www.nuitdorient.com

accueil -- nous écrire -- liens -- s'inscrire -- site

2ème Révolution sur le Nil, Quelques Motifs et suite

 

Par Albert Soued, écrivain http://soued.chez.com pour www.nuitdorient.com

le 9 juillet 2013

Voir aussi d'autres articles sur l'Egypte à www.nuitdorient.com/n22a2.htm

 

Mes ex-compatriotes ont montré un certain courage en se débarrassant aussi rapidement d'une mainmise islamiste sur leur vie quotidienne. La question est de savoir s'il s'agit d'un  sursaut éphémère ou d'un phénomène durable. Pour cela, il faudra analyser les transformations menées par la Confrérie des Frères Musulmans après son accession au pouvoir, et la situation du pays après 60 ans de dictature des généraux et un an de théocratie.

 

La Confrérie tisse sa toile au Moyen Orient depuis sa création en 1928. Restant dans l'ombre au moment du "Printemps arabe", elle a habilement manoeuvré pour s'emparer du pouvoir en Tunisie et en Egypte, profitant des "facilités démocratiques" offertes; et elle a préparé la prise du pouvoir à terme en Syrie et en Jordanie, et peut-être même en Arabie.

Quels ont été ses moyens ? La Confrérie a été longtemps financée par l'Arabie saoudite et a créé des centres caritatifs partout en Egypte, surtout depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, pour venir en aide aux plus démunis. Parallèlement l'Arabie finançait la couverture sociale et la retraite de nombre de cadres ingénieurs, médecins, avocats, etc...

Depuis l'assassinat de Sadate par un groupe extrémiste issu de la Confrérie, le financement s'est diversifié, venant d'élites arabes enrichies et acquises à l'idéologie. L'Arabie saoudite a estimé que la Confrérie était devenue trop puissante, concurrente et dangereuse pour l'oligarchie au pouvoir. Puis, quoique lui-même wahabite, l'ex-Emir du Qatar -- qui cherchait des appuis et alliés tout azimut -- s'est mis de la partie, a pris la relève de l'Arabie, et a financé l'accès au pouvoir de la Confrérie aussi bien au Caire qu'à Tunis.

 

La doctrine des Frères musulmans a été forgée au départ par l'instituteur Hassan el Banna, grand père de Tareq Ramadan. Puis elle a trouvé en route son "idéologue", Sayed al Qotb (voir www.nuitdorient.com/n23.htm et notamment www.nuitdorient.com/n2358.htm). Son idéologie radicale peut être résumée ainsi: représenté par les Etats-Unis, l'Occident est en déclin et le moment est venu de lui donner le coup de grâce et de le remplacer par un califat mondial de l'Islam (de préférence basé au Caire). Il faut l'attaquer de l'intérieur en multipliant les Ong et les officines de propagande politique sous couvert de religion. Il faut aussi éliminer les autres mécréants, les Juifs et leur état, Israël. Ainsi, en même temps, une gigantesque campagne de diffusion de l'antisémitisme le plus abject dans le monde arabe et ailleurs est menée, et l'encerclement d'Israël par des pays hostiles programmée. Tous les sheikhs et prédicateurs de la Confrérie sont sur le pont, notamment sur la chaîne internationale du Qatar, al Jazira et à l'Université d'al Azhar du Caire.

 

En l'espace d'un an, le président Mohamed Morsi a réussi à s'emparer de tous les pouvoirs et rouages de l'état, sauf 2, le judiciaire et les renseignements des Moukhabarat. En comparaison, en 12 ans Erdogan n'a pas réussi à islamiser autant la Turquie. Morsi a muselé l'information et installé une police des moeurs. Il a nommé Adel Mohamed al-Khayat, comme gouverneur de Louxor, un homme lié aux terroristes qui ont assassiné une soixantaine de touristes en 1997. Le comble pour une des 3 sources de richesse du pays qui sont le Canal de Suez, le Gaz et le tourisme.

