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LA NOUVELLE DIRECTION PALESTINIENNE NE DOIT PAS PRENDRE DE DÉCISIONS POPULISTES, MAIS FAIRE PREUVE DE COURAGE ET PENSER AUX INTÉRÊTS DU PAYS.

 

Par le Dr Shaker Al-Nabulsi, intellectuel jordanien établi aux Etats-Unis, qui a publié le 4 janvier 2005, dans le quotidien qatari Al-Raya, un article intitulé "Mahmoud Abbas, et non "Abou Mazen".

Traduit et présenté par Memri - Dépêche spéciale n° 845

 

Les médias arabes doivent arrêter d'utiliser le surnom "Abou"

 

Tout d'abord, je demande aux médias palestiniens d'arrêter de répéter le surnom "Abou Mazen". Ce surnom est un reste de la révolution et de ses "Abou", étape qui s'est conclue avec la signature des Accords d'Oslo en 1993, (ouvrant sur la nouvelle) étape de la création d'un Etat palestinien, qui nécessite de la cervelle et du réalisme, non des poings et des "Abou".

 

Aujourd'hui, Mahmoud Abbas n'est pas un révolutionnaire ou le leader d'un gang guerrier. C'est un chef politique et un homme d'Etat. Il est venu, non pour mener une révolution visant à éradiquer Israël, mais pour construire un Etat palestinien et trouver un arrangement avec Israël à cette fin. Suite aux sommets d'Aqaba et de Charm El-Cheikh de 2003, (Abbas) a courageusement affirmé que le problème palestinien était un problème politique nécessitant une solution politique. C'est bien la seule déclaration réaliste qui ait été prononcée de toute l'histoire du conflit israélo-arabe, aucun autre dirigeant – pas même [l'ancien président égyptien] Abd El-Nasser – n'ayant osé en faire. Le prix qu'Abbas eut à payer (pour cette déclaration) fut le sacrifice temporaire de son avenir politique, Arafat lui ayant retiré le tapis rouge de dessous (les pieds) (…)

 

Pourquoi Arafat était "un os dans la gorge" des Palestiniens

 

Pour plusieurs raisons, et notamment pour les raisons suivantes :

La personnalité d'Arafat est restée la même qu'à l'époque où il était chef de guerre ; elle n'a pas évolué pour devenir celle d'un dirigeant politique responsable d'une nation dotée d'une histoire longue et complexe.

Arafat était atteint de mythomanie, la condition de ceux qui mentent compulsivement ; c'est l'un des symptômes de l'hystérie : on ment de façon inconsciente, comme on respire.

Arafat était l'un des dirigeants du Tiers monde capables de surprendre les décisionnaires de la région par des [actes] inattendus, comme avec la création des Brigades de martyrs Al-Aqsa, qui a accru la militarisation de l'Intifada et repoussé l'avènement de solutions pacifiques au problème palestinien (…)

Israël, l'Occident et les Etats-Unis ne croyaient pas aux paroles d'Arafat, à ses déclarations et décisions. Il ne s'agissait pas de décisions institutionnelles, mais de décisions individuelles, impulsives, qui dépendaient de la volonté de la masse palestinienne. Arafat passait son temps à demander, sans jamais rien donner en retour. En tant que dirigeant, c'était un tacticien, non un stratège.

Arafat était un dirigeant populiste, irrationnel, un dirigeant tiers-mondiste qui se plie à la volonté du public qui l'a créé et couronné, n'oeuvrant pas pour répondre aux besoins présents et futurs de ce public. Sa principale préoccupation était de contenter le public, qui suivait ses impulsions, saignant avec lui, souffrant de ses blessures narcissiques, religieuses, nationales.

Arafat et une poignée de poètes palestiniens, avec à leur tête Mahmoud Darwish, son conseiller culturel et le rédacteur de ses discours pendant plus de vingt ans, Samih Al-Qassem, Haroun Hashem Rachid, Izz Al-Din Al-Manasrah et d'autres encore, ont transformé le problème palestinien, qui est un problème purement politique, en problème imaginaire lyrique, qui faisait d'eux des superstars de la poésie. C'est ainsi qu'Arafat a refusé tous les arrangements politiques qui lui étaient offerts, qu'il considérait à travers les jumelles du poète Darwish, et non à travers celles d'un politicien réaliste (…)

Si (Arafat) avait été comme Nelson Mandela – ce qu'il aurait souhaité, il aurait signé les accords de paix de Camp David en 2000. Mais il ne l'a pas fait parce qu'il était Arafat et non Mandela.

