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Terrorisme, Pourquoi les Musulmans ne Parlent pas ?

Par Ferid Chikhi

01/09/16

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Nous avons souvent entendu cet énoncé qui nous cible, nous invite, nous interpelle, nous somme de nous exprimer contre ce fléau devenu mondial. Que ce soit en France, au Canada ou ailleurs, c’est le même appel, le même refrain: Pourquoi ne dites-vous rien? Pourquoi ne dénoncez-vous pas ces actes abjects, ces crimes scandaleux commis par les vôtres?

«Le silence, c’est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs et si tu parles, tu meurs. Alors, dis et meurs! » – Tahar Djaout

Depuis les attentats de Paris nous ne sommes plus dans le « Je suis Charlie », mais dans « l’après Nice » et le faux coup d’État Turc en passant par Molenbeck et les autres crimes commis contre les civils de Syrie, de Libye, du Yémen, d’Afghanistan et d’ailleurs. En l’espace d’un semestre, le monde a changé. Un changement majeur qui configure les contours d’un nouveau monde et dépasse celui de la seule mondialisation.

Récemment, sur la terrasse d’un restaurant, alors que nous échangions nos commentaires sur ces crimes contre des citoyens innocents, une amie allemande s’est demandé : «À qui le tour ?» Sur le moment, un rictus se fige sur mon visage et très vite, les souvenirs des jours d’enterrements de mes amis assassinés durant les années 90 remontent à la surface. Je la fixe quelques secondes avant d’exprimer mon anxiété en rappelant que maintes fois nous avons répété cette question et toujours la réponse ne tardait pas à nous parvenir. C’est ce qui s’est passé.

Quelques jours après, c’est Munich! Encore Munich! Des morts, des blessés, des familles endeuillées, des peurs exposées… En Allemagne, des explications mesurées des autorités et ailleurs, ce sont des spéculations maladives souvent insensées, des politiques en déphasage total avec la nouvelle réalité d’un monde meurtri par des individus avec lesquels seule la puissance de la force publique est de mise. Le monde a changé. Le monde va encore changer avec l’élection vraisemblable de Donald Trump à la tête des États-Unis. Le monde change avec le pseudo coup d’état en Turquie, alors que de nouvelles victimes s’ajoutent sur la liste des islamistes. Victimes d’abord anonymes et par la suite connues. Mais encore et toujours bien des citoyens du monde dit «libre» demandent, entre autres: «Pourquoi les musulmans ne dénoncent-ils pas ces attentats commis par leurs coreligionnaires?»

Nous avons souvent entendu cet énoncé qui nous cible, nous invite, nous interpelle, nous somme de nous exprimer contre ce fléau devenu mondial. Que ce soit en France, au Canada ou ailleurs, c’est le même appel, le même refrain: Pourquoi ne dites-vous rien? Pourquoi ne dénoncez-vous pas ces actes abjects, ces crimes scandaleux commis par les vôtres? Même si tous savent que les premières victimes sont les musulmans. Un grand nombre parmi nous ne trouvant pas quoi répondre assurent : «Non, ce n’est pas cela l’islam. Les musulmans n’agissent pas ainsi…» Parfois, ils citent maladroitement un verset du Coran qui condamne celui qui tue une vie. Sans plus. Ils ne disent pas la phrase magique. Celle que tous les autres veulent entendre : Oui! Ils sont des nôtres et nous devons les arrêter, les condamner, les dénoncer. Manifester contre eux. Des Occidentaux voudraient supprimer le mal à la source en s’en prenant à la matrice coranique et se présentent comme des experts et spécialistes du texte sans tenir compte du contexte, et encore moins de l’époque de sa révélation.

