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La lutte contre le terrorisme doit commencer par une réforme du programme éducatif et des médias du monde arabe.

 

Par Abd El-Hamid Al-Ansari, doyen du département de droit islamique à l'université du

Qatar, à écrit l'article suivant, paru dans Al-Hayat, quotidien arabe édité à Londres –

 

Traduit et présenté par Memri – 4 décembre 2001 n°307

 

"Les positions idéologiques [arabes], politiques et religieuses, sur les événements actuels nous rappellent un incident crucial de l'histoire de l'islam… Je pense aux Khawarij, la "première organisation terroriste" ; ils se sont soulevés contre l'imam Ali (1), déclarant que son règne était d'origine humaine, et qu'aucun dirigeant ne devait être suivi s'il n'avait pas été désigné par Allah. Les Khawarij ont exigé qu'Ali reconnaisse ses torts sous peine de devoir les affronter militairement. De là, ils en sont arrivés à accuser la société toute entière d'hérésie. Tous ceux qui avaient une opinion différente de la leur étaient considérés comme hérétiques, ainsi que tous ceux qui se taisaient ou évitaient de se joindre à eux. C'est ainsi qu'ils en sont venus à verser le sang musulman.

L'imam Ali et ses amis n'ont pas hésité à leur faire face…, sans chercher à s'embarrasser d'explications douteuses ; l'imam Ali n'a pas inventé de formules trompeuses, mais a combattu les Khawarij, les mettant complètement en déroute à Al-Naharwan, la 37ème année du Hijra (659).

 

Aujourd'hui, nous nous trouvons face aux nouveaux Khawarij, et voyez comme la chance leur a souri: ils ont des chaînes satellite qui épousent leurs idées, les ressassant jour et nuit sans se lasser, et qui font d'eux des stars. Les invités font des commentaires qui justifient et façonnent leur façon de voir. Les dirigeants religieux se proposent pour instaurer des préceptes exigeant l'accord des fidèles, et décrètent que c'est un péché de garder le silence ou de refuser son soutien.

(Ces dirigeants religieux) appellent au djihad contre la croisade qui combat l'islam et cherchent à soulever l'opinion arabe contre les gouvernements (arabes) qui soutiennent l'Amérique, l'ennemi de l'islam. Malheureusement, il y en a qui croient à ces mensonges, organisent des manifestations et participent à des initiatives stupides menées contre ceux qu'ils nomment les ennemis de l'islam. En conséquence, ils sont détruits et leurs familles traversent des drames. Après cela, nous permettons aux imams, qui les ont jetés au bord du précipice, de continuer à mener une vie d'aisance, sans jamais leur demander de rendre des comptes.

Logiquement, la question religieuse qui se pose est: "Le djihad contre qui? Au nom de qui? Qui a le droit (de déclarer le djihad)? Laisserons-nous le djihad entre les mains d'officiants et de politiciens hystériques, prêts à déclarer une guerre qui va tout détruire, ou est-ce que seul le dirigeant doit pouvoir décider?

Ont-ils le droit de pousser le public à commettre des actes de sabotage qui frappent des innocents et touchent aux intérêts de l'Etat? Ou faut-il restreindre ce droit pour que les intérêts de tous soient préservés?

Qui donc a donné aux partis religieux le droit de déclarer le djihad et de faire péricliter les intérêts suprêmes de la nation? Les autorités religieuses saoudiennes ont rempli leur devoir en déclarant que nul n'était habilité à instaurer des préceptes religieux appelant au djihad, mis à part le dirigeant. C'est ce qu'ils nous ont enseigné, et que nous enseignons à notre tour. Les autorités religieuses doivent agir en conséquence.

Les chaînes satellite ont-elles le droit de diffuser des opinions terroristes et d'inciter à la violence sous couvert de "liberté d'expression pour tous", de semer la haine dans le cœur de spectateurs qui vont ensuite commettre des actes nuisibles et stupides? Ou les dirigeants doivent-ils intervenir pour poser des limites aux libertés prises par des irresponsables?

 

Il y a une grande différence entre accorder la liberté d'expression  à ceux dont les opinions politiques diffèrent des nôtres et qui les expriment calmement… et laisser le microphone à des groupes armés qui tuent pour faire avancer leurs idées… La question clé est la suivante: "Ont-ils le droit, au nom de la liberté, de nous conduire, nous et nos sociétés, au bord du précipice?"

La conséquence de cette dangereuse incitation à la violence, c'est que 83% de sondés, sur le site internet de la chaîne satellite Al-Jazira, pensent que Ben Laden est un combattant du djihad, pas un terroriste, et que son incitation à la violence contre les puissances occidentales et les intérêts américains fait partie des moyens qu'il emploie.

Comment peut-on compatir à ces Khawarij modernes et les défendre? Le sentiment anti-américain est-il aveugle au point de transformer des terroristes en héros?

Malheureusement pour les Khawarij du passé, ils n'avaient pas de chaîne satellite… bien qu'ils aient été plus enclins à la miséricorde que les Khawarij de notre génération: ils permettaient que l'on verse le sang des musulmans, mais pas celui des dhimmis (Juifs et chrétiens), parce qu'ils voulaient préserver le pacte les protégeant. Les Khawarij contemporains [c'est-à-dire les islamistes militants], eux, ont permis que l'on verse le sang de tous.

 

Les buts déclarés des différents groupes de djihad et d'Al-Qaida ne comprennent pas la lutte contre Israël. L'idéologie de toutes ces organisations a un seul et unique but: accuser la société et l'Etat d'hérésie, afin de s'emparer du pouvoir pour y déclarer leur soi-disant Etat.

Quand ils se sont découragés de la série d'actions criminelles perpétrées en territoire arabe, qui ont fait des centaines de victimes, leur démon leur a soufflé que les régimes arabes étaient un produit de l'Occident. D'après eux, l'Amérique est le protecteur de ces régimes. Ils ont donc décidé de combattre l'Amérique chez elle, pour qu'elle quitte les territoires arabes et les laisse librement semer leur corruption.

 

D'où vient le terrorisme? A mon avis, l'âme humaine, et l'âme musulmane en particulier, est repoussée par le terrorisme. Mais les idées terroristes deviennent vite fertiles dans les sociétés où règne une culture fanatique que le peuple absorbe par doses (régulières). On accuse les contestataires d'hérésie, l'opposition de trahison politique. Ceci est le fait d'une culture terroriste, facilement absorbée par ceux qui ont reçu une éducation inadéquate. Cette culture est enracinée dans les esprits de ceux qui ont souffert d'une éducation de fermeture ne laissant aucune place au pluralisme.

Nous devons vérifier (le contenu du) programme éducatif, réévaluer nos méthodes éducatives. Nous devons revoir notre système éducatif et nos moyens de communication. C'est ainsi que débutera vraiment le combat contre la culture du terrorisme"(2).

 

(1) Ali ibn Abou Talib était le quatrième "remplaçant" (Khulafaa) après le prophète Mahomet.

(2) Al-Hayat (Londres), le 29 novembre 2001