S'il est vrai que c'est Arafat qui a placé le problème palestinien sur la carte mondiale, il n'a rien fait pour résoudre ce problème sur la scène intérieure [palestinienne]. Il n'a pas construit les institutions de l'Autorité palestinienne ni promulgué les lois palestiniennes. Il a laissé le pays se remplir de corruption et d'anarchie, ce qui assurait la stabilité de son régime tout en représentant une catastrophe pour les Palestiniens (…)

Finalement, Arafat était un dirigeant schizophrène. Il agitait un rameau d'olivier au sein des Nations unies et des cercles internationaux tout en brandissant le fusil à Amman, à Beyrouth, à Gaza et Ramallah. La communauté internationale n'a pas su décider s'il appartenait au camp de la paix ou au camp de la guerre. L'errance sans objet – au sujet de ce problème comme d'autres encore - a fait emprunter au problème palestinien des chemins divers et compliqués, le problème palestinien étant soumis au tempérament politique du dirigeant plutôt qu'aux institutions constitutionnelles.

 

"Depuis la mort d'Arafat, les portes se sont ouvertes"

 

On ne peut douter du fait que la mort d'Arafat a ouvert la plupart des portes qui s'étaient refermées sur (la création d') un Etat palestinien. Un mois après la mort d'Arafat, on note des progrès plus importants que ceux accomplis par l'Autorité palestinienne de 1994 à ce jour !

Après la mort d'Arafat, Israël est devenu plus souple, et l'opinion publique israélienne s'est [elle aussi] légèrement assouplie. Les oreilles se sont ouvertes, même si ce n'est qu'un peu, aux appels à la paix. Cela en dépit des efforts déployés par les factions fondamentalistes palestiniennes armées pour boucher ces oreilles au moyen des opérations suicides (…) et des déclarations de 'bravade' émises par les dirigeants de ces factions sur les chaînes satellites arabes. Ils jouent avec le feu sans comprendre l'ampleur du danger, au vu des grands changements que le monde a connus.

Après le décès d'Arafat, les Arabes et les Palestiniens se sont réconciliés, renouant les liens qui s'étaient défaits avec les 'récits de bravade' d'Arafat et sa position politique déséquilibrée et irresponsable. En outre, les portes de Damas, du Koweït, de Beyrouth, de Riyad, Doha, Amman et d'autres capitales se sont ouvertes aux nouveaux dirigeants de l'Etat palestinien.

Après la mort d'Arafat, Européens et Américains se sont sentis soulagés. Ils se sont rendus en masse aux bureaux de l'Autorité palestinienne pour appuyer le nouveau régime et participer à la création d'un Etat palestiniens démocratique, en pavant le chemin aux élections, en écartant les obstacles et en apportant leur soutien à la nouvelle tendance politique des dirigeants palestiniens.

Nous constatons que le décès d'Arafat a ouvert une fenêtre aux Palestiniens. Ce que les Palestiniens, les Arabes, les Européens et les Américains n'ont pas réussi à faire, c'est le Ciel qui l'a fait, au bon moment et au bon endroit, en ôtant l'os, enfoncé dans la gorge des Palestiniens, qui les empêchait de respirer et fit presque mourir étouffée la cause palestinienne (…)"

 

La voie d'Abbas vers un Etat palestinien

 

Abbas doit mettre fin aux promesses fictives faites par Arafat à un public révolutionnaire qui saigne, obligeant ce dernier à faire face à toute l'amère vérité, notamment au fait que le retour de quatre millions de réfugiés palestiniens en Israël est absolument impossible, car cela reviendrait à détruire l'Etat d'Israël. Si les réfugiés obtiennent le droit de retour, c'est dans le seul endroit susceptible de les absorber : l'Etat palestinien.

Les décisions palestiniennes ne devraient pas être le fait du dirigeant, mais des institutions constitutionnelles, de l'autorité législative et des conseillers au sein des instituts éducatifs et de recherche.

Les décisions politiques doivent tenir compte des intérêts du peuple palestinien, non de ses désirs et espoirs. Les décisions populistes adoptées par les dirigeants politiques arabes sont responsables des catastrophes des pays arabes et de leur régression. La direction palestinienne doit faire preuve de courage, ne pas prendre de décisions politiques en fonction d'elle-même et de son propre sort, mais des intérêts de la patrie, de la nation et des générations futures.

Une résolution palestinienne commune doit être prise pour faire cesser la militarisation de l'Intifada et l'anarchie du port des armes. Les milices et les groupuscules armés doivent se transformer en partis politiques et former une entité politique palestinienne qui pourra faire entendre son opinion d'une façon politique, et non militaire.

Tous les intellectuels et hommes d'affaires devraient participer à la construction politique d'un Etat palestinien, les intellectuels par leur conscience (politique), en appelant au rationalisme politique et en luttant contre les opérations suicides, les hommes d'affaires en apportant leur soutien à l'économie de la Palestine et en érigeant les institutions de la société civile. Ces dernières devraient remplacer les institutions établies par les factions religieuses armées, institutions grâce auxquelles ces factions ont obtenu le soutien d'une grande partie de la société palestinienne.