En Occident, si un musulman ose s’exprimer en dehors de ce cadre préétabli, des groupes et leurs porte-voix s’en offusquent et le qualifient de vendu, de traître, de retourné…

Pendant ce temps, les médias de masse poursuivent leur quête du sensationnel. Ils ont choisi d’offrir leurs plateaux, leurs micros, leurs colonnes à des militants islamistes et à quelques musulmans conservateurs et activistes de la sahwa, qui ne cachent ni leur proximité ni leur allégeance au salafisme, au wahhabisme et au tekfirisme, y compris le criminel. De toute façon, ils le sont tous si ce n’est pas directement, c’est par une complicité qui valide leur duplicité. Quand un musulman «normal» – je n’aime pas ce qualificatif, comme je n’aime pas l’autre, le «modéré» parce qu’ils sont tous les deux péjoratifs – parle, « la communauté» est sommée de le contrer. Elle considère que c’est au représentant accrédité par la tribu, par les politiques et leurs médias, de parler au nom de toutes et de tous, y compris celles et ceux qui n’ont jamais offert leur délégation. Mieux encore, pour le faire, la communauté réfléchit et patiente que le «La» soit donné par les pseudo imams, les pseudo leaders, les pseudo représentants. Leur message se résume à quelques mots: «Ils sont contre, mais… »

Le « MOI » et le « JE » sont haïssables, honnis et bannis dans les pays arabo-musulmans

En Occident, si un musulman – pas un islamiste – ose s’exprimer en dehors de ce cadre préétabli, des groupes et leurs porte-voix s’en offusquent et le qualifient de vendu, de traître, de retourné… de moins que rien qui a renié les références de son groupe et les valeurs de sa communauté. La raison d’une telle attitude est simple : le « MOI » et le « JE » sont haïssables, honnis et bannis dans les pays qui ont plié, non pas et seulement, devant les préceptes religieux, mais aussi devant les cultures venues d’ailleurs portées par l’islam et étrangères aux us et coutumes des pays arabo-islamisés. Paul Valéry aurait été bienheureux de constater que ce qu’il a dit se vérifie dans un contexte qu’il n’aurait jamais imaginé.

L’appropriation du « ON » et du « NOUS » est soutenue en substance par une phrase qui est inculquée dès le plus jeune âge et se lit comme suit: «Mon Dieu préserve moi du haïssable, aide-moi pour ne pas prononcer le mot « Moi » ou le mot « Je », ils sont détestables. » Et, ça fonctionne. Le musulman ne doit jamais parler à la première personne du singulier, seul Allah peut le faire. Lui seul peut le dire. Le «JE» est le sien. Le musulman peut s’approprier le «Nous» et le «Il» impersonnels. Mais il ne se citera jamais comme sujet principal. L’estime de soi en prend un coup, tellement il se «désavoue». Et, si par hasard cela venait à être entendu, les questions de la stigmatisation fuseront automatiquement: comment oses-tu parler en ton nom alors que tu es avec «NOUS»? Si tu le fais, c’est que tu les as rejoints, «EUX», pas nos adversaires, mais «EUX», nos ennemis. «Te prends-tu pour Dieu alors que tu n’es que poussière!?» La boucle est ainsi bouclée.

Les islamistes – je préfère ce qualificatif parce qu’il est idéologique – et les intégristes et/ou les fondamentalistes qui s’accrochent mordicus aux dogmes et aux pratiques religieuses d’une autre ère – parlent du «NOUS» inclusif, contre ceux d’en face. Il m’est arrivé plus d’une fois de sursauter lorsque j’entends certains Québécois parler d’inclusion. Je me demande s’ils entendent ce concept comme le comprennent les islamistes qu’ils privilégient ? Pourtant, entre eux ils les qualifient de mécréants, d’athées, d’impies, d’infidèles, etc. L’histoire le démontre, ils se référent à une ère, une époque, un contexte à jamais révolus, lorsque tout était tribal et qu’il fallait dans ce désert d’Arabie survivre et se protéger contre tout ce qui n’était pas similaire et semblable. Alors, de nos jours, au lieu de se fondre dans la société qui les a accueillis, comme le font des milliers de musulmans venus chercher une citoyenneté complète, ils choisissent de s’ostraciser, se ghettoïser et occuper la marge avec la bénédiction des multiculturalistes.

