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Fatah : après Abbas le déluge pro-iranien ?

 

Par Khaled Abu Toameh

7 Février 2014  - gatestoneinstitute.org

Adaptation : Marc Brzustowski.

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Alors qu’en anglais, Abbas exprimait son opposition à la “lutte armée”, des responsables palestiniens, en arabe,

publiaient des déclarations de soutien à la “résistance en armes” contre Israël.

Quand des personnalités de haut-rang du Fatah exhortent les Palestiniens à se préparer à l’éventualité d’un “combat armé” contre Israël, ils ordonnent, pratiquement, aux milices du Fatah de se tenir prêtes à lancer des attentats-terroristes.

 

Dans une interview cette semaine au New York Times, le Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, a, une fois encore, rappelé son opposition à la lutte armée contre Israël.

“Dans ma vie, et si j’ai encore une vie à l’avenir, je ne reviendrais jamais surl’option de la lutte armée », a déclaré Abbas.

Mais, alors qu’Abbas exprimait, en anglais son opposition à ces tactiques en armes, des responsables palestiniens importants diffusaient, en arabe, des communiqués de soutien à la « résistance armée » contre Israël. Ces dirigeants, qui sont en faveur de la « résistance musclée », n’ont rien de petits bureaucrates ou de « seconds couteaux ». Il s’agit, plutôt de représentants historiques de haut-rang de la faction gouvernante d’Abbas, le Fatah. En outre, leurs noms sont souvent mentionnés comme des successeurs potentiels d’Abbas, qui est entré, le mois dernier dans la dixième année de son mandat de… quatre ans comme Président.

Par le passé, Abbas a expliqué son opposition à l’usage de la violence contre Israël en arguant qu’elle s’était avérée « inefficace » et qu’elle ne parvenait qu’à provoquer toujours plus de destruction pour les Palestiniens eux-mêmes.

La bonne nouvelle, c’est que les cercles dirigeants du Fatah ont réitéré leur soutien « à la lutte populaire » (c’est-à-dire aux manifestations contre la barrière de séparation) contre Israël. C’est ce qui a été annoncé au cours des célébrations marquant son 49ème anniversaire.

La mauvaise nouvelle, c’est que le Fatah n’est pas unifié, lorsqu’on en vient au problème du recours au terrorisme contre Israël. Le Fatah comprend de nombreux « rebelles de l’intérieur » et des groupes armés qui continuent ouvertement à en appeler à la « lutte armée » contre Israël, comme seule voie pour atteindre les objectifs palestiniens.

Jibril Rajoub, membre du Comité Central du Fatah et ancien commandant des forces de sécurité Palestiniennes. (Image source : Palestinian Media Watch)

Au cours des derniers mois, un nombre croissant de responsables de haut niveau du Fatah, tels que Jibril Rajoub, Tawfik Tirawi et Mahmoud al-Aloul – tous membres du Comité Central du Fatah – se sont publiquement exprimés comme favorables à un retour à « la lutte armée » contre Israël. Rajoub et Tirawi sont d’anciens commandements des forces de sécurité palestinienne dans la Bande Occidentale de Judée-Samarie, a priori considérés comme des alliés proches d’Abbas. Al-Aloul, aussi étroitement associé à Abbas, et ancien gouverneur de la plus grande ville de Cisjordanie, Naplouse [nommé par Rajoub, après Oslo].

De plus, différents groupes armés appartenant au Fatah, tels que les Brigades des Martyrs d’Al Aqsa, continuent de maintenir leur présence, non seulement en Cisjordanie, mais également à Gaza. Les miliciens de ce groupe ne manquent jamais une occasion de publier toutes sortes de menaces contre Israël, y compris de transformer Tel Aviv en « amas de flammes » (voir vidéo iranienne ?)

Abbas a choisi de ne pas commenter ces appels, faits à la “lutte armée” par ses principaux fidèles. Il peut y avoir trois raisons à la décision d’Abbas de rester assis entre deux chaises.

D’abord, il peut craindre de s’aliéner l’opposition des ces décideurs et d’autres membres du Fatah qui sont avides d’en revenir au terrorisme contre Israël.

Deuxièmement, peut-être qu’Abbas, si on creuse un peu en profondeur, n’est pas aussi opposé que cela à cette idée.

Troisièmement, Abbas cherche probablement à employer de telles menaces comme un bon moyen d’extorquer de nouvelles concessions de la part d’Israël et de faire peur à la communauté internationale, pour forcer Israël à céder aux exigences palestiniennes.

Ces déclarations en faveur de la “lutte armée” sont destinées à préparer le public palestinien à un nouveau cycle de violence contre Israël si (et quand) les négociations parrainées par les Américains échouaient.

Abbas peut bien ignorer ces déclarations, mais de nombreux Palestiniens écoutent avec beaucoup d’attention ces messages venant de leurs hauts-représentants.

