www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

Les Juifs en Egypte depuis 150 ans

 

Par Albert Soued, écrivain, http://symbole.chez.com pour www.nuitdorient.com

30/11/2020

Voir aussi les 50 derniers articles et tous les articles sur l'Egypte

 

Chers amis je vais vous parler des circonstances qui ont amené les juifs à venir en Egypte et celles qui les ont amenés à la quitter. Entre ces deux scénarios, je vais vous parler aussi des apports importants des Juifs à l’Egypte, surtout entre les 2 guerres mondiales. Je terminerai en parlant brièvement des conséquences de cet exode.

Je ne vais pas vous parler du séjour des Hébreux, ni des Judéens, ni des Juifs depuis Moïse, car la diaspora juive existe depuis 3000 ans à Alexandrie, dans le delta du Nil ou en Haute Egypte, même s’il n’y avait que quelques centaines d’âmes ou plus tard quelques milliers. Je me limiterai aux 150 dernières années

Les Circonstances qui ont amené les Juifs en Egypte

A l’époque du Khédive Ismail, en 1869, le percement du Canal de Suez a été l’occasion qui a amené en Egypte, non seulement des Juifs d’Europe, d’Allemagne, d’Autriche, mais aussi des Juifs d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Ils voulaient tous profiter de la prospérité attendue de cette nouvelle voie stratégique.

Mais il se trouve qu’après sept ans de mauvaise gestion, l’Egypte du Khédive Ismaïl était en faillite. L'Europe en profite pour imposer une reconnaissance de dette et contrôler les finances du pays. Un incident mineur à Alexandrie dégénère en massacres et incite l’armée britannique, dont la flotte mouillait dans le port, à intervenir. L'Angleterre  commence ainsi l’occupation de l’Egypte jusqu’à son indépendance 40 ans après, en1922. Cette occupation a encouragé l’immigration d’étrangers.

Au début du 20ème siècle, la population juive d'Egypte comptait 25 000 âmes dont 1000 de rite "Karaïte". La 1ère guerre mondiale et la révolution d’octobre ont entraîné de nouvelles migrations juives vers l’Egypte, d’Europe, de Russie, comme du Moyen Orient ou de la Méditerranée orientale, soit près de 35 000 personnes.

En 1917, on compte ainsi 60.000 juifs, dont 29 000 au Caire, 25 000 à Alexandrie et 4 000 dans le delta.

Entre les 2 guerres, entre 1919 et 1939, sous le roi Fouad, l’Egypte a beaucoup prospéré et s’est beaucoup modernisée, grâce à l’apport des Juifs, ce qui a attiré de nouveaux immigrants, venant de partout. On comptait ainsi 75 000 âmes en 1945.

La Communauté Juive en Egypte était hétérogène par ses origines, son éducation et sa fortune. On distingue quatre groupes: d’un côté, 3 “rabbanites”, les Orientaux, les Sépharades et les Ashkénazes et d’un autre côté, les Karaïtes.

Sur les 75 000 juifs, 5 000 ont réussi à avoir la nationalité du pays, 30 000 étaient de nationalité étrangère, et 40 000 apatrides, bien que nés en Egypte, ainsi que leurs parents…

 

 

Apports des Juifs à l’Egypte

Au-delà de l’import-export, domaine dans lequel ils excellaient depuis des siècles, les Juifs ont promu de nombreux secteurs d’activité, faisant entrer le pays dans la modernité. Entre les 2 guerres, l’Egypte était devenue « le pays de Cocagne ». La communauté juive égyptienne était reconnue comme la plus prospère du Moyen-Orient.

Les juifs se sont distingués dans de nombreux domaines

On trouve l’entreprise juive dans la Banque et la Finance, la Bourse et le courtage, les Grands Magasins, l’Industrie du coton et textiles, sucre, alimentaire, chocolat…                                                      et dans l’Agriculture, avec les vignobles Genaclys, dans l’Urbanisme avec Smouha Garden City à Alexandrie et dans les transports, avec la ligne le Caire-Helwan et les lignes d’autobus.  

L’industrie égyptienne du cinéma a été lancée par des Juifs comme le metteur en scène Togo Mizrahi qui a réalisé 32 films entre 1930 et 1946.