Seuls les islamistes et leurs alliés naturels crient à l’islamophobie

Au Québec, la menace islamiste existe bel et bien dans les faits et les actes. Nous savons, même ceux qui font semblant de ne pas le savoir, qu’il est important de distinguer le bon grain de l’ivraie et comprendre que tous les musulmans ne sont pas islamistes, mais que tous les islamistes sont musulmans. Alors se pose la seule et vraie question, à savoir: comment faire pour les distinguer et éviter la stigmatisation, le ciblage, «le racisme», le mépris, le dédain, le rejet… des autres, de toute la grande masse de citoyens de confession musulmane?

Pour tenter de trouver quelques pistes de réponses, faisons parler quelques indicateurs: il existe au Canada environ 700 000 musulmans d’origines diverses, ces personnes viennent aussi bien des pays musulmans que des pays européens, africains, etc. Au seul Québec ils avoisinent les 200 000 (femmes et enfants compris). Il existe une très faible proportion de fondamentalistes, conservateurs et islamistes – la ligne de démarcation entre les deux premiers groupes et le troisième est mince – alors que les militants islamistes engagés, purs et durs ainsi que les sympathisants au Québec frôlent les 1500. La masse critique des pratiquants (respect total ou partiel des cinq piliers: foi en un Dieu unique et en son dernier prophète, prière, jeune, aumône, pèlerinage) s’intègre bien et ne sollicite aucun accommodement religieux. Elle voudrait s’exprimer et participer au débat. Elle n’est ni entendue ni audible pendant que les relais médiatiques l’évitent lui préférant les représentants autoproclamés et désignée par les militants actifs. À force de «comparaitre», ils ont appris à maîtriser l’art de la victimisation et celui de la culpabilisation de tous les autres citoyens.

Bien des individus vont crier au scandale en répétant que le Coran, la Charia, les Hadiths portent en eux les germes de la violence, de l’agressivité de la provocation ostentatoire.

Le grand mal vient d’eux. Ils crient à l’islamophobie, à la marginalisation, à la discrimination et même au racisme lorsque ce n’est pas à la xénophobie. Leurs chantres – ils sont, de nos jours, hommes et femmes publiques, intellectuels, universitaires, bien-pensants – n’hésitent pas à marquer leur territoire et leurs espaces de communication en exigeant que leur religion – entendez par là leur idéologie – soit respectée chaque fois que leurs demandes déraisonnables, contraires aux principes de «l’islam du Juste Milieu», sont ignorées parce qu’elles mettent à mal le bon vivre d’abord avec les musulmans ensuite avec les Canadiens en général, les Québécois en particulier et un nombre de plus en plus croissant d’immigrants de provenances diverses.

Bien des individus vont crier au scandale en répétant que le Coran, la Charia, les Hadiths – et j’en passe – portent en eux les germes de la violence, de l’agressivité de la provocation ostentatoire. Le bon sens veut que personne ne puisse le nier, mais les musulmans n’en font pas cas. Pire encore, ils ne sont même pas en mesure d’expliquer que ces «versets» s’appliquaient à une époque où l’implantation et l’expansion de l’islam se faisaient par le sabre de la domination d’une ou plusieurs tribus sur d’autres. S’ils le font, ils remettraient en cause tout le contenu de la révélation, et ça, c’est tabou. À l’époque, le modus operandi se fondait sur deux éléments: les alliances avec les femmes comme tribut et le «ou vous vous intégrez à nous ou vous êtes contre nous».

Comment faire pour stopper l’islamisation?

Dans les pays occidentaux, tant que les bien-pensants, les intellectuels, les femmes et hommes politiques ne comprennent pas le sens de la Sahwa islamique – idéologie et instruments de guerre de l’Alliance wahhabisme et de la confrérie des Frères musulmans – tous les efforts pour préserver les vies humaines seront vains. Tant que les relations diplomatiques et de partenariat avec l’Arabie Saoudite et le Qatar ne sont pas révisées, le mal islamiste se répandra de plus en plus et sans possibilité de l’annihiler. Tant que certains circuits commerciaux sont pollués par des pratiques «islamistes», le financement des activistes se poursuivra.

