www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

UN PÉCHÉ  ARABE IMPARDONNABLE

Une voix courageuse et pertinente d'une femme de l'intérieur de la société cairote

 

Article par Mme H'ayat Alvi-A'ziz, professeur assistante de science politique, spécialisée dans le Moyen Orient et les études islamiques à l'Université Américaine du Caire.

Paru dans le "International Jerusalem Post" du 8/14 avril 2005.

Traduit et adapté par Albert Soued -  www.chez.com/soued/conf.htm

 

Si vous voyagez dans le compartiment des femmes du métro du Caire, vous êtes sûr d'être le témoin d'une scène remarquable, devenue habituelle. Une personne va se lever et prêcher l'Islam.

Cela pourrait être une fille de 12 ans ou une jeune adulte, ou une femme plus âgée. Quel que soit leur âge, ces femmes ont en commun de porter le voile et de réciter des versets du Coran d'une voix très forte. Captivées, les autres voyageuses acquiescent et même chantent en chœur les prières qu'on leur demande de répéter.

Quel est le message de ces prêcheuses pour les masses? Elles insistent sur l'importance d'obéir aux commandements d'Allah, de prier 5 fois par jour et de porter le "h'ijab".

De la même manière aujourd'hui, dans des taxis du Caire, des magasins, des bureaux et même des laboratoires médicaux des haut-parleurs déversent à plein volume des récitations du Coran. Dans les mosquées voisines, les sheikhs hurlent aussi leurs sermons du vendredi dans des haut-parleurs perchés sur le haut des minarets, terrorisant les passants par des mises en garde contre les péchés qui peuvent les entraîner en enfer.

 

Personne ne parle des problèmes quotidiens qui nous assaillent. Les sermons se moquent de notre santé, comment obtenir de meilleurs soins, comment purifier l'environnement, comment réduire l'analphabétisme, comment améliorer notre niveau de vie ou contribuer au progrès et au développement de la société. Non! Ces défis ne sont pas dans les prêches, pourtant on en parle dans le Coran. Le silence qui couvre les problèmes humains qui nous envahissent est l'image d'une "crise de rejet de la modernité" par les sociétés musulmanes du Moyen Orient, d'Asie du Sud et même d'Occident. Les seules préoccupations concernent la pratique religieuse, les règles d'habillement, les principes de morale, la séparation des sexes et eh oui! la condamnation systématique des Etats-Unis et d'Israël. (1)

 

Silence et rejet de la modernité peuvent paraître étonnants quand on regarde les statistiques. On classe aujourd'hui les pays selon leur "développement humain" (HDI: index de développement humain), synthèse de trois critères, la connaissance, la santé et le niveau de vie. Ces critères sont quantifiés par le niveau d'éducation et le degré d'alphabétisation pour le premier, l"espérance de vie pour le second et PNB/hab en $ pour le dernier.

Et il n'y a pas de quoi être fier quand on regarde les chiffres dans le monde musulman. Ainsi au Pakistan l'espérance de vie est de 63 ans et le PNB/hab de 2100$. Le niveau de l'alphabétisation est alarmant 60% pour les hommes et 30% pour les femmes. Avec une espérance de vie de 70 ans, en Egypte et au Maroc, on a un meilleur niveau de vie (4000$/hab) et l'alphabétisation est de 68%/64% pour les hommes et 47%/39% pour les femmes. À titre de comparaison, en Norvège l'espérance de vie est de 79 ans, le PNB est de 37 800 $/hab et 100% pour l'alphabétisation.

Or les choses auraient pu être différentes. Même en Malaisie, le pays musulman considéré comme à l'avant-garde, les chiffres restent faibles: espérance de vie 72 ans, alphabétisation 92% et 85%, PNB/hab 9000$.

Sans aucun doute, il y a une corrélation entre ces trois critères d'évaluation du développement humain et il est patent que les sociétés musulmanes sont à la traîne. Quand on réfléchit comment combler ce retard, on bute sur deux obstacles inquiétants, le politique et le religieux. Sur le plan politique, presque tous les régimes arabo-islamiques sont autoritaires, pas démocratiques et sans aucune légitimité. Alors leurs gouvernements détournent l'attention de la population vers d'autres sujets que le développement humain. Sur le plan religieux, les élites établies, peu nombreuses, préfèrent maintenir les masses dans l'obéissance et la foi. Ce qui permet aux institutions religieuses dominées par les mâles de maintenir le statu quo et de ce fait leur autorité.

 

En ces temps de trouble et de confusion, la religion apporte la sécurité pour le plus grand nombre. La globalisation a précipité une crise identitaire sérieuse dans toutes ces sociétés traditionnelles. Et préserver son identité et son héritage culturel signifie redécouvrir la pratique religieuse et la foi. Ceci ne signifie pas que l'Islam soit incompatible avec la modernité. Mais le courant actuel prôné par les élites politiques et religieuses mène à une orthodoxie résolue, au conservatisme et même au fondamentalisme dans certains cas.

Ainsi en avril 2004, la France a expulsé 5 sheikhs musulmans qui enseignaient un Islam radical. Dans un cas, Abdelkader Bouziane a été expulsé parce qu'il préconisait le châtiment de la femme, la lapidation et d'autres raffinements médiévaux, contraires aux principes d'un état moderne. Le programme américain "60 minutes" a rapporté que "dans l'avenir, les voix fondamentalistes seront de plus en plus fortes, visant les jeunes désoeuvrés des ghettos et prêchant à partir des mosquées et des madrassas".

Aussi bien en Europe, qu'aux Etats-Unis et au Canada, un problème majeur est celui de l'importation des sheikhs à partir de communautés ultra conservatrices du monde musulman, pour venir exercer dans des sociétés aux valeurs occidentales, considérées par eux comme repoussantes, voire en contradiction avec l'Islam.

 

Un autre obstacle religieux de taille pour promouvoir le "développement humain" dans les sociétés musulmanes est la préoccupation envahissante du "monde à venir". Des sermons débités du haut des minarets jusqu'aux prêches dans le métro, il n'y a qu'un seul message qui ressort: ce monde-ci ne compte pas, c'est la vie au delà dont on doit se préoccuper. "Sauver son âme est le but suprême pour lequel on doit se battre au cours de la vie ici bas". Pour les Musulmans cela suppose de pratiquer les 5 piliers de l'islam, la foi en Allah, les 5 prières quotidiennes, le jeûne à ramadan, le pèlerinage à la Mecque, et les aumônes annuelles (zaqat). À cette liste, certains ajoutent le port du hijab pour les femmes et le jihad pour les hommes. À l'origine, il était question pour le jihad d'une lutte intérieure pour s'améliorer, mais cela est devenu la "guerre sainte"….

 

Si ces objectifs sont les seuls que la société musulmane cherche à accomplir, adieu l'éducation et le développement humain!… En maintenant leurs peuples dans l'ignorance, les gouvernants des pays arabo-musulmans espèrent qu'ils n'auront pas à rendre compte de leurs échecs et cela est un péché impardonnable.

 

Note de la traduction

(1) il est remarquable de constater que dès qu'il y a un attentat intégriste en Egypte contre des touristes, il est suivi dans la presse officielle d'une reprise des caricatures et des imprécations antisémites et anti-israéliennes.

 

© www.nuitdorient.com par le groupe boaz,copyright autorisé sous réserve de mention du site