La chanteuse et actrice Layla Mourad joue avec le chanteur et compositeur Mohamed Abdel Wahab dans le film Yehia el Hob (vive l’amour) et dans une très grande comédie Ghazl el banat (flirts de jeunes filles).

Les Frères Frenkel inventent les dessins animés avec l’irrésistible personnage de Mish-Mish effendi qui apparait dans leur premier film « Mafish Fayda » (Ce n’est pas la peine).

James Sanoua est l’auteur de plusieurs pièces de théâtre populaire.

Edmond Jabès et Carlo Suarès sont des écrivains de langue française connus.

Mais ils se sont distingués aussi sur le plan politique

L’Égypte accède à l’indépendance en 1922 et quand Fouad devient roi, nous trouvons Joseph Aslan de Cattaoui, comme Ministre des Finances dans le 1er cabinet de Saad Zaghloul Pacha

Le Grand Rabbin du Caire, Haïm Nahum Effendi, était Sénateur et rédigeait les discours du roi Fouad dont il était un des conseillers les plus écoutés.

Le savant juif karaïte Mourad Farag, mort en1956, était à la fois un nationaliste égyptien et un sioniste passionné. Son poème, «Mon pays natal, l'Égypte, lieu de ma naissance», exprime la fidélité à l'Égypte, tandis que son livre, Al-Qudsiyyat  (1923), défend le droit des Juifs à un État. Ce livre est peut-être la défense la plus éloquente du sionisme en langue arabe.

Le journaliste Victor Sanoua, plus connu sous le nom Abou Naddara (l’homme aux lunettes) était célèbre et l’avocat Léon de Castro a été le fondateur du journal du parti wafd Al Horeyya, “La Liberté”.

Henri Curiel, Jacques Rosenthal, Hillel Schwartz sont les fondateurs du parti communiste égyptien, mais là, on se demande si c’est un bienfait.

Les Circonstances qui ont amené les Juifs à quitter l’Egypte

Après la création de la Confrérie des Frères musulmans, par Hassan el Banna en 1928, la montée en puissance de sociétés nationalistes militantes qui sympathisent avec les puissances de l'Axe et qui s'organisent selon des principes similaires, crée une ambiance de plus en plus hostile aux Juifs.

Le peuple égyptien est pacifique et n’a pas d’animosité particulière à l’égard des Juifs d’autant plus qu’au 20ème siècle la plupart des emplois nouveaux étaient créés par les Juifs. Mais certains versets du Coran sont hostiles aux Juifs et les invectives coraniques entraînent de temps à autre des groupes musulmans à agir contre la communauté juive.

1942

Les officiers égyptiens, le Roi Farouk et son gouvernement Ali Maher se préparaient à recevoir les Allemands les bras ouverts. Partout des slogans et des affiches, leur souhaitant la bienvenue.

Les Allemands arrivent à El-Alamein, aux portes d'Alexandrie, et provoquent la panique parmi les Juifs dont certains prirent le train pour Israël, d'autres pour le Soudan.

S'il devait expédier les Juifs vers les fours crématoires ou les chambres à gaz, Rommel n'aurait jamais hésité à le faire. Les Juifs d'Egypte ne furent sauvés de la mort que par la riposte fulgurante de Montgomery qui a mis en déroute l’armée de Rommel.

Les Anglais assiègent alors le roi Farouk dans son palais, lui ordonnant de renvoyer le gouvernement Maher pour le remplacer par celui de Nah'as Pasha du Wafd.

1942/45

Dans les années 42/45, la situation s'aggrave. Des pogroms sporadiques ont lieu à partir de 1942. Le quartier juif du Caire a été gravement endommagé en 1945.

Alors que la partition de la Palestine et la fondation d'Israël se rapprochaient, l'hostilité envers les Juifs s’est renforcée, notamment après les interventions du sheikh Amin al Husseini, oncle d’Arafat et proche des nazis. Par ailleurs, de nombreux criminels nazis trouvent refuge au Caire, adoptant des noms arabes ou se convertissant à l'Islam.

1947

L’Onu fait adopter son plan de partage de la Palestine, le 24 novembre 1947.

Le Premier ministre égyptien Noqrashi déclare à l'ambassadeur britannique: "Tous les Juifs sont des sionistes potentiels [et] ... de toute façon tous les sionistes sont des communistes".