Par ailleurs, une issue serait intéressante à emprunter dans le très court terme c’est celle de la formalisation du renforcement des libertés fondamentales, celles de la pensée, de l’expression, de l’opinion et de la critique citoyenne qui garantissent la place de toutes et de tous sans discrimination légale, sans stigmatisation et sans singularisation. Cela ne va pas sans le bon sens commun qui se fonde sur un vrai consensus social. Les récalcitrants, les fanatisés pour ne pas dire les endoctrinés et les radicalisés doivent être débusqués, contraints par la législation en vigueur, et éloignés de la société. Même si je sais que cela ne fonctionnera pas, des actes pédagogiques pourraient être mis en œuvre pour celles et ceux qui voudraient être réadmis au sein de la société. Les autres seront maintenus hors du cadre social généralement accepté par toutes et par tous.

Chez le musulman « le silence » est une compétence à déconstruire

Avant d’arriver au Québec, bien des musulmans ne parlaient pas, ne pouvaient pas agir et encore moins se plaindre, malgré le fait qu’ils font partie de la grande communauté, la Oumma musulmane. Ils étaient en minorité parce qu’ils étaient partisans et favorables à la laïcité. Ils étaient aussi considérés comme athées, mécréants et donc apostats. Ils ont choisi de se taire pour éviter leur stigmatisation, leur marginalisation ou tout simplement leur mort. Le silence était une de leurs principales caractéristiques. Arrivés au Canada, au Québec ou partis ailleurs «cette compétence» leur colle à la peau. Ils n’arrivent pas, pour le moment, à s’en défaire. Ils voudraient bien, mais personne pour l’heure n’ose la déconstruire.

Arrivés dans leur pays d’accueil, les musulmans découvrent à leurs dépens que cela peut être comme chez eux, mais en plus raffiné. Les islamistes, les égorgeurs… les kamikazes, salafistes, wahhabites et autres tekfiristes les avaient devancés.

En Algérie, pour nous alerter et nous réveiller il a fallu que le regretté Tahar Djaout, dramaturge et écrivain de renom, nous interpelle et nous rappelle à l’ordre avec son fameux «Le silence, c’est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs et si tu parles, tu meurs. Alors, dis et meurs!». Beaucoup de libres penseurs, de laïcs, de contradicteurs, d’objecteurs de conscience ont osé le pari. Ils se sont retrouvés face à une barre de fer, un sabre, une chaîne de vélo et même un Kalachnikov. Ils décidèrent de s’exiler. Ils sont partis en France, en Allemagne, en Amérique du Nord et même en Australie… L’âme en peine et sans espoir de retour. Arrivés dans leur pays d’accueil, ils découvrent à leurs dépens, qu’ici et ailleurs, cela peut être comme chez eux, mais en plus raffiné. Les islamistes, les égorgeurs… les kamikazes, salafistes, wahhabites et autres tekfiristes les avaient devancés. S’ils parlent, ils sont contrés avec «l’instrumentalisation des concepts». Des concepts qui intimident; ils sont stigmatisants : racistes, intolérants, islamophobes, extrémistes, fauteurs de troubles sociaux, empêcheurs de «multiculturaliser», ennemis de la liberté religieuse, irrespectueux des cultures minoritaires et des communautés, y compris celles dont ils sont issus, etc.

Alors, ils se fondent dans la grande foule, deviennent invisibles et restent inaudibles. Ils ont choisi de laisser l’espace, tout l’espace à celles et ceux qui parmi les Canadiens et les Québécois au nom de leur générosité, de leur tolérance, de leur magnanimité leur ont préféré les islamistes. Mais ils savent au plus profond de leur être que leur société d’accueil ne frappe pas celui qui est venu en ami et qui est à terre. Ils savent que le moment voulu les Québécois en particulier sauront à qui accorder leur satisfecit.