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LETTRES A FLAMMARION

 

Monsieur le directeur,

 

Vous avez reçu un certain nombre de lettres attirant votre attention sur les dangers que présente la publication du livre de Randa Ghazi "Rêver la Palestine".

 

Je m'associe à la plupart de ces lettres. Ces protestations me semblent inspirées par le simple bon sens. Ce bons sens qui, apparemment, a cruellement fait défaut aux dirigeants de la holding italienne possédant Flammarion à 100%.

 

Jusqu'à présent, je ne demandais pas le retrait du marché de ce brûlot antisémite. Vous êtes libre d'éditer ce que vous voulez et de favoriser l'éclosion de jeunes "talents". Fortement attaché à la liberté d'expression, je ne voyais pas au nom de quoi je pourrais en réclamer l'interdiction. C'est néanmoins avec douleur que j'ai lu in extenso cet opuscule.

 

Ce livre est pervers tout autant que votre démarche. Et ceci pour plusieurs raisons dont la plupart, si ce n'est la totalité, vous sont connues. Je ne peux pas imaginer qu'une maison d'édition comme Flammarion n'ait pas calculé les risques inhérents à ce type d'opérations.

 

1 - Tout d'abord, vous ne précisez nulle part qu'il s'agit d'un roman pour la jeunesse. La collection n'est mentionnée en aucune manière. Mais, dans certaines maisons de la presse, nous pouvons le trouver au rayon jeunes adolescents. Certes, vous mentionnez en fin d'ouvrage la Loi du 16 juillet 1949. J'ose espérer que vous avez pris connaissance de cette loi et que c'est en toute connaissance de cause que vous avez pris votre décision.

 

2 - Comme pour tout roman, vous avez beau jeu d'affirmer qu'il s'agit d'une oeuvre de fiction. Certains auteurs de roman prennent la précaution d'indiquer en début d'ouvrage "toute ressemblance avec des personnes ou des situations existants ou ayant existé ne pourrait être que le fruit du hasard". Frédéric Dard a renouvelé le genre dans la série de San Antonio. Je gage que vos services juridiques sont mobilisés afin de faire face au nombre important de plaintes émanant de citoyens israéliens accomplissant leur service militaire au sein de Tsahal et qui, à bon droit, pourront se sentir diffamés, eux et leurs familles vivant en France.

 

3 - Pervers aussi le procédé littéraire qui consiste à  ponctuer le roman d'évènements tirés de l'actualité (l'affaire Al-Dura page 180-181 par exemple) en en tronquant l'explication, en faisant état de rumeurs dont l'ignominie dépasse l'entendement.  A ce titre, le livre de Randa Ghazi sort du cadre romanesque pour entrer de plain pied dans celui du réquisitoire et du mensonge. Vous n'êtes pas sans ignorer que la Loi interdit ce type de torsion de la réalité.

 

4 - Pervers et faux enfin car vous imposez un treillis conceptuel qui filtrera inévitablement les interprétations de l'ouvrage. J'en veux pour preuve certaines notes explicatives proposées à la fin de cet opuscule et qui donnent notamment une interprétation tronquée du mot Djihad. J'ai pris avec intérêt connaissance de votre profession de foi sur le site de Flammarion. En voici un extrait : 

Dès l'origine, Flammarion s'est défini comme un éditeur généraliste portant une attention particulière à la diffusion des connaissances et au domaine du savoir. C'est ainsi qu'en procédant par développement interne et acquisitions, il a constitué un important secteur dans lequel la lecture a pour objectif la culture, le loisir et l'évasion.

Or, la définition du mot DJIHAD que vous proposez à l'ensemble des jeunes lecteurs est une définition tronquée, fausse, en opposition totale avec le sens couramment admis par l'ensemble des théologiens éclairés du monde musulman. Procédant ainsi, vous contribuez à donner de l'Islam une image guerrière dont veulent se départir nombres de musulmans pacifiques en France et en Europe. Vous ruinez ainsi les efforts accomplis depuis des années par les tenants du dialogue entre nos civilisations. Vous contribuez aussi, et ce n'est pas le moins grave, à attiser un peu plus la haine entre différentes communautés en Europe.  

En proposant une telle définition du mot DJIHAD, vous n'avez pas fait oeuvre de culture. Vous avez simplement enfourché la monture de la mauvaise foi et de l'ignorance populaire, contredisant ainsi les beaux engagements qui jalonnent votre site Internet.

Ces 4 points auraient pu être plus nombreux, tant ce livre laisse l'impression  que la Paix est devenue impossible. Je ne vous pardonnerais jamais cette atteinte à l'espérance. Je m'associerais à tout mouvement d'opinion visant à vous décrédibiliser.

En contact quotidien avec des cadres enseignants au sein de l'Éducation Nationale, je m'engage, dès aujourd'hui, à tout mettre en oeuvre pour que vous ne puissiez plus franchir les appels d'offres annuels dont vous bénéficiez. Et ceci concernera l'ensemble de vos éditions ( J'ai lu,  Collection Librio,  Flammarion-Presse, mensuel et albums Fluide Glacial, Éditions de la tour, le magazine Beaux Arts,  Ozone,  Aubier, Delagrave Édition, Éditions Pygmalion, Éditions Arthaud, Casterman Édition, éditions Caramel et le célèbre Père Castor).

Je termine ce courrier par des formules de politesses que j'aurais le tact, comme le plaisir, de garder secrètes (dixit Prévert).

Pierre Lefebvre

3-12-2002