Le chef de la délégation égyptienne à l’Onu, Heykal Pacha, déclare que «la vie d’un million de Juifs dans les pays musulmans serait mise en danger par la création d'un État juif». …"

La Confrérie des Frères musulmans n’hésite pas à faire sauter le 1er étage du cinéma Miami où des enfants regardaient un film, provoquant des morts et des blessés, dont un copain.

1948

L'attitude antisémite des dirigeants de l'Egypte prend un nouveau tournant lorsque le Roi Farouk -- pour redorer son blason terni -- décide de partir en guerre contre Israël, le 15 Mai 1948. Durant cette guerre quelques 3000 "juifs suspects" sont placés dans des camps de concentration pendant plusieurs mois, au Caire et à Alexandrie

Dès le début, le gouvernement libère 250 détenus de la prison, des voyous, voleurs ou assassins, avec comme mission d'attaquer le Quartier Juif. A partir du 19 juillet 48 et pendant trois jours, ils firent 200 morts et plus d'une centaine de blesses graves.

Quelques semaines plus tard, Farouk organise un raid aérien israélien fictif sur le Caire, ce qui provoque un nouveau massacre au Quartier juif.

Puis il fait poser une bombe dans le quartier des juifs karaites du Caire, explosion faussement imputée à des feux d'artifice entreposés dans un local juif. 22 juifs ont été tués et 41 blessés.

Lors de la seconde phase de la Guerre israélo-arabe de 1948/49, Israël bombarde par erreur un quartier résidentiel tuant des civils ; ce qui provoque une marche de la colère contre le quartier juif. Des bombes explosent dans les grands magasins Cicurel et Oreco, appartenant à des juifs. Un peu plus tard, les grands magasins Adès et Gattegno sont également les cibles d’attentats à la bombe.

Le 22 septembre, cinq jours après l'assassinat par le groupe Stern du médiateur des Nations unies, le comte Bernadotte, -- dont le plan prévoyait l'attribution à Israël de 20 % de la Palestine, au lieu de 55% -- 19 juifs sont tués et 62 blessés dans une explosion.

1952/56

Une date qu'on ne peut oublier, c’est le 26 janvier 1952. Des milliers de personnes -- et non seulement des Frères Musulmans--, profitant de la "grève de la police", brûlent des centaines de sites juifs et européens au centre du Caire, Cinémas (Metro et autres), hôtels (Shepherd, Continental), centres commerciaux, grands magasins (Cicurel - Oreco). Des dizaines de Juifs sont assassinés au Caire, ce jour là…

Le roi Farouk accuse le 1er ministre Nahas Bacha de "négligence", le démet de ses fonctions et nomme son favori Ali Maher à sa place. Mais les officiers de l’armée réagissent en juillet et fomentent un coup d’Etat renversant la royauté, le roi Farouk s’exilant en Italie. La royauté n’aura duré que 30 ans !

L’instauration de la République inquiète la communauté juive. Elle va pourtant connaître deux ans de répit. Le nouveau chef de l’Etat, le général Mohamed Naguib, multiplie les gestes rassurants, notamment en se rendant à la grande synagogue du Caire à l’occasion de Yom Kipour.

Mais l’arrivée au pouvoir en 1954 de Gamal Abdel Nasser met fin à cette période de calme. 1954 a été une année grave pour la Communauté Juive lorsqu'éclate « l'Affaire Lavon », un complot judéo-israélien pour évincer Nasser, à l’insu du 1er ministre Sharet. Découvert, ce complot entraîne non seulement la mort de deux Juifs, les 2 Elyahou, Marzouk et Azar, qui furent exécutés, mais donne aussi à Nasser le prétexte de traiter les Juifs d'infidèles envers la patrie.

En 1956, le secrétaire d'Etat américain, John Foster Dulles, refuse à Nasser le crédit pour la construction du grand barrage, « Al-Sad Al-A'li » à Assouan. Le 26 juillet  à Alexandrie, au cours d'un discours très injurieux qui dure 2h45, Nasser nationalise le Canal de Suez. Suit l’invasion des forces franco-britanniques appuyées par une attaque d’Israël dans le Sinaï. Suit une campagne de répression et d’expulsions sans précédent visant les Juifs. Plusieurs milliers de juifs furent à nouveau remis dans des camps de concentration... ou immédiatement expulsés, sans ressources, et tous leurs biens confisqués.