La population d'Egypte augmente trop vite eu égard aux ressources apportées par le Nil. Cette population est de plus en plus affamée. Elle a voté massivement pour l'Islam en 2011/12, espérant avoir moins faim. En un an, elle a vite compris que le pays allait à une faillite irrémédiable.

 

Depuis quelques mois déjà, Morsi craignait des révoltes; il fit appel aux Iraniens pour lui  organiser des milices, puis il fit appel aux salafistes plus pugnaces, puis il fit appel aux milices jihadistes du Hamas; in fine 400 Marines de la MFO (force multinationale) étaient sensés veiller à sa sécurité. En même temps, il regarnissait ses coffres, en achetant du gaz au Qatar -- le comble pour un producteur de gaz -- à un prix 4 fois supérieur au prix du marché, l'Emir du Qatar lui rétrocédant la différence.

Pendant le règne de Morsi, jamais les Chrétiens Coptes -- qui représentent 12% de la population -- n'ont été autant maltraités, un véritable nettoyage ethnique avec tous les moyens habituels, enlèvement de filles, viols, assassinats, incendies d'églises, émigration forcée ou non de centaines de milliers d'individus, etc..

Doctrinaire et incompétent pour l'homme de la rue, Morsi fut raillé selon son propre slogan "on ne mélange pas l'alcool avec l'essence" (pour dire qu'on ne conduit pas quand on est saoul).  Alors partout on s'est mis à ironiser "on ne mélange pas Morsi avec l'Egypte", le quolibet devenant "viral" sur le net.

 

Mais Morsi avait surtout humilié l'Armée en congédiant ses chefs, qui avaient laissé faire, attendant le moment opportun pour se venger. Il faut savoir ici, que l'oligarchie des officiers de l'armée possède, directement ou non, une grande partie de l'appareil productif égyptien. Avec l'aide de l'Arabie, l'Armée a réussi à amplifier un mouvement populaire qui grondait jusqu'à obtenir 15 millions de signatures pour renverser l'homme qui l'a humiliée. Coup d'Etat ? En tout cas, coup d'état populaire.

 

Les grands perdants de ces évènements, ce sont les Etats-Unis menés par leur président Obama et sa clique affiliée à la Confrérie, dont l'ambassadrice Patterson. Il suffit de lire les  slogans sur la place al Tahrir pour le comprendre, Obama et les Etats-Unis sont partout vilipendés.

Le président américain Barack Obama est imbu des idées révolutionnaires de philosophe Saul Alinski, et il est devenu le cheval de Troie de la Confrérie à Washington, comme il est devenu l'allié objectif de la shiah iranienne qui préconise le nettoyage messianique de la planète... avant l'arrivée du Mahdi-Messie. Son administration a trouvé une porte de sortie honorable, le désengagement progressif du Moyen Orient. Son chef du Département d'Etat, John Kerry se promenait sur son yacht pendant les émeutes du Caire.

 

L'Egypte est à reconstruire politiquement, socialement et économiquement. Lourde tache qui ne se fera pas sans l'Armée, avec des risques de débordements à l'Est, du côté du Sinaï, devenu centre provisoire du califat mondial, avec tous les jihadistes du monde qui y ont trouvé refuge en fraternisant avec des tribus locales.

Privée des subsides du Qatar avec le nouvel Emir -- cheikh Hamad  Ben Khalifa Al-Thani a abdiqué au profit de l’un de ses nombreux fils, cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani qui envisagerait d'abandonner le wahabisme --, la Confrérie se contentera de la seule religion, sans s'occuper de politique, faute de moyens. Et il n'y aura pas de guerre civile en Egypte. Mais ce pays ne retrouvera pas l'aisance et la stabilité de l'époque du roi Fouad (1920/30), celle où il n'y avait que 8 ou 9 millions d'Egyptiens à nourrir et beaucoup de liberté et d'esprit d'entreprise.

 

Espérons quand même que le peuple égyptien pacifique, tolérant et plus sage ne se fera pas encore posséder, après s'être libéré une seconde fois à la Place de la Libération (al Tah'rir)

© www.nuitdorient.com par le groupe boaz,copyright autorisé sous réserve de mention du site