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"IL FAUT UNE SÉPARATION COMPLÈTE D'AU MOINS DIX ANS AVEC LES PALESTINIENS"

 

Interview de Nissim Zwilli, nouvel ambassadeur d'Israël en France paru dans le Monde du 21 - 11- 02

 

 

Le dialogue israélo-palestinien est au point mort. les perspectives de relance apparaissent nulles. comment voyez-vous la situation évoluer dans l'hypothèse d'un nouveau gouvernement Sharon ?

 

Personnellement, je suis un homme de gauche. J'étais secrétaire général du Parti travailliste quand Itzhak Rabin était premier ministre. Nous avons vraiment œuvré très dur pour arriver à l'accord historique d'Oslo. Je crois que nous avons fait quelques erreurs. La première est que l'on a cru qu'il pouvait y avoir dans le processus des raccourcis pour mettre fin au conflit. Nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour préparer les deux peuples. La deuxième erreur fut que l'on a cru possible de faire un accord de paix avec une faible majorité au Parlement. Le troisième élément est que l'on n'a pas suffisamment pris en considération la mentalité des Palestiniens et surtout celle du président de l'Autorité palestinienne.

 

Pourquoi ?

 

D'après moi, c'est Yasser Arafat qui a la responsabilité la plus lourde dans ce qui se passe aujourd'hui au Moyen-Orient, parce qu'il est arrivé à la conclusion que la meilleure combinaison permettant d'avancer dans le processus de paix est la combinaison entre le terrorisme et les négociations. Il a interprété l'évacuation du Liban sud comme un acte de faiblesse de l'Etat d'Israël. Depuis cette date, le processus a complètement dérapé.

Je suis devenu assez pessimiste car on a détruit des centaines et des milliers de vies humaines, mais ce qui a été vraiment détruit, c'est la confiance entre les peuples. Cependant, je suis sûr que la seule solution au conflit est une solution politique. La grande majorité des Israéliens ont compris que l'on ne peut vaincre le terrorisme par des actions militaires. Les Palestiniens doivent comprendre aussi que jamais ils ne pourront obtenir des concessions par la violence.

 

Que pensez-vous des critiques qui sont adressées au gouvernement d'Ariel Sharon par la France sur la conduite de la politique d'Israël ?

 

Je suis arrivé en France bouleversé, choqué par la façon dont on traite le conflit. Je n'ai pas reconnu mon pays dans ce que l'opinion publique française croit savoir de ce qui se passe en Israël. C'est quelque chose de difficile à accepter car ce n'est pas Israël. Israël n'est pas seulement cet aspect militaire, même si l'on est très fier de notre armée. Israël, c'est autre chose. Je ne crois pas que l'on a toujours raison, mais il y a quelque chose de très clair : notre peuple, dans sa grande majorité, veut arriver à un accord de paix avec les Palestiniens.

 

Mais alors comment relancer la négociation ?

 

Ce qu'il faut, en fin de compte, c'est adopter une approche plus pragmatique. Il n'est pas possible de réclamer encore le droit au retour après la création d'un Etat palestinien. Je crois que le peuple palestinien devra reconnaître qu'il y a des lignes rouges qu'aucun gouvernement israélien ne pourra franchir. C'est pour cela que, par exemple, dans la lutte contre le terrorisme, il n'y a pas de droite ni de gauche en Israël.

 

Y a-t-il d'autres barrières, d'autres lignes rouges qui ne peuvent être franchies ?

 

Après la création de l'Etat palestinien, il y aura deux Etats, l'un à côté de l'autre. Les Palestiniens qui sont partout dans le monde pourront retourner dans leur pays, comme les juifs ont le droit de retourner dans le leur. Il est inconcevable qu'Israël puisse intégrer des centaines de milliers de Palestiniens.

Donc, quand vous dites qu'il faut repartir et recommencer sur une approche plus pragmatique, vous voulez dire qu'il faut recommencer sans Arafat ?

Le problème n'est pas Arafat, d'après moi il est un des problèmes. Maintenant, il est vrai qu'on a le sentiment en Israël qu'Arafat est beaucoup plus un obstacle au processus de paix et qu'une autre personnalité pourrait le faire avancer. Mon sentiment personnel et celui de beaucoup d'Israéliens est qu'Arafat a su être le chef d'un mouvement révolutionnaire, mais nous ne sommes pas sûrs du tout qu'il puisse être capable d'être le chef d'un Etat.

 

Quelle solution voyez-vous alors ?

 

Je crois qu'il faut passer par une séparation complète entre les deux peuples puisque l'objectif est la création de deux Etats. On ne peut redémarrer un processus sans qu'il y ait, d'un côté, le retour à la sécurité pour les Israéliens et, de l'autre, la possibilité de s'organiser pour le peuple palestinien. Et quand je dis une barrière physique entre nous et les Palestiniens, ça ne veut pas dire de couper les liens et les relations qui existent. Il s'agit d'arriver à la même situation que dans la bande de Gaza, où il y a une frontière à franchir.

 

Pour vous, il n'y a pas vraiment de court terme, il faut d'abord une période de séparation physique entre Palestiniens et Israéliens, une maturation des deux côtés ?

 

Oui, et cela pendant une période de cinq à dix ans au moins avant un accord permanent, et je suis optimiste. Il faut mesurer le niveau de la haine au sein des deux peuples qui s'est développée depuis les deux dernières années. Je n'ai jamais vu cela avant et pendant les accords d'Oslo. Il y a des choses tellement dures qui se sont passées. C'est pour cela que je suis pessimiste.

 

 

 

 

 

Mais dans la situation actuelle, à la veille d'élections importantes, quelles sont les chances de la paix ?

 

La gauche israélienne n'a aucune chance de former un bloc qui pourra diriger le pays. Cela signifie que la seule force qui sera capable de former une majorité est la droite. Le Parti travailliste a fait une erreur très grave en faisant tomber le gouvernement d'union nationale. Je crois que le mieux dans l'intérêt d'Israël, après les nouvelles élections, sera de rétablir un nouveau gouvernement d'union nationale qui sera un peu plus équilibré. Le dernier gouvernement d'union était un gouvernement de droite avec une minorité travailliste. J'espère que les deux grands partis auront une majorité suffisante pour diriger ce pays afin d'aboutir à un accord.

 

Propos recueillis par Michel Bôle-Richard et Alain Frachon

 

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