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L’Islam, la barbarie, et les bien pensants

Terrorisme, politiquement correct, Irak, Falloujah, pulsion de mort

Par Jean-Claude Baboulin pour Guysen Israël News - le 7 avril 2004 

 

Il me semble qu’il est nécessaire, une fois l’émotion passée, d’essayer de réfléchir à ce qui s’est passé à Falloujah. A force de lire dans les journaux et de voir à la télévision le cortège quasi quotidien des crimes abjects commis au nom de l’islam, de l’anti-américanisme et de l’anti-sionisme, on finirait presque par s’habituer.
Et pourtant, il faut bien sans cesse remettre le couvert de l’analyse et du commentaire, si l’on ne veut pas que les victimes meurent une seconde fois de l’oubli. Nous les vivants, nous leur devons bien cela. Nous les vivants, qui ne sommes pour les criminels que des morts en sursis.

Le politiquement correct devrait m’interdire d’attribuer à l’islam en tant que tel un crime barbare comme celui de Falloujah. Et certes, j’entends bien qu’on ne peut sans doute pas établir un lien direct de cause à effet entre le texte du Coran et le comportement de la foule sunnite dans cette petite ville du Nord-ouest de Bagdad. Certes, j’entends bien que des horreurs pas davantage belles à voir que celle-là ont été commises au nom d’autres religions, dans un passé lointain ou proche (cf. les crimes des Serbes orthodoxes en Bosnie, par exemple). Certes, enfin, j’entends bien qu’il serait injuste de faire porter à tous les musulmans du monde la responsabilité de ce qui s’est passé là-bas.

Mais tout de même, je ferai deux remarques. La première, c’est que l’on n’a pas beaucoup entendu les autorités islamiques et les élites musulmanes se prononcer sur ce massacre barbare. Ni pour dénoncer, ni pour analyser ce qu’il peut signifier au regard de la façon dont les valeurs de cette religion sont aujourd’hui comprises et vécues par un certain nombre (un nombre certain…) de ses adeptes. Si l’adage est vrai, « Qui ne dit mot consent », alors on est bien obligé d’en tirer la conclusion que règne aujourd’hui, majoritairement, dans cette religion, pour le moins un climat de complaisance et de complicité à l’égard de l’intolérable. C’est-à-dire à l’égard de ce qui ne peut pas être toléré dans l’espace du monde civilisé.

La seconde remarque est celle-ci. S’il n’est sans doute pas juste de dire que l’islam c’est la barbarie (et personnellement, je ne pense pas que l’islam soit la barbarie), on est tout de même fondé à constater qu’aujourd’hui, l’une des trois grandes religions monothéistes, qui tient son existence même d’être construite sur l’idée d’une Loi transcendante, n’est plus un rempart contre la barbarie. Rien aujourd’hui dans la Parole islamique, dans son enseignement, dans les repères moraux qu’elle est censée fournir à ses adeptes, dans la responsabilité qu’elle confère à ceux qui la portent et la représentent – rien ne fait obstacle à ce qu’en son sein la barbarie se manifeste.

C’est sans doute là la pire des nouvelles que nous apporte l’observation de ce qui n’est plus seulement du terrorisme politique, calculé et organisé, mais de
la pulsion de mort à l’état pur et massif. Car la foule de Falloujah n’était pas constituée de militants islamistes menant une opération terroriste. Pas même de militants baasistes obéissant aux ordres d’une quelconque « armée de résistance ». Elle était constituée de ce qu’on appelle des « gens ordinaires » - des pères de famille, des enfants, des vieux, qui tous ensemble ont lâché le pire qui est en l’homme, sans qu’à aucun moment ne vienne à leur conscience tel ou tel verset du Coran, tel ou tel enseignement moral qu’ils ont bien dû recevoir, pour les arrêter.

C’est sans doute cela qui nous effraie dans le massacre de Falloujah, davantage encore que dans les tours de New York qui s’effondrent, dans les wagons éventrés de Madrid, et dans le vertige des islamikazes qui se font sauter en Israël. La foule de Falloujah n’a même pas « l’excuse » d’une vision du monde totalitaire ou d’un combat politique perverti, moins encore d’une quelconque « désespérance ». Elle est pure barbarie, et la religion dont elle se réclame a été incapable de faire obstacle à cette barbarie.

Et face à cela qu’entend-on ? Le silence assourdissant de nos belles âmes occidentales    « progressistes », qui ont pudiquement détourné les yeux du spectacle de l’horreur pour ne pas avoir à s’interroger, éventuellement à remettre en cause quelques unes de leurs bonnes grosses certitudes sur la « juste lutte des peuples opprimés ». On remarquera d’ailleurs que le même silence, le même détournement de regard, ont suivi cette image terrifiante vue à la télé d’un enfant palestinien arrêté à un barrage, porteur d’une ceinture d’explosifs. Nulle part il n’a été question de crime de guerre, d’attentat à l’enfance, de manipulation sordide. Nulle part la question n’a été posée de savoir ce qui peut bien se passer dans la tête d’une mère qui envoie son gamin à la boucherie, pour le faire exploser au milieu d’autres enfants.

Mais il est vrai que la réponse à cette question, comme à toutes les autres du même genre, est connue d’avance. C’est de la faute aux Américains. C’est de la faute à Israël. Les opprimés sont purs et innocents, et l’islam est la voix de leur juste révolte. Les (fausses) victimes ont bien le droit d’être barbares, puisque la civilisation est devenue, par l’un de ces renversements dialectiques dont les belles âmes progressistes ont le secret, elle-même la barbarie. C’est ce qu’on appelle la confusion des esprits, le relativisme généralisé des valeurs.

En cette période de Pessah, moi qui ne suis pas Juif je supplie le peuple de Moïse de se rappeler avec force et conviction que c’est pour aller au Sinaï qu’il est sorti d’Egypte. Au Sinaï, où ce qui lui a été dit est précisément que tout ne se vaut pas.