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LA DIPLOMATIE DU RANCH

 

Par Albert Soued, écrivain, www.chez.com/soued

Le 12 avril 2005

 

Deux chefs d'état qui parlent politique dans un ranch du Texas, cela fait bucolique, décontracté et même intime. D'autant plus que l'un d'eux n'a pas l'élégance physique de l'autre et ne règne que sur une population 50 fois moins importante. Et le contraste confirme que cette réunion n'a d'autre but que de faire baisser la garde des "refuseniks" israéliens du désengagement de Gaza. Comme d'ailleurs l'annonce des 3500 logements qui doivent faire la jonction entre Maalé Adoumim et Jérusalem et qui ne seront peut-être jamais construits.

Il faut bien se l'avouer, le premier ministre Sharon était allé chercher un appui et des gages auprès de Bush pour son désengagement unilatéral qui semble de plus en plus risqué, au fur et à mesure qu'on se rapproche de l'échéance fixée. Sharon n'a-t-il pas précisé qu'il régnait en Israël une ambiance de guerre civile et que jamais il ne s'est senti autant menacé?  Pour calmer l'aile droite de son parti et une partie de la population, Sharon voulait obtenir une contrepartie tangible à son désengagement. Une reconnaissance formelle des principes énoncés l'an dernier quant à l'annexion des grandes implantations juives et au sort des réfugiés palestiniens. Bien au contraire, obnubilé par la recherche d'un succès au Moyen Orient (comme jadis son prédécesseur Bill Clinton), le président Bush a répété ses phrases sibyllines qui ne prêtent pas à conséquence et a même demandé clairement à son invité de faciliter la tâche de Mahmoud Abbas, tout en lui souhaitant "bonne chance" pour le départ de Gaza, et en le félicitant par avance.

Nous approchons de l'été de tous les périls, car tous les opposants à la paix au Moyen Orient ont compris que Bush restait "mou" sur le conflit israélo-arabe et ils affûtent leurs armes en conséquence: le Hamas qui ne cesse de s'armer et d'accroître sa popularité devant l'ineptie du Fatah et associés, le H'ezbollah qui ne cesse ses provocations à la frontière Nord, la Syrie et l'Iran qui programment des attentats, heureusement déjoués pour le moment. Et une partie des Israéliens des implantations de Gaza n'ont pas l'intention de quitter les lieux.

 

En vue des élections palestiniennes, les Etats-Unis ont promis de renforcer leur présence dans les territoires autonomes, en augmentant les effectifs du général Ward. En ce qui concerne le Hamas et le H'ezbollah, ils espèrent naïvement les transformer en partis politiques décents. Je rapporte ici une anecdote récente. Répondant à un élu socialiste qui l'interrogeait sur le H'ezbollah, que la France considère toujours comme un parti politique, le Ministre israélien des Affaires Etrangères Silvan Shalom a déclaré : "Connaissez-vous beaucoup de partis politiques qui ont 12 000 missiles braqués sur vous ?" 

Quant aux dits Palestiniens modérés, ils restent neutres, bougeant à peine et comptant les points, comme leur président Abbas. "Car pour les Palestiniens, qu’ils soient "pragmatiques" comme Mahmoud Abbas ou  "extrémistes" comme le Hamas, le choix de la lutte contre les Israéliens a été déjà fait et se dit en arabe : "Barnamej al-marahel" qui signifie la "stratégie par étapes" (de destruction d'Israël) (Eytan Ellenberg).

 

Les Arabes Israéliens ne sont pas en reste. Fin mars le site du député arabe à la Knesset A'zmi Bishara  www.Arabs1948.com  a publié une interview du porte parole du Hamas, Ahmed al Bahar, qui a parlé du plan de désengagement promu par Ariel Sharon. "Les coups spécifiques et douloureux que la résistance Palestinienne a infligé aux Juifs et à leurs soldats tout au long des 4,5 dernières années ont mené à la décision de se retirer de Gaza. Depuis la création d'Israël, tout démontre que jamais ce pays n'a été dans un état de faiblesse et de retraite comme aujourd'hui, suite à la dernière intifada. Les attaques héroïques du Hamas ont dévoilé la volatilité et l'inconsistance de l'impuissante organisation sécuritaire sioniste. Le retrait marque la fin du rêve sioniste et il est le signe du déclin moral et psychologique de l'état Juif. Notre résistance a eu raison de lui" (C Glick, Jerusalem Post 24/03/05)

 

Inspirée par un rapprochement de points de vue avec l'Europe, la nouvelle politique américaine dans le conflit israélo-arabe a de fortes chances d'amener l'inverse de ce qu'elle recherche. En tout cas, elle mène tout droit vers une impasse. Et comme le dit Chibli Mallat, professeur de droit et leader de l'opposition au Liban, dans une interview récente,  "au Moyen Orient, les impasses politiques se terminent toujours dans la violence"

 

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