le danger viendrait des intégristes islamistes et des régimes féodaux et autoritaires qui les hébergent et non du conflit israélo-palestinien. Ces dissidents sont encore minoritaires dans le monde (2).

 

Quand un pays comme la France tolère une justice à deux vitesses, l'une pour les conflits usuels, l'autre pour les conflits impliquant des maghrébins, quand le chef de l'état se déplace à plusieurs reprises pour aller au chevet d'un terroriste notoire ou se recueille devant sa dépouille, quand un Conseil supérieur autorise la diffusion en Europe d'une chaîne appartenant à une organisation islamiste, reconnue comme terroriste et dangereuse…on est en droit de se demander s'il ne s'agit pas des signes précurseurs d'une société qui se désagrège. Les nouveaux dissidents sont les résistants dans une guerre mondiale d'une nature différente, une guerre contre des ténèbres qui envahissent insidieusement la planète et qui sont déjà là. Ils doivent aujourd'hui se manifester et résister.

Quant au conflit israélo-palestinien, le président Bush est le premier président américain à préconiser une solution basée sur deux états démocratiques l'un juif, l'autre palestinien vivant côte à côte dans la paix et la sécurité (3). Si l'environnement arabe était favorable, cette solution aurait déjà vu le jour après Oslo en 1995, mais la dictature, la corruption et la terreur ont vite occupés les territoires évacués par Israël.

La stabilisation du Moyen Orient ne viendra que de sa démocratisation progressive et de son alignement économique sur les pays développés, dans l'expression d'une religion modérée, excluant tout extrémisme. Or ces changements ne peuvent être spontanés, car toutes les voix libérales et modérées ont été bâillonnées soit par l'état, soit par l'autorité religieuse établie, soit par les deux confondus.

Sous la pression des "nouveaux dissidents", des élections démocratiques quoique imparfaites ont eu lieu en Afghanistan, mais c'est un début et le processus prendra le temps qu'il faudra sous la surveillance des nations libres. Sous la houlette des mêmes "dissidents", il en sera de même en Irak, avec la patience nécessaire pour faire évoluer les mentalités dans un environnement clos jusqu'ici. De proche en proche, le régime dictatorial et minoritaire de Syrie tombera; il en est de même de celui des ayatollah en Iran. Et celui-ci ne peut se maintenir qu'en menaçant l'Occident de ses fusées nucléaires, si on le laisse parvenir à ses fins.

Une lutte idéologique est aujourd'hui en cours à ce sujet entre les "nouveaux dissidents" et les forces d'inertie conformistes et finalement réactionnaires: faut-il intervenir en Iran ou laisser faire? À notre avis l'avenir de la doctrine Bush et des dissidents dépendra sans doute de ce choix.

 

(1)   " The Case For Democracy: The Power of Freedom to Overcome Tyranny and Terror " par Natan Sharansky, Ron Dermer, Anatoly Shcharansky en anglais, autoédité et vendu à Amazon.com à 17,8 $ (13 euros).

(2)   On saura que la situation s'est renversée quand par exemple le chauffeur de taxi malais qui vous prend à l'aéroport de Singapour pour vous amener en ville vous dira "we got rid of a terrorist" - "on a été débarrassé d'un terroriste" au lieu de vous dire "Jews have poisoned Arafat".

(3)   Une lettre du président Bush au 1er ministre israélien précise qu'il est préférable que les réfugiés arabes soient installés en Palestine plutôt qu'en Israël…

 

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