Le ministère des Affaires religieuses fait lire dans toutes les mosquées un texte qui scelle le sort des Juifs d’Egypte : « Tous les Juifs sont des sionistes et des ennemis de l’Etat »,

En 9 mois, quelque 25.000 Juifs quittent l’Egypte en y abandonnant la plus grande partie de leurs biens, après avoir signé sous la contrainte ou la menace une déclaration mentionnant qu’ils quittent le pays volontairement et acceptent la confiscation de leurs avoirs.

1967

Nasser provoque Israël et bloque le détroit de Tiran en mer Rouge. Suit « la Guerre des 6 jours » où Israël s’empare du Sinaï, du Golan et de la Cisjordanie dans une guerre éclair défensive, devant plusieurs armées arabes.

Plusieurs centaines de Juifs Égyptiens sont arrêtés et emmenés aux centres de détention de Abou Za'abal et de Toura, où ils seront incarcérés et torturés pendant plus de trois ans.

La défaite de l’Egypte lors de la guerre des Six Jours, en 1967, provoquera le départ des quelques 4/5 000 Juifs restés dans ce pays et anéantira la plus vieille communauté juive du monde en dehors d’Israël.

1979

La paix israélo-égyptienne est signée en 1979. Israël a une ambassade au Caire et un consulat général à Alexandrie. Les quelques Juifs qui restent sont respectés, mais le traité de paix est ignoré par les élites de l'Égypte qui rejettent toute normalisation des relations avec Israël, même sous l’administration du maréchal Al-Sissi.

Al Sissi participe au maintien en état de ce qui reste du patrimoine juif, que ce soit des synagogues comme Shaar Hashamayim au Caire et Eliahu Hanabi à Alexandrie ou de cimetières comme Bassatine.

Conséquences du conflit et de l’exode

Le conflit arabo-israélien a créé des réfugiés, 900 000 juifs et 650 000 arabes ont été amenés à changer de patrie et/ou de résidence, et sont considérés comme des réfugiés. Mais les réfugiés palestiniens ont été sortis du lot et considérés par l’Onu comme des réfugiés à perpétuité, logés, nourris, soignés et éduqués par un organisme qui leur est dédié, l’Unrwa, et qui emploie 20 000 personnes, palestiniens pour la plupart.

Alors que les réfugiés juifs se sont intégrés dans une cinquantaine de pays, parfois lointains, après avoir perdu leurs biens et leurs ressources sans aucune compensation, les réfugiés palestiniens n’ont pas été intégrés dans les pays arabes voisins, vivant pour la plupart dans des camps et atteignant le nombre de 5 millions de réfugiés au bout de 4 générations, alors qu’ en réalité, il n’en reste plus que 20 000.

Depuis 70 ans, ces réfugiés arabes ont coûté 100 milliards d’euros, leur bienfaitrice ou "gouvernante" l'Unrwa a coûté 17 milliards d’euros, valeur 2020.

Les réfugiés juifs des pays arabes, dont personne ne parle, ont perdu 45 milliards d’euros de biens et ont coûté à l’Onu « 0 centime ». Les Juifs d’Egypte ont perdu entre 4 et 5 milliards euros.

D’un côté un coût de 117 milliards, de l’autre un dû de 45 milliards !

Deux poids et deux mesures : pour moi c’est de l’anti-judaïsme atavique et pernicieux, vieux de plus de 25 siècles.

Cette agence de l’Onu, l'Unrwa, n’est pas seulement un colossal aspirateur d’argent depuis sept décennies, mais aussi, par la transmission héréditaire du statut de « réfugié », et à travers les programmes scolaires des écoles qu’elle gère, elle entretient le conflit israélo-palestinien, la haine antisémite, la glorification du terrorisme et la promesse du droit du retour dans une Palestine « libérée des Juifs ».

L’ex-ambassadrice des Etats-Unis à l’Onu, Nikki Haley vient de lancer un appel au président Donald Trump, lui demandant de lever le secret sur le scandale de l’Unrwa.

 

© www.nuitdorient.com par le groupe boaz,copyright autorisé sous réserve de mention du site