Lorsque des personnages hauts en couleur du Fatah, comme Rajoub et Tirawi exhortent les Palestiniens à se préparer à l’éventualité d’une “lutte armée” contre Israël, en réalité, ils ordonnent aux miliciens du Fatah et à leurs sympathisants de se tenir prêts à lancer des attentats terroristes.

Pas plus tard que la semaine dernière, Rajoub a déclaré à la chaîne de télévision iranienne Al-Alam que « l’option de la résistance, y compris, la résistance armée, reste bien sur la table (des négociations) ».

[On saisit l’effet d’aubaine, proposé par Rajoub aux Mollahs Iraniens : « vous êtes relativement enlisés en Syrie et dans d’autres conflits régionaux (Yémen, Irak…). Aidez-nous à raviver les flammes de la « Cause palestinienne » en déclin, et nous ferons le maximum pour combler votre perte de popularité au Liban et dans le monde arabe ».

C’est un pari risqué qui demande des moyens, des réseaux, par les zones frontalières à l’étanchéité fluctuante : Golan, Sinaï, par un desserrement de l’étau égypto-israélien autour du fief du Hamas, ou la frontière libanaise…

Mais l’anarchie régnante à travers le Moyen-Orient et le "ticket-modérateur" égypto-jordanien, favorables à la "paix froide", voire à la coopération sécuritaire anti-iranienne, avec Israël, ne plaident pas pour la réussite d’une telle stratégie de détournement, à mesure que ces pays ou Etats-faillis plongent plus profondément dans la crise et les guerres civiles ou sectaires… Difficile de combattre plusieurs ennemis à la fois.

Les offres de dialogue des Etats-Unis sur le programme nucléaire et la Syrie légitiment la stature régionale de l’Iran et son droit de se mêler des problèmes israélo-palestiniens, tout en lui permettant de poursuivre, sans encombre, son engagement militaire dans toute la région, avec la Syrie-Liban comme plaque centrale. Tout est donc affaire de temps et d’un minimum de réussites, parfois, constatées sur le terrain.

Dans un remaniement complet de sa politique, le Commandement des Gardiens de la Révolution iranienne s’est résolu à approfondir et augmenter l’intervention du Hezbollah libanais dans la guerre civile syrienne (+ 5.000 combattants mobilisés dernièrement), avec de fortes répercussions sur la stabilité du Liban et sur les frontières syriennes et libanaises avec Israël. Cette politique d’expansion régionale est centralisée par le Général Qassem Souleimani et le Corps des Gardiens de la Révolution.

Selon les sources du renseignement, ces directives incarnent les dernières décisions du Guide Suprême Ali Khamenei de séparer strictement toute approche de la diplomatie nucléaire, de l’intervention directe dans les conflits régionaux : en Syrie, au Liban et dans les territoires palestiniens - pour tenter d’en venir à la confrontation directe contre Israël].

Tirawi, pour sa part, a envoyé le message suivant aux Palestiniens : « Ceux qui pensent que les négociations avec les Israéliens nous mèneront où que ce soit se trompent. Nous devons impérativement en revenir au cycle de l’action. Cela signifie à la résistance armée sous toutes ses formes. Le Fatah n’a pas abandonné l’option de la lutte armée ».

Al Aloul, dans un message similaire, a insisté : « Le Fatah n’a pas abandonné la lutte armée comme son droit légitime. La Sixième conférence, qui s’est tenue à Bethléhem à l’été 2009, a encore réaffirmé ce point ».

Il est, en règle générale, presque impossible d’entendre le Hamas dire un mot positif sur le Fatah. Mais le discours exponentiel sur le retour au terrorisme contre Israël a poussé le Hamas à tresser des couronnes de laurier à ces dirigeants du Fatah. Faisant référence à ces appels à relancer les actes violents contre Israël, le dirigeant Musa Abu Marzouk, du Hamas y est allé de son commentaire :

"Ce sont des déclarations positives, particulièrmeent, à la lumière du fait que ces trois personnalités sont membre du Comité Central du Fatah ».

De toute évidence, ils sont encore nombreux, au Fatah, ceux qui croient encore que les attentats-suicide et les attaques de roquettes sont un bon moyen d’obliger Israël à faire des concessions. Ces responsables du Fatah ont, déjà, oublié que les Palestiniens ont dû payer un lourd tribut pour avoir « militarisé » la Seconde Intifada », et ils souhaitent, à nouveau, envoyer de jeunes femmes et hommes se « sacrifier »pour la cause palestinienne. Dans le vacarme régional des armes, il reste peu probable qu’ils parviennent à focaliser l’attention des belligérants, au point dé déclarer la trêve pour venir en masse à leur rescousse...

Il est rassurant de lire le “bon père de famille” Abbas faire des déclarations modérées et apaisantes, dans le New York Times. Mais on ne peut ignorer ces autres voix provenant de son cercle rapproché, qui craignent l’oubli de leur cause sous le fatras du